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elles produiroïït dans notre efprit des
impreflîons durables , des caraffères recon-
noiffables qui ne nous échapperont plus,
fk qui nous donneront les premières idees
de- la régularité de toutes ces choies.
Nous tiendrons un compte esaél des cir-
conflances & des lieux ou elles s annonceront;
& enfin nous ferons, par une fuite
de la même attention, en état de remarquer
les variétés 8c toutes leurs dépendances.
L’examen de ces variétés réitéré &
porté fur une multitude d’objets que nous
trou veronsfous nos pas lorfque nous faurons
voir , nous fera aifément diflinguer le
caractère propre d’une configuration ,
d’avec les circonftances accefioires. Nous
difcuterons avec bien plus d’avantage
l’étendue des effets 8c même la combi-
naifcn des caufes , lorfque nous pourrons
décider ce qu’elles admettent conflamment,
ce qu’elles négligent quelquefois & ce
qu’elles excluent toujours.
Les irrégularités font des four ces de
lumière, parce qu’el'es nous dévoilent
des effets qu’une uniformité trop confiante
nous cachoit ou nous rendoit imperceptibles.
La nature fe décèle fouvent
par un écart qui montre fon fecret au
grand jour : mais on ne tire avantage de;
ces irrégularités qu’autant qu’on eft au
fait de ce qui , dans telle ou telle circonf-
tance, efl la marche ordinaire de la nature,
& qu’on peut démêler fi ces écarts affec-,
tent ou l’effentiel ou l’accelfoire.
Pour avoir des idées nettes fur les objets
qu’ori obferve, on s’attache aulîi à renfermer
, dans des limites plus ou moins
précifes , fes mêmes effets foit réguliers ,
foit irréguliers. Oh appréciera , par des
mefures exaâes jufqu’où s’étend tel contour
, telle avance angulaire dans une montagne
, telle profondeur dans les vallons ,
dont on fuivra les bords foit inclinés ,
foit furtout efcarpés ; on prendra les dimenfions
des fentes perpendiculaires ,
& de l’épaiffeur des couches, fuivant leurs
polirions refpeétives.
Dans l’appréciation des limites aflîgnées
aux effets, il eft très-utile de paffer de la
conlïdération d’uné extrémité à la ccnfi-
dération de l’autre extrémité oppofée :
comme de la hauteur des montagnes aux
plus profonds abîmes , ou des continens
ou des mers ; de la plus belle confervation
d’un foflîie au dernier degré de fa calcination
ôc deftruâion.
Un obfervateur intelligent ne fe bornera
pas tejlement dans, fes favantes difcuffions ,
aux formes extérieures & à la ftrudure
d’un objet, qu’il ne prenne une.ponnoif-
fanceexadedes matières elles-mêmes, qui,
par leurs divers affemblages ont concouru
à le produire; il liera même exaâement
une idée avec l’autre. Telle matière , dira-
t-il , affeéte telle forme ; il concluera l’une
de l’autre , & réciproquement. Il fe formera
des diftinétions générales des, fubf-
tances terreftres ; il les partagera en matières
vitrefcibles & calcaires ; il les reconnoîtra
à l’eau-forte ou par des rédudions chimiques.
Il aura lieu de remarquer que les
grès font par blocs 8c par maffes dans leurs
carrières ; que les pierres calcaires font par
lits 8c par couches; que les fchiftes affectent
la forme trapézoïdale .; que certaines
cryftalifations font affujetties à la figure
piramidale ou parallélipipède ; que dans
d’autres les lames cryftalifées s’affemblent
& s’adaptent fur une bâfe vers laquelle.elles
ont une diredion, comme vers un,centre
commun , &c. Toutes ces dépendarices.
jettent dans des détails qui, en multipliant
les attentions de l’obfervateur , lui pré-
fentent les objets fous un nouveau jour,
8c donnent du poids à fes découvertes.
Il portera la plus fcrupuleufe attention
fur lés circonftances uniformes 8c régulières
qui accompagnent certains effets;
elles ne peuvent lui échapper, lorfqu’ii
fera prévenu quelle influence leur examen
peut avoir par rapport à l’appréciation des
phénomènes ; cette confidé ration entre
même plus diredement que toute autre
dans l’objet de la Géographie-Phyfique.
