
fition ; or c’eft une prqpofition qu’on ne fau-
roit fouténir.
Qu’on fe rappelle feulement1 ce ’que
j ’ai dit au fujet des huîtres pro'digïeùfes
qu’on trouve à la fuperfiçie de la terre,
entre Murcie & Mula ; c’eft qu’On Voit
évidemment que tout ce' terrein a été
formé par la rëduâion des roches calcaires
en terres calcaires. Il faut donc absolument
que ces coquilles fe foient introduites
dans la roche, lorfque ces roches étoiërit
dans un état de dilfolutiôn ou de pâte;
que ces roches fe,liaient enfuite décom-
pofées & converties eu tepre calcaire
commq on le voit aujourd’hui-, puifqufii
ejl évident .qujelles, n’ont,pas toujours été
dans l ’état où elles, font, Suppofons à
préfent, comme je le crois., que cette
terre calcaire fe durciffe une -autre fo is,
& forme des roches ; perfonne ne con-
tefteça pour lors qu’il n’y jit eu décom-
pofition & réconipofition. Il manque feulement
à, l’évidente de cette vérité:que des
hommes puiffent .-être les témoins de
cette opération ; mais c’elt ce que la brièveté
de la vie ne permet point. Ceux qui
nous ont précédés ne nous ont tranfmis
aucunes .pbfervations qui foient relatives
à cet ob je t, & la lenteur inconcevable
de la .patqre dansVes opérations, eft
au-defiits de la portée ‘ du. vulgaire. Lçs
montagnes, les vallées, & toute la matière
font dans un mouvement de rotation continuelle,
& dans une circulation imperceptible
qui ont commencé il y a très-long-
tems & qui finiront à la fuite des fiècles.
D e s pierres roulées & arrondies.
J’ai fait très-fouvent mention des pierres
roulées & des pierres arrondies, fans
avoir donné une idée de . leur nature, ni
du motif qui m’a engagé à leur donner ces
noms nouveaux. Il eft impolfible de tout
dire à la fois. Je vais m’expliquer à préfent
en peu de mots, parce que! je veux que
ie ledeur puifie donner carrière à fon imagiriation
{ fur cette matière ; s’il aime à
reflédhir, il aura matière à former des
hypo’tiïèfes.
J appelle pierres roulées & arrondies
celles qu’on trouve ordinairement prefque
par-tout fans, angles & fans'pointes; quoique
ces pierres ne foient pas parfaitement
arrondies, elles ont leurs fup^rficies plus
o u ’moins unies. Les matières dont elles
font compofëes font de différente nature,
comme de quartz , de matière calcaire,
vitrifiable, comme de filéx & c . ; en caf-
tilfan pn les appelle 'Ordinairement dè
petits Cailloux.'La'première idée' qui fç
préfente- pour expliquer, comment, ces
pierres ont pu perdre leurs angles', s’arrondir
& Fe polir , 'c’eft dé'c'rojre qù’èlles fe
font frottées 'les unes contre lès aütres ,
ou contre quélqu’autrè matière plus' dure,
parce que c’eft le moyen dont nous nous
feryons pour' polir quelque matière que
ce fort *;“& comme ces pierres'arrondies
fe trouvent en tres-grande quantité dans
des .lits de prefque toutes les,rivières, il
eft tout naturel de s’imaginer que les eaux
de ces rivières les entraînent, & que ce
mouvement les polit en les faifant rouler ,
c’eft pour cela qu’on les .appelle pierre?
roulées•
J’ai vécu toute ma vie dans cette idée,
jufqu’à ce qu’étant à Aranjuez, peu après
mon. arrivée en Efpagne , je m’apperçus
que je parfois d’un principe, faux, parce
que les pierres arrondies du lit du Tage
ne rouloient pas. ; Cette obfervation me
fit'redoubler d attention & j’en ai réuni
beaucoup d’autres qui m’ont démontré
mon erreur; mais 'pour n’être pas ennuyeux
, je n ’en rapporterai que quelques-
unes qui font décifives. Il n ’y a pas de
pierres plus remarquables ni plus fîngu-
îieres que les cailloux tcryftaUins qu’on
t’rouve dans le lit de l’Hénarès près de S.-
Fernand : fi cés pierres .rouloient. ou che-
minoient même par Je mouvement le plus
lent & le plus imperceptible, elles devroienc.
dep uistant de fiecleseêtre déjà arrivées au'
Tage qui n’en eft pas éloigné, néanmoins ,
on*ne voit pas une feule de ces pierres dans
le Tage.'
