
tendoit fous la ligne, afin d’être toujours
à portée de fournir à la lune & aux autres
lanètes la nourriture dont elles ayoient
efoin.
La même raifon qui avoit fait imaginer
des Antiehtones ou des habitans de
la Zone Aullraletempérée, avoit fait juger
qu’il y avoit auffi des Antipodes , c’eft-
à-dire, des habitans du point de la terre
diamétralement oppofé à nos pieds dans
l ’autre hémifphère. La figure fphérique de
la terre portoit à conjefturer l’un & l’autre,
mais on n’en avoit aucune certitude.
Cependant Pline n’ofe le décider : & il
eft certain qu’on en parloit avec encore
plus de réferve que des Antiehtones. Les;
premiers chrétiens perfuadés que cette
opinion ne s’accordoit pas aifément avec
l’écriture , la regardoient comme une
rêverie des philofophes. V irg ile , évêque
de Tarpse, fut excommunié par le pape
Zacharie , pour l’avoir foutenue, & quiconque
eût été dans la même opinion
avant la découverte de l’Amérique, n’eût
pas manqué d’être regardé comme un
hérétique. On ne eonnoiffoit donc qu’une
feule partie de la terre comprife fous la
Zone Tempéréefeptentrionale; encores’en
falloit-ilbeaucoup, comme on va le voir,
que tous les pays que cette Zônerenferme
fuffent parfaitement connus.
Quoique ce ne foit p a y mon deflfein
d’entrer dans le détail de la Géographie
ancienne, il eft cependant à propos que j’en
dife ici quelque chofe, afin d’en donner-
au moins une idée générale.
Les anciens divifoient la. terre connue,
de leur tems en trois parties qu’ils nom-
xnoient Europe , Afie & Libye ou Afrique.
Ces mêmes noms leur font reflés depuis,
avec cette différence qu’on les donne
aujourd’hui à des pays beaucoup plus
étendus.
Du teins de Géminus} tout ce que l’on
connoifloit de la terre, occupoit un efpîce
deux fois plus long que large, & compre-
noit environ les deux tiers de l’Europe ,
le tiers de l ’Afrique & à-peu-près le quart
de i’Afie.
Selon notre Géographie Bnoderne, en
Europe, l’Efpagne, les Gaules, l’Italie,
l’Allemagne jufqu’à l’Elbe , la Hongrie,
quelque partie de la Pologne & de la
Lithuanie , la Macédoine & la Grèce que
nous appelions Turquie d’E urope, étoient
connus aux anciens. N ohs pouvons y
ajouter les illes Britanniques, quoique Dion
nous apprenne que ce fut feulement fous
l’empire de Tite qu’il fut pleinement avéré
que la grande Bretagne étoit une ifle. Celle
de Thulé que l’on croit aujourd’hui être Thi-
léhtel, laplusfeptentrionale des Orcades,
étoit pour les anciens l’extrémité du monde;
& l’ïllande que quelques-uns ont prife malà
propos pour l’ancienne Thulé , 1 leur
étoit inconnue ainiî que la Scandinavie,
toutle Nord del’Allemagne, la plus grande
partie de la Pologne & la Mofcoyie
entière.
A l’égard de l ’A frique, ils n’en connoîf-
foient que le côté feptentrional, fous les
noms de la Numidie, des deux Maurita-
nies,de laLybie Cirénaïque,& de l’Egypte,
en fuivant la côte depuis Maroc jufqu’à la
Mer Rouge. 11« appelloient Garamantesles
peuples qui demeuroient au Midi de laMau.
ritanie & de la Numidie, & nommoient
Ethiopiens tous ceux qui habitoient au
Midi de la Lyb ie & de l’Egypte , & qui
occupoient le relie de l’Afrique.
Enfin, en A fie , tous les petits royaumes
compris fous le nom de Turquie Afiatique,
leur étoient connus , ainfi que la Coichide
fituée entre , le Pont-Euxin & la mer Caf-
pienne, l’Arabie, la Perfe, & une partie de
l’Inde. Si l’on pouvoit ajouter foi à ce que
les hift'oriens,. ont écrit d’Alexandre, on
croiroit que ce prince auroit pénétré jusqu’au
Gange, aijafi que Jkcclrus avoir & te
dit-on, ayant lui. Mais il y à peu d’apparence
qu’il ait pouffé auffi loinfes conquêtes.
