
Depuis l’eft jufqu’à l’ouefl de ce grand
continent des tropiques, tant dans l’Afie
que dans l’Afrique , les rivières nous
apprennent qu’il pleut dans la faifon du
folfiice d’été, & qu’au contraire le beau
tems y efl amené par la ceffation des
caufes de la chaleur. Nous ne pouvons
fuppofer que la chaleur foit la caufe immédiate
de la condenfation de la vapeur
aqueufe : nous ne pouvons pas fuppofer
non plus que cet effet ne foit pas produit
par le froid ; car cette hypothèfe ne ten-
droit à rien moins qu à admettre dans la
nature une contradiâion qu’on n’a jamais
vue encore. Ainfi, dans cette lituation du
continent , l’effet des rayons du foleil
d’été doit être d’élever l’air, de l’échauffer,
& de le remplacer par celui qui vient des
mers voifmes chargé de vapeurs aqueufes.
Dès qu’il efl parvenu fur ce continent
échauffé, cet air humide doit être porté
dans des régions plus élevées de l’atmol-
phcre, & tranfporté de ià vers les régions
polaires pour être condenfé par degré ,
fuivant que la caufe du refroidifl'ement a
lieu : ou bien il doit tomber fur ce continent
en pluie en trouvant une caufe de
condenfation. Dans la première hypo
thèfe , on n’y trouverait point de pluie
pendant l’été; ou bien, ce qui revient au
même , les rivières de ces contrées par
lefquelles nous devons juger du fait,
feroient au plus bas après cette faifon.
Mais puilque l’événement efl précifément
contraire , les rivières étant alors très-
enflées , il fuit nécefiairement que les
maffes d’air chargées d’eau tranfportées
de deffus la mer , doivent éprouver la
condenfation de leur eau fur ce continent
échauffé pendant le follice d’été : 8c l’on
ne connoît à préfent aucune autre caufe
qui puiffe produire un tel effet, ou aucune
autre théorie par laquelle on puiffe Expliquer
ces phénomènes naturels de pluies
périodiques.
Le folffice d’été qui efl une caufe de
pluie dans certaines régions voifines de
mers, qui, en raifon de la chaleur qu’elles
éprouvent, fourniffent les' produits d’uhe
grande évaporation , efl au contraire une
c.iufe de féchereffe dans d’autres régions
dans lefquelles l’évaporation efl en beaucoup
moindre quantité ou très-éloignée,
Un continent d’hiver échauffé , ex hauffé
par l’élévation du foleil d’été , deyroit
êfre plutôt fec que pluvieux durant le période
de fa chaleur, à moins que quelques
courans d’atmofphère dans les conditions
que l’on a fuppofées néceflaires, ne parviennent
dans cette partie & ne fe rencontrent
de manière à fe combiner comme
on l’a jugé convenable. IL en réfulteroit
ainfi quelques averfes très - importantes
pour les végétaux de cette conjrée , mais
on ne pourroit les confidéret comme une
faifon générale de pluies.
La thèfe change , lors de la déclinaifon
du foleil d’été. L’atmofphère fur ce continent
doit alors , foit faturé julqu’à fon
dégré. de chaletfr, foit refroidi jufqu’à fon
dégré de faturation, être difpofé à donner
de la pluie au moyen des combinaifons
de tout ce qui fe trouve dans des températures
différentes : c’eft de-là qu’on
peut donner l’explication des pluies d’automne
& des neiges d’hiver, qui peuvent
dans ces circonftances avoir lieu tout auffi
régulièrement que lespluies des tropiques.
Nous formates également inflruits de ces
événemens par les neiges éternelles qui
couvrent régulièrement les régions fep-
tentrionales ; événemens qui ont heu
très conflamment, & qu’on peut confidérer
comme les effets d’une pluie périodique
régulière.
