du Nord, & l’abaiflement des terres le long
dereôtes de la H Ilande , j ai cru devoir
en donner le précis raifonné, avec
d’autant plue de raifon, que c’eft un fup-
plément naturel à ce que j’ai publié fur
1a queftion de la diminution de l’eau de
la mer Baltique, difcütée par les favants
Suédois. On y verra des faits très-inté-
relfans , préfentés avec autant d’adr-efie que
de fagacité, relativement aux mouveméns
de la mer du Nord, dont lebaffin a éprouvé
tant dé changemens le long des côtes de
la Hollande. On verra qu’il réfulte de cette
difculfion que ces changemens n ’en-ont
peut-être pas apporté au niveau des eaux de
la mèr : enforte que cette grande queftion
exminée fous différents points de
vues , refte toujours indécife.
Remarques fur l'élévation de la mtr & fur
' V abalffemtnt des terres le long des cotes
de la Hollande3
§ • I •
Que la fur face de la terre ait fubi des
changeriients confîdérables & prefque incroyables,
depuis la création du monde;
que plufieurs parties de cettéfurface fôient
côùveÆs -d’eau H qui anciennement étaient
feches & même -éloignées dé^ia mer; que
■ d’autr'es'parties, qui jadis étbient cachées
fous le|É eatïx , f fe niontreht maintenant
à découvert vôilà des vérités qui ont
été reconnues des anciens',naturalisés , &
dont les modernes ne peuvent plus douter.
Moi-même je les ai démontrées-a-il-
leurs par un grand nombre de preuves,
qu’il feroit facile dé multiplier i c i , s’il
etoit'nécelfaire. '11 efl cependant certain
que plufieurs écrivains modernes . ont
été trop empreffés’ à tirer des ,con fé ren ces
, & à former des hypothèfes 'générales
d’un petit nombre" d’bbfervations :
défaut 'qui fans doute; n’eft que trop
eortimun, quoiqu’on en aitivu. alfez "fou-
vent lés fuites dangerèufes pour n’avoir
pas: appris à contempler d’un oeil plu*
attentif les oeuvres de la nature.
§. a.
Linné .ayant obfervé que les terre*
s’élèvent en quelques endroits de la Suède,
tandis que la mer y perd de fon étendue, 8c fe retire, pour ainfî dire , - des côtes,
en conclut trop facilement que la meme
chofe. doit avoir lieu fur tout le globe.
Celfius a cherché à appuyer ce fen.
timent par de nouvelles_ preuves, ê t a
voulu en démontrer la vérité par des loix
générales de la nature ; de forte que(ii
ces cqnclufions étoient .jufles , un fem-
biable phénomène devroit avoir lieu fur
toutes les. côtes maritimes du globe.
Celfius a même donne une table, qui fert
à faire voir combien la mer doit bailler par
la fucceffion des tems. Dans mille ans,
par exemple , la mer fera plus, balle de
4P pieds géométriques qu’elle ne^ 1 eit
aujourd’hui, ainfî qu’elle efl de nos jours
de 4h pieds plus baffe qu’elle ne 1 etoit
il y a mille ans.
§• 3 - H
Peut-être que .ces écrivains ne fe fef oient
pas bazardés à tirer une confequencéy gêné
râlé des oblèx-vations faites en Suède,
s’ils avoient eu le tems Rapprendre celles
qui ont été faites fur quelques côtes d’Italie.