De la îr.oniere dont lesanciens ont parlé dé
ce fleuve , on voit clairement qu'ils n’en
ont jamais bien connu le cours ni la fitua-
tion. Quoi qu’il en foit, il eft très-certain
qu’ils n’avoient qu’une notion très-confufe
des pays fitués au-delà de l ’Indus, & qu’ils
n’en avoient nulle de ceux qui font au-delà
du Gange.
Les anciens donnoient indiftinâement à
tous les habitans des pays qui ne leur étoient
pas connus, les noms généraux d’indiens,
de Scythes, d’Hyperboréens & d’Ethio-
piens. Ils comprenoient, fous le nom d’in diens
, les peuples qui habitoient aux environs
& au-delà de 1Indus, & généralement
tous les peuples orientaux. Ils appelloient
Scythes ceux qui étoient fitués au-delà du
Pont-Euxin & de la mer Cafpienrie, & qui
occupoient tout le Nord de l’Afie. Les
Hyperboréens étoient les habitans de l’A llemagne
feptentrionale, de la Pologne & de
la Mofcovie. Enfin fous le nom d'Ethio-
piens, étoient compris, comme je viens de
le dire, tous les peuples méridionaux de
l’Afrique , depuis environ les vingt - fix
degrés de iatitudefeptentrionale&au-delà.
Je parlerai bientôt de la fameufe ifle
Atlantide; à l’égard de la Taprobane, on
ne peut faire aucun fond fur ce qui fe lit
aujourd’hui dans les anciens, au fujet de
cette ifle, que quelques-uns ont cru légèrement
être celle de Ceylan , & d’autres,
avec encore moins de fondement, la grande
ifle de Sumatra. C ’eft fur le témoignage des
amiraux d’Alexandre, & fur celui d’un cer
tain Jambule, dont les relations font vifi-
blement fabuleufes, qu’on prétend aujourd’hui
fonder quelque certitude fur la Taprobane
des anciens qui ne peut, raifonna-
blement palier que pour un pays imaginaire,
avoient, comme nous, l’ufage des cartes
géographiques. Anaximandre, difciple de
Thaïes, eft fameux par fa fphère & par fa
carte générale de la terre. Eratofthène corrigea
ainfi que les iffes Fortunées autrefois
fi célébrés.
A ce que je viens de dire de la géogra-
£hj,e des anciens, je dois ajouter qu’ils
depuis cette carte d’Anaximandre qui
étoit très-fautive & fort imparfaite, & Hip-
parque corrigea celle d’Eratolthène. Varron
nous apprend qu’il trouva un jour C . fu n -
danius, fon beau-pere, occupé à confidé-
rer une carte de l’Italie qu’on avoit tracée
fur une muraille..
Il eft donc confiant que les anciens
avoient, comme nous, l’ufage des carte«,
tant générales que particulières; celles-ci
pouvoient être allez exaâes. A l’égard des
autres, elles contenoient certainement beau •
coup dévidé, ou beaucoup d’imaginaire &
dé fabuleux. Lepeu d’habileté qu’ils avoient
dans l’art de la navigation qu’oo peut nommer
la fource de la connoilfance des pays
éloignés, étoit pour eux un obflacle infur-
montable à la découverte des régions dif»
tantes de celles qu’ils habitoient. On féli-
citoit les premiers empereurs chrétiens fur
ce que leurs vaiffeaux avoient ofé naviguer
fur l’Océan pendant l’hiver. C ’eft ainfi que
Firmicus s’en explique. Il n’eft pas furpre-
nant que les anciens aient toujours parlé de
l’Océan avec la même emphâfe à-peu-près
que du Stix ou de l’Acheron. Il n’y a pas
[ trois cents ans que nos navigateurs ofoient
à peine s’écarter de fes bords. Enfin nous
pouvons légitimement croire que fi l’invention
de la bouffole n’eût perfeâionnà
l’art de la navigation, nous ferions aujourd’hui
à-peu près dans la même ignorance
où font reliés fi long-tems les hommes qui
nous ont précédés, fur ce qui regarde 1*
plus grande partie de la terre.
X V I I ,
Des révolutions auxquelles les anciens ont
cru la terre fujette ; où il efl quefliort
des déluges, des débordemens des fleuves ,
des tremblemens de terre & des embrâje-*
mens des feux fouterrains,
XI n’y a rien dans l’univers qui ne fort
P P P »