
Le dodeur Hutton a embraiTé1 à-peu-
près la même fuppoiîtion ; mais la fufion
par le feu qu’il a cru devoir admettre fe
trouse avoir eu lieu dans des circonflances
différentes; nous avons déjà fait connoître
dans les extraits de fa théorie de la terre
quelles font ces circonftances.
Ce favant prétend d’abord que toute
matière pulvérulente que nous foulons au
pied , fous le nom générique de terre ,
procède du détritus ou de la décompofîtion
des pierres primitives : en cela il efl op-
pofé à l’opinion de ceux qui croient, au
contraire , que les matières terreufes ,"incohérentes
, ont exifté de tout tems dans le
même état, & qja’enfuite elles ont été
partiellement réunies fous la forme de
pierres compaéfes, tandis qu’une autre
partie efl reliée terreufe& incohérente. Mais
il s ’en faut bien que ces aliénions aient été
préfentées jufqu’à préfent avec les nuances
d’effets quel’obfervationfuivie &raifonnée
nous a démontré avoir eu lieu dans toutes
les circonflances.
Ainfî je fuis porté à croire qu’il ne faut
avoir égard à aucune des deux fuppofîtions,
qui. font -trop générales pour nous donner
le dénouement & l’explication des phénomènes.
Voici encore un autre objet de con-
teflation que nous ne devons pas omettre.
S i , d’un côté quelques-uns des plus habiles
profeffeurs , ont infifté fur l’influence de
l’animalïfation pour modifier les élémens.
de la matière ; s’ils ont confidéré les dé
pouilles-des teflacées & lésos des animaux ,
comme les bâfes des terres & des pierres
calcaires : s’ils nous ont. fait voir dans ces
maffes énormes qui compofent les couches
de laterre, une accumulation de coquillages
marins paffés à l’état de pierre à chaux :
enfin , s’ils en ont conclu que ces amas de
fùbflances calcaires étoient les produits de
la vie animale ; que.les blocs de pierres,
dans iefquels l’organifadon a été tellement j
altérée qu’elle a difparu entièrement, avoient.
été travaillés au fein des mers, enforteque*
des corps primitivement organifés n’avoie®
définitivement offert que des maffes brutes
& inorganiques.
De l’autre, des chimifles, du. fond de
leur laboratoire , fe font imaginés que h
pierre calcaire étoit une terre primitive
comme les autres , & que les teftacées qui
en forment leurs enveloppes , la prennent
dans l’immenfe réfervoir de la nature déjà
formée, fe l’affimilent, mais ne la modifient
pas.
■ Comment prendre un parti au milieu
de ces prétentions ? Cependant on peut
dire que les plantes qui fe nourriffent feulement
d’air & d’eau donnent, par leur
décompofîtion, de la terre qui efl due au
feul travail de la végétation. Qui ofera
décider qraîntenant jufqu’où peut s ’étendre
la puiffance de la vie animale ! En vain;
quelques chimifles moderness’hafàrderoient
de l’eflimer, j’avoue que je tiens encore
aux vues des anciens & de Rouelle en
particulier.
L e grand phénomène de la flratificàtm
ou de la difpofition des matières par lits,
ou par couches fhperpofées les unes fur les
autres, a occupé le dodeur Hutton , qui
reconnoît avec tous les bons obfervateurs,
que toutes les matières ainfi flratifiées ont
été ainfi dépofées au fond de i’Océan. Ses
antagonifles ont oppofé à cela l’obfervation
qui a fait connoître que des maiïifs bien
évidemment flratifiés n’offroient aucun
indice de corps marins , d’où ils ont voulu
conclure que rien n’indiquoitl’origine fou-
marine des couches. Cependant l’exiflence
des dépouilles des corps marins dans les
couches calcaires, n’a pas été jugée KJ
çeffaire par les bons obfervateurs , pour
décider que la (Ratification dés bancs calcaires
fût l’ouvrage de l’Océan ; ainfi l’on
doit conlidérer l’obj edion dont nousvenons
de parler comme une mauvaife difficulté.