Ayant ainfi fait voir que la pluie efl
occafionnée par l’effet de deux principes
oppofés : celui d’un foleil vertical ou fort
élevé & celui de fon éloignement , on ne
devroit trouver aucun lieu fur la furface de
la terre où il ne pleuve pas plus ou
1 moins par l’effet de ces deux circonflances-
j Mais cependant il y a des contrées où il
ne pleut jamais. Il efl donc queflion maintenant
de montrer jufqu’où ces phénomènes
peuvent s’accorder avec la théorie
de la pluie générale, qui vient d’être
expofée,
3”. Des exceptions apparentes à la généralité
de la pluie.
La théorie qui a été développée fur
la généralité de la pluie a été établie fur
ces. deux principes , 1°. que les portions
combinées de l’atmofphère font, en confluence
d’une certaine loi de la nature,
propres à donner de la pluie ; 2°. qu’il
exifte dans la conftitution du globe ter-
reftre des. caufes favorables à la combi-,
naifon des différentes parties de l’atmof-
phëre , particuliérement pendant l’été ,
par l’influence du'foleil. Si la loi établie
par la nature pour l’évaporation de l’eau
& la condenfation de la vapeur avôit fuivi
une autre règle que celle que nous avons
démontrée dans notre théorie , aucune
combinaifon des parties.de l’atmofphère
n’auroit produit ni pluie , ni brouillard ,
& les régions de condenfation auroient
été limitées aux régions du froid, ou,
trèi-probablement il y auroit eu une
pluie continuelle , fans autre variation
peut-être qu’un léger changement dans
les régions de condenfation : chacune de
j ces»régions augmentant ou diminuant alternativement
avec les faifons de l’hiver
ou de l’été.
Dans le fyftême aâuel du globe , la
difpofition des chofes efl différente & les
caufes de la pluie font toujours fortement
agiffantes. Mais dans la théorie qui a été
donnée relativement à certaines parties
de ce fyflême , il faut, pour que la pluie
tombe, le concours de circonftances & de
conditions qui ne découlent pas immédiatement
des caufes du chaud & du
froid, lefquelles exercent leur aétion furie
globe. Si donc on n’obferve pas ccs c®n-
djtions dans certaines contrées, il ne
doit pas y avoir de pluie malgré la fiini-
litude dans la nature & la difpofition de
ces contrées avec celles où l’on rencontre
des pluies abondantes. Mais s’il efl rai-
fonnable de conclure que dans quelques
fituations de contrées particulières , on
n’y trouveroit pas les conditions propres
à combiner différentes portions d’atmof-
phère fuffisamment faturées d’eau , &: dans
des dégres différens de chaleur , ou que
ces conditions ne fe préfenteroient que
rarement : alors en trouvant fur toute la
terre précifément un ou deux efpaces
bornés dans lefquels il ne pleut point ou
très-rarement , on pourroit confentir a
fuppofer avec nous que ces efpaces manquent
des conditions que noiis avons
décidé être néceflaires pour la pluie, &
de le conclure d’après les effets lorfqu’il
n’eft pas pofilble de difeuter plus profondément
les caufes.
La Baffe-Egypte & un terrain étroit
fur la côte du Pérou , font les feuls
exemples que nous ayons de cette fingu-
lière circonftance. Il auroit été impoflible
qu’on pût conclure à priori, que de tous
les lieux fitués fur la terre, ces deux
contrées dévoient être celles dans lefquelles
il n’y eût pas de pluie : les connoiffances
de l’homme , en traçant les effets à venir
d’après des caufes connues , feront toujours
trop imparfaites pour une pareille
entreprife. Néanmoins comme nous fa-
vons que ces deux contrées font les feu les
où il ne tombe pas de pluie , on doit
nous paffer la conléquence que tel efl
l’état naturel des vents dans ces lieux ,
qu’ils font un obftacle aux conditions né-
ceffaires pour produire de la pluie.
Au relie, les obfervations d’Ulloa fur
le vent, appuient affez fortement cette
conféquence. Ce vent fernble fouffler fi
conflamment fur la côte du Pérou, qu’on
pourroit croire ou qu’il devroit pleuvoir
conflamment fur cette côte, ou nepas pleuvoir
du tout. Dans ce dernier cas, nous
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