Ainfi, fuivant ces vues, il contemplera
les ouvrages de. la nature, tantôt dans le
détail de leur ftrudure , tantôt dans le
rapport des pièces. Un coup-d’oeil général
& rapide n’apprend rien que de vague ;
un mince détail épuife fouvent fans pré-;
fenter rien de fuivi ; il faut donc foutenir
une obfervation par l’autre ; & c’eft en !
les faifant fuccéder alternativement , que !
les vues s’affermiffent, même en s’étendant.
«Cette étude fuppofe , dïtBuffô'n,
» les grandes vues d’un génie ardent qui
» embraffe tout d’un coup-d’oeil , & les
» petites attentions d’un inllinâ laborieux
» qui ne s’attache qu’à un feul point. »
Hift. nat., i er vol. La place qu’occupe un
tel corps ou un tel affemblage de corps
dans l’économie générale,, fera déterminée
relativement à la nature de ces corps. On
fnbordonnera, en un mot, les .détails qui
concernent les lubftances 8c leurs fermes
à ceux qui tiennent à la difpofition relative.
On remarquera exactement que certaines
couches de pierres calcaires ou
autres, font d’une égale épaiffeur dans
toute leur longueur ; mais que celles de
gravier amalfées dans des vallons n’annoncent
pas la même régularité ; que dans les
premières , les coquilles 8c les autres corps
marins pétrifiés font à plat ; que dans les
fécondés elles font difpofées irrégulièrement
; que les fentes perpendiculairesTont
plus larges dans les fubftances molles que
dans les matières les plus compactes, 8cc.
Quelle que foit la multiplicité des agens
que faffe mouvoir la nature, & la variété
dts formes qu’elle donne à Tés effets, tout
tend à former un enfemble. Un corps
étranger qui fe trouve placé au milieu
dts matières calcaires; des blocs de .grès
au milieu des marnes ; des fables au milieu
des glaifes ; toutes ces obfervations
font très - efferitïelles pour connoître la
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diftribution générale ou les révolutions.
Comme un feul homme ne peut pas
tout voir par foi-même , & que c’eft la
condition de nos connoiffances de devoir
leurs progrès aux découvertes & aux recherches
combinées de plufieurs obfer-
vateurs ; il eft néceffaire de s’en rapporter
au témoignage des autres. Mais parmi ces
deferiptions étrangères , il y a beaucoup
de choix ; 8c dans ce difeernement, il faut
employer une critique férieufe 8c une dif-
euflion févère. L’expérience 8c la raifon
nous autorifent à nous défier généralement
de tous les faits de cette nature dont les
anciens feuls font les garans. Nous ne nous
y attacherons, nous n’y ferons attention
que pour les vérifier , ou qu’autant qu’on
l’aura fait 8c qu’ils feront dégagés de ce
merveilleux que ces écrivains leur prêtent
ordinairement ; ou enfin lorfque leurs détails
rentrent dans des circonftances avérées
8c indubitables d’ailleurs. Mais nous
croyons qu’on doit proferire nommément
tous ces fameux menfonges qui, par une
négligence blâmable ou par une imbécille
crédulité, ont été tranfmis de lîècles en
iiècles, 8c qui tiennent la place de la
vérité. On peut juger par l’emploi fréquent
que s’en permettent les compilateurs, du
tort qu’ils font aux fciences. Cependant
pour les proferire fans retour, il faut être,
en état de leur fubftituer le vrai, qui fouvent
n’eft qu’altéré par les idées les plus
bizarres; on eft entièrement détrompé
d’une illufion , lorfqu’on connoît les prétextes
qui l’ont fait naître.
Quant à ce qui concerne les auteurs
qui ont écrit avant le renouvellement des
fciences , ils ne doivent etre confultes
qu’avec réferve ; privés de connoiffances
capables de les éclairer 8c de les guider
dans la difeuffion des faits , ils ne les ont
obfervés qu’imparfaitement ou fous un
point de vue qui fe rapporte toujours a
leurs préjugés. Kircher décrit, defline ,
préfente les coupes des réfervoirs qui
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