| Hutton a cru aufli qu’aucune des matières
dépofées par les, eaux n’avoit pu
fe confolider fous l’eau , & qu’il falloit
une force quelconque qui chaflat ce fluide
des molécules dés fubflances dépofées,
pour, qu’elles priffent la confîflance & la
dureté des pierres , & il trouve cette force
dans les feux fouterrains. Mais il efl vifî-
ble que le .travail de la pétrification, fe
continue fous nos yeux , & par les concrétions
qui ont eu lieu dans la plupart
des cas où l’affinité mutuelle des parties a
fervi très-efficacement à exclure l’eau fura-
bondante : c’ell ce que nous montrent
les cry ILlifations ordinaires. Nous citerons
encore en preuve de cette confolidation,
certaines pierres- qui , encore tendres au
fortir de la carrière , acquièrent une affez
grande dureté à mefure qu’ellesde trouvent
plus long-tems expofées à l’air; &• enfin,
tous les mortiers qui fe durciflent hors
de l’eau & même fous l’eau , (ans avoir
befoin "de i’adion du feu : ce qui détruit
les prétentions de Hutton.'
Outre ces raifons, l ’imagination-s’effraie
a la vue de toutes les circonftances dont
la fufion générale des matières pierreufes
exige nécelîàirement la réunion. Quelle
colleétion immenfe de matières inflammables
ne faüdroit-il pas admettre dans
les entrailles de la terre , pour produire
ces merveilleux effets, & dans l’étendue
que leur donne Hutton?» Comment les
lubllances calcaires auraient-elles réfiflé à
cette aétion des feux fouterrains ? Peut- on
admettre que la pfeffion des maffes furin-
cumbantes auroit fuffi pour contenir
toutes les matières des couches inférieures
dans l’état où nous les voyons ? Car les
matières pures, telles que les.fpaths & les
marbres falins & grenus ne parodient pas
avoir été expofés au feu. Les ftéatites &
les ferpentines,fe feroient durcies au.feu
& même y auroient pris un commencement
de fufion. Pour peu d’ailleurs que
les ardoifes , les trapps & les bafaltes
euflènt éprouvé l’adion des feux fouterraïns,
ils fe feroient réduits en feories.
Enfin les quartz auroient réfiflé à l’adion
du feu. Comment pourroit-on expliquer
la parfaite fufion que fa cryftalifation , fous
forme régulière de cryflal de roche, exi-
geroit dans l’hypothèfe de Hutton ? Comment
ces mêmes incendies fouterrains,
répandus uniformément de toutes parts ,
auroient ils pu contribuer à la formation
des fîlex au milieu des craies & des pierres
calcaires ?
Si l’on réunifloit au quartz quelques
fubflances qui auroient fait l’office de
fondant, alors l’adion du feu auroit pro
duit un verre de ces matières. Mais on
ne peut avoir recours à cette reflburce ;
car on trouve affez fouvent des cryftaux
de quartz mêlés avec des matières-fulîbies,
& qui ne montrent aucun indice de fufion :
fans parler de ce qu’on trouve dans le
fîlex de femblables mélanges propres à en
faciliter également une fonte qui l’auroit
dénaturé.
Le géologue Ecoflais efl particuliérement
malheureux dans l’explication qu’il
donne de la formation du granité par
l ’adion des feux fouterrains. Comment
concevoir que cette forte de pierre, com-
pofée de principes très-differens , n’eût
pas perdu en fe fondant, la texture de
chacun de ces principes que nous y obfer -
vons maintenant, & ne fût pas devenue
une maffe informe comme nos laves ?
Peut-On fuppofer qu’après fa fufîort, cette
maffe fe fût cryflalifée de nouveau fous
forme de grains. Car nous, favons , par
expérience, que le granit fe fond en un
verre'brut & très-different du fchorl la-
melleux. Enfin, on peut citer des granits
de nouvelle formation , & l’on reconnoît
aifémènt qu’ils ont reçu cette difpofition
dé leurs parties par le travail de l ’eau; car
ce font d’anciens débris reliés enfemble
par une infiltration qui a conloiidé ce
nouvel affemblage.
Je dois finir cette difeuffion par une ré-
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