Manfredi a cherché. à prouver
par dés raifonnemens appuyés-fur -l’expérience
, que la mer devient infenfibje-
" ment plus haute près de Ravenne. ,La
.cathédrale de cette ancienne ville ' a été
bâtie du tems de l’empereur- Théodofe ,
environ 400- ans après la nailfance de
Jèfus-C.hrift. En 1731, on découvrit fon
ancien pavé de marbre , qui n’étoit qu’à
fix pouces-, mefure de Ravenne., au-delfus
: du ..jufant, .& à plus do S pouces au-
1 deSbits dfis -jràiéfis. S’il jr ’étQit â/rivé au-:
cun changement dans la hauteur de la j
mer, ou dans celle de la terre ferme près dè
Ravenne, l ’eau de la mer autoit dû entrer
tous les jours dans cette églife à la hauteur
de 8 pouces mefure de Ravenne,
ou de plus d’un pied de celle de Boulogne
; ce qui n’efl nullement probable.,
On ne peut pas croire non plus que , par j
la fucceffion des fièçles , ce pavé fe (bit
infenfiblement affaiffé au-deflous du niveau
de la mer ; car un bâtiment auffi
grand & auffi confîdérable , n’auroit pu
s’affaiffer fans s’entrouvrir en plufieurs endroits
, & fans que les.colonnes fur lef-
quelles il p o r te , n’indiqualfent quelque
preuve d’un fi grand changement ; d’autant
plus que Vitruve nous apprend que
déjà anciennement tous les édifices à Râ-
venne étoient bâtis fur pilotis. Il faut
donc nécefîàirement croire que la mer
a gagné de ce côté là. On trouvé de nouvelles
preuves du haufiement de la mef
à Venife , o u i ’on a été obligé d’abandonner,
par cette raifon , une .églife fou-
terraine, dans laquelle on célébroit autrefois
l’office. '
§• 4 -
Manfredi,: à qui il ne manqùoit ni
la prudence , ni la. circonlpeâion , qualités
nécelfaires pour former un bon phy-
ficien, a cependant été auffi trop ém-,
prelfé- à tirer de ces obfervations une
conféquence générale..
le n’examinerai point f i l ’op pourrôit
former quelques objeéfibns contre la conféquence
particulière; je fuppoferai même,
qu’elle nous' prouve, inconteflablement
que la mer y a gagné en hauteur ; j’avoue ,
«bailleurs, que ce .n’efl pas fins raifon qu’il
conclut d’autres1 obfervations,' que 'cette-
hauteur de la -. mer ,.tly croît d’un pied
en deux cents & trente ans. Cependant
Manfredi n’auroit pas dû fuppofer taci-
tetnent'-que cela a de '»îêflje lieu, fur
toutes les côtes de la mer : & il paroîc
clairement qu’il fait’ cette fuppofition ,
puifqn’il affigne à ce changement une caufs
qui doit opérer le même effet partout le
globe ; tandis que le contraire paroît néanmoins
par les obfervations faites en Suède,
& dont nous venons de parler,. Je cherche
principalement la caùfe de cette élévation
dans la vâfe-, le fable & autres fub-
flances femblables que la pluie détache
des montagnes & des terres , - & que les
rivières charient à la mer ; de forte que
dans tous les pays où , il pleut, & où les
eaux enlèvent"quelque partie, de la terre,
qui efl portée dans la m er, on devroit
remarquer cette hauteur croiSante par degrés
infenfibles.
§• S- - "
Il feroit à délirer pour la Hollande que le
fentiment de Linné & de Celfius fût' vrai,
&" que l’experience- nous apprît que la
mer baiffe infenfiblemeut le lohg des côtes
de ce pays ; pulfqu’alors nos rivières , qui
font malheureufement fi obftmées 8c -'fi:
embarraffées de fable & de vafe., açquer-
roient de temps en temps un libre jco.urs'
vers la mer ; tandis qu’au contraire nous
devons nous attèndrè tôt ou tard au fort
le plus déplorable , fi la mer croît jamais
rapidement le long de no* côtes , & fi on
ne penfepas à temps à prévenir ou à diminuer,
s’il efl polfible, ce malheur en le
reculant.. Ce nej-fera donc pas une curio-
Tité inutile , ni un amufement infrudueux
de chercher à examiner plus particuliérement
l 'état des côtes de la. Hollande à cèt
égard. .Tout ben patriote,, tout citoyen
de cette contrée heureufe , efl intérefîé à
cet examen. Mais nous ne devons pas nous
arrêter ici à dé, fimples. raifonnements fpé-
vcûiatifs' faits à priori ; tout phÿficien exad
& attentif apprend journellement, que nous
ayons- pour cela des connoiflànces trop
peu approfondies de la nature & de l’opération
.des.çaufes naturelles : l’expérience
feule doit donc être ici notre guide.