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effentiel d’écarter tes petits faits pour en
former un général qui les embrafle tous :
telle auroit été la détermination de? limites
des grandes malfes, &c,
On pourrait citer à ce fujét beaucoup
de mémoires qui pèchent 'par le même
défaut de recherches, & defquelsil n’eft
pas pollible de tirer aucun fait complet',
aucun réfultat utile , pour le progrès de
la . fcience naturelle : mais on indique
d’abord les deux mémoires que l’on a
déjà cités , & qui contiennent le dépouillement
des obfervations faites fur la
route de Paris à Strasbourg»
On voit que fur un grand trajet il
ne ramalfe & ne note que les échantillons
des pierres de taiile quelconques * fans
s’occuper à reconnrûtre quelle' pouvait
être dans les bancs & dans les couches
à découvert leur pofition relative, J’épaif-
feur des lits, C’eft fur cette même route
que franchilfapt rapidement l’intervalle; de
Vermenton à Dijon , Guettard rencon-
'tra par hafard vers Rauvray' les limites
du maflif du Morvan. C’eft l’extrémité de
l ’ancienne terre de Rouelle’ qui vient
aboutir à la route de' Dijon & qui
s’annonce, "par des échantillons de granit.
Cette belle rencontre auroit piqué M
curiofité d’un difciple de Rouelle. Ce
beau maflif, fous le nom de Morvan, fe
trouve décrit dans toute fon étendue &
avec fes limites dans le diSLionnaïrç, &
■ figuré dans l’atlas fur upe carte, avec
les détails qui peuvent donner upe idée
du fyftême de ' la divifîon des maffifs
par Rouelle, & fur-tput de fon ancienne
terre. Guettard en conféquence defa marche
rapide, affujettie à la ligne qui le menait à
iStrasbourg, a négligé de voir & de revoir
cette contrée iptéreflante, que j ’ai obférvée
avec foin en 1772 , lorfque j ’ep fis
rédiger & figurer la carte fuivant ma
jnéthode (les ( Voyez majjifs.)-
Gn ajoutera à ces réflexiotis fur ces
deux mémoires celles qu’a fait naître la
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f levure de l’écrit que: Guettard a rédigé
fur l'Italie d’aprcs les notes de Guenée s
t on n’y trou v e , ni liaifon , ni fuite dans
les faits qu’on y préfente. C ’eft toujours
! la defçrïption mefquins & rapide des
’ fubftancas ; minérales que pouvoit offrir
la ligne étroite tracée par -la route des
voyageurs, mais fans aucune vus propre
à donner aux obfervations l’étendue qu’elles
dévoient naturellement comporter. Non-
feulement on n’y voit aucune anaiyfe de
ces .faits , mais encore ils ne font pas
préfentés avec les détails propres à auto-
rifer des. conféquences ipftruâives* On
n’y trouve non plus aucune comparaifon
des faits femblables & analogues. On
fait cependant que cette comparaifon ell
la bâfe du travail des naturalises obferva*
teurs, qui pe s’inftruifent eux-mêmès de
leurs lèéteurs que par des raprochemens
adroits, 8ç des analogies bien difeutéas,
La" marche fuivie cottftamment par
Guettard dans ces mémoires & dans
beaucoup d’autres, a été fi contagieufç
de fi funefte à l’hiftoïre naturelle J que
l ’académie des- fciences, qui fut frappée
de ces inconvéniens, prit le parti d’écarter
tous les ouvrages qui lui étôient préfentés,
Sç dans iefquels , en fuivant ces modèles,
l’on entreprenoit de décrire i’hiftoire
naturelle minéralogique de certaines çon-
trées de la Françe. Tels font , i° . un
mémoire qui çontenoit une defeription
rapide d’une partie des, Vofges , faite
d’après des courfes affujetdes à de Amples
lignes droites dç fort étroites" ; 2 9. un
mémoire préfenté par la fociété de Montpellier.
L ’académie des fciences s’eft
expliquée à -çe fujét, & refufa d e . les
admette dans; fés recueils : elle a même
chargé quelques-uns de fe$-membres d’en
faire part aux auteurs de ces perits ,
pour les engager à fuivre dans leurs
obfervations un autre plan-, en s’attachant
par des examens raifonnés à établir des
réfültats intéreffans & propres à faire
connoître la conftitution du fol des con-
[ trées qu’ils auraient qçcafion d’étfidier ,
G U E
& de décrire exactement dans toutes l
leurs parties : v o ic i. le précis de cès
réflexions St de ces a yis.. ; .