Le Tage en palfant par Sacédon p; eft
rempli de pierres calcaires , & plus bas,
à Aranjuès , on n’y en voit pas une
lëüle.
Dans, le royaume de Jaen, près de Li-
narés, il y a un coteau, prefque tout corn-
pofé de pierres liftes allez belles, de la
forme"& dé la groffeur d’un oeuf. Leur
poli ni leur arrondiflement ne peuvent
s’attribuer aux pluiés. parce que ces-pierres
n-’y font pas expofées, & qu’elles ne font
pas répandues fur la furfaceN de la terre,
mais amoncelées & entaffées dans le corps
du coteau. On peut encore moins en attribuer
la caufe à quelque riviere ; 'car je
ne vois pas par quelle hypothëfe ou par
quelle chronologie on pourroit imaginer
qu’une riviere ait pafle fur le fommet de ,
ce coteau.
Dans le viliage:de Maria, à trois lieues
àu-defliis de Sàrigbflb, il y a un ravin
très-large, rempli de quartz, de grès,
de pierres calcaires, & de gÿpfe très-
blanc; & l’Ebreà Saragofle ne contient pas
une.feule de ces matières.
Perfonne, je c rois, ne pourra dire qu’il
ait vu dans le lit de l ’Ebre des pierres de
granit arrondies, grandes ou petites, ni
des pierres bleuâtres avec des veines
blanches; & la Cinca avant de fe jetter
dans l’E b re , eft remplie de ces pierres; au
point qu’elle ne roule d’autre fable que
ces mêmes pierres tres-petites près de
Saint-Jean., dans la vallée de Giftau.
La rivière de Naxera eft pleine , dè petits
grès‘ & de petits quartz blancs' en
forme d’amandes, mêles*.avec d’autreSpe-
tits quartz roux. Cëttè rivière fe décharge
dans l’Ëbre , & au palfage de l’Ebre à
Géographit-Phyfiqtie. Tome I .
Saragofle on n’y voit aucune de ces
pierres.
La Guadiana roule, dans divers endroits
des pierres de la qualité de celles des col -
fines fupérieures & de celles qui font fur
fes bords, fans que les pierres qui font, par
exemple,' une demi-lieue plus haut ,
foient mêlées avec celles qui font une
demi - lieue plus bas & à Badajos où le
terrein n’a point de pierres, la rivière n’en
i à;pas non plus.
„Ce n’eft pas feulement. en Efpagne que
> j’ai obfervé"-que- les rivières ne roulent
pas les pierres. J’ai fait la même remarque
; dans plufieurs autres contrées d’Europe;
mais pour ne pas multiplier les preuves ,
je citerai : feulement ce que j’ai vu dans
quelques rivières de France. L ’Allier renferme
près, de fa Iburce , à une demi-
'lieue de Varenne, une quantité de différais
cailloux de quartz roux & .jaune,
qui font de la nature , de, ceux qui font
dans les champs, qui le bordent; & au
j palfage de l ’Allier à Moulins, je n’ai pu
; y découvrir aucun de ces cailloux, parce
que tout le terrein y.eft de gravier. Vers
la Iburce de la L o ir e , on trouve une im-
. menfité de cailloux; plus bas à fon paflàge
; par Nevers, on n ’en voit,aucun, & le
! fond delà rivière dans, cet, endroit eft de
fable pur & dé caillou , comme les campagnes
.-voifines.
Il y a une grande quantité de pierres
. à fufil dans la rivière d’Yonne, avant fon
, palfage à Sens, parce que les terres de fes
bords font pleines çfe ces cailloux depuis
j Joigny. L ’Yonne fe perd dans la Seine, au-
deffiis de Paris ; néanmoins,je ne crois pas
que perfonne ait vu. fous le Pont-Neuf un
fcul de ces cailloux : qui plus eft , perfonne
n’aura vu que la Seine roule en paftant par
Paris aucune forte de caillou calcaire
arrondi ou, noq, arrondi.
Cè. qu’on voit dans,le Rhône eft encore
plus décifîf ; & comme divers auteurs ont 1 G