- « L ’académie n’eflplus difpofée à donner
fon approbation à des deferiptions de
Voyages , dans lefqueis'l’obfervateur naturalise
fe contente de noter chacun des
objets, épars; qu'il rencontre fur fa'route
affujettie à une ligné fort étroite. Ces
recueils de faits incomplets, parce qu’em
n’y préfente qu’une très-petite face des
objets, font plus propres à groffir le
volume de la fcience , qu’à'en augmenter
les progrès. Qn ne doit; tout au plus les
confidérer que comme desmatériaux qui
ne pourront entrer dans une defeription
raifonnée , qu’autant qu’on aura embraflé
les faits dans leur totalité , qu’on aura
même été en état de raprocher & de
combiner tous les faits analogues pour
établir de grands réfültats. »
Voilà la marche qu’il convient de fuivre
maintenant ; voilà le plan de conduite
auquel doivent s’attacher ceux des obfer-
vateurs qui veulent enrichir les recueils
de l’académie de mémoires intéreffans.
Elle ne peut faire aucun cas d’une multitude
de notes d’objets ifoiés & disparates.,
qu’il ell aullî facile de recueillir, que
difficile enfuite de mettre en oeuvre ;
parce que la plupart font oifeufes St
inutiles. Les petites circonftanees locales
qu’on apperçoit dans les divers points d’une
courfe, ne fuffifent pas pour qu’on puiffe
fe flatter d’avoir faifî un fait dans toute
fon étendue , ou du moins dans toute
ceile qu’on doit avoir embraffée , pour
qu’il foit combiné avantageufement &
fans effort avec d’autres faits analogues,
également bien obfervés , & pour que
tout ce travail donne des réfültats vraiment
intereffans.
A toutes ces réflexions, nous devons
ajouter quelques principes fur la meilleure
manière d’obferver.
Géographie-Phj'Jïquc, Tome I .
G U E 16 »
Le premier , le plus important ,
preferit aux naturaliftes qui obfervent ,
de préfenter les faits dans leur entier &
avec toutes leurs circonftanees : c’eft-
à-dire de préfenter un fait fous tous les
afpeéts pc(libres ; une obfervadon mutilée
& faite à demi, étant fouirent inutile &
toujours infruétueufe. On faifoit-' fentir
ajfément les. avantages de ce principe par
un exemple: '
On fuppofe qu’on ait trouvé dans urt
état ifolé & fur le fommet d’une montagne
ou d’une; colline, un grand bloc de
granit. Voilà un fait , il ell vrai : le bloc
immenfe, mobile, étranger à laplace qu’il
o c cu p e , préfente àl’efprit l ’idée d’un tranf-
port allez étonnant; mais il relie pour
completter l’obfervation première, à raf-
fembler toutes les circonftanees qui ont dû
accompagner ce tranfport, & qui en donneront
la folution. Il faut donc d’abord examiner
tous les environs, pour découvrir
quel étoit le gîte primitif où réfîdoit le
bloc dont il eft queftion , & d’où il
eft parti : ces recherches doivent conduire
jufqu’aux roches granitiques malfives
St d’une compofition femblable à ' celle
du bloc : dès-lors on connoit fon origine.
On examine enluite quelles peuvent être
lescaufes de la deftruâion de ces-roches,
& celles des tranfports de leurs débris
qui ont eu lieu dans certains tems. Mais
en pourfuivant l’examen du trajet parcouru
par le bloc., on trouve fbuvent entra
le bloc élevé fur des hauteurs ifolées ,
& les endroits d’où il provient , une ou
plufieurs vallées. Cette circonflance apprend
que ces vallées ont été creufées après
la chiite & le tranfport du bloc de granit
qui ne pourraient avoir eu lieu dans
l’état aâuel. D ’où l’on doit conclura
évidemment que ces excavations ont
1 été faites par l’enlèvement ultérieur des
matériaux qui rempliffoient ces vuides.
O11 tirera donc de toutes ces circonft anees
cette conféquence générale, qu’il fut un
Items où les roches granitiques, tombant
| en ruine, foumiffoient des débris qui