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très-naturelles, mais encore très-ordinaires,
peuvent avoir produit des changemens
fucceilîfs , lefquels ont donné à la terre fa
face-aétuelle.
V o ic i maintenant les agens que Sulzer
met en jeu : Q u ’un tremblement de terre
par exemple, ait fendu un promontoire
qui formoit un des bords d’un la c , voilà
des eaux qui en fortent avec une impétuo-
fîté prodigieufe, chariant tout ce qui
étoit dépofé à leur fond , & détachant
encore d’autres'matières qui fe trouvent
fur leur paflàge. Toutes ces matières font
portées dans la mer ; elles forment de
nouvelles iîles dans l’Océan; mais ces
nouvelles iües-ne font compofées que -de
décombres* A cette première fortie des
eaux , d’autres fuccedent & à celles - ci
encore d’autres, jiifqu’à ce que l’eau de
tous les Tacs de nos grandes ifles foit écoulée.
Que ces écoulemens fe falfent dansdes
temps plus ou moins éloignés lès uns des
autres, & l’on comprendra fans peine cpm-
merit la partie de l ’ancien Océan qui oc-
cupoit l’intervalle d?une île à l’autre, par
exemple, celui qui eft entre les Pyrénées
& les Alpes., a :pu être remplie de décombres
au point de combler le fond de
l’Océan & de former des terres habitables.
Voilà en gros l’hypothèfe de Sulzer
fur l’origine de riette partie de la terre
qù’il croi.t confiller en décombres. Il
préfume que cette hypothèfe qu’il regarde
comme très fimple & très - probable ,
fuffit pour expliquer tous les faits particuliers;
V oic i maintenant les conféquences
les plus remarquables ’qu’il en tire.
Cette hypothèfe lui paroît d’abord un
moyen d’expliquer un fait qu’on a mai
compris jufqu’à préfent. Prefque tous
les peuples de la terre parlent de déluges
ou grandes inondations arrivées dans leurs
p?ys très - anciennement. Outre les dé-
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luges fameux de Noé, ÿOgygès, de Deucalion,
il y en a eu d’autres dont parlent
les peuples de la Chine & ceux de l ’Amérique.
Sulzer prétend que ceux qui ont
cru le déluge de Noc univerfel, ont cru
trouver une confirmation de cette hypothèfe
dans ces traditions des autres peuples;
mais il penfe que i’univeifalité. d’un déluge
quelconque eft ablolument infoufenable,
& que Ton hypothèfe eft feule capable de
.donner une explication folide de leur grand
nombre. Ces déluges n’ont donc été que
des éruptions particulières de quelques
grands lacs ; âinfi le déluge de Deucalion
a été la fuite de l’érpption du lac dont le
delfèchement forma les campagnes de la
Thelfaliè. C ’eft par un 'pareil événement
que le Pont-Euxin s’ouvrit le palïage dans
la mer Eg é e , & caufa le déluge dpnt parlé
PoJybe.. Ces éruptions produifirent une
double augmentation de terrein fec ; d’un
côté les fonds dès-lacs furent deflèchés, &
de l’autre les décombres, portés dans les
endroits où l’Océan a peu de profondeur,
y formèrent un fol fcc ; c’eft très-probablement
de cette dernière manière que'fut
formé le plat pays de l’Egypte , à ce . que
croit Suizer.
On conçoit fort bien comment un
peuple répandu & occûpany_un -pays fitué
entre la mer & un grand promontoire,
a pu croire qu’une pareille inondation ait
été générale. G ’eft ainli que Noé & Deucalion
ont pu penfer qu’ils étoient les feuls
hommes de la terre échappés de ces inondations.
Cette hypothèfe de Sulzer fournit encore
fçlon lu i , une explication fort aifée,
non-feulement des pétrifications dont on a
parlé, mais encore de tout ce que l’on a
obfervé touchant les corps organifés dont
les diverfes couches de terrés font remplies.
' Qu’une montagne, par exemple,
élevée de trois mille pieds au-delfus du
niveau de la mer , ait pu être couverte par
une inondation d’un amas prodigieux de
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terres & de cailloux mêlés enfemble,
c’eft une chofe facile à concevoir, dès que
l’on, fait qu’à une diftance médiocre de
cette montagne , il y a des vallées dont
le fol eft de deux mille pieds plus élèvé
qiie la montagne dont on vient de parler.
L ’éruption 'de ces vallées- a fort bian pu ,
fuivant i’hypothèfe. de Sulzer , produire
l’effet dont il s’agit.
Quantaux corps marins que l’on trouve
en teire dans les endroits peu élevés,
Sulzer penfe encore que'tout ce qui les
concerne peut très-bien être aiforti à fon
fyftême ; mais pour ceux qui font placés
• à des hauteurs confîdérables , il fuffit de
réfléchir fur l’énorme impétuofité de l ’eau
des lacs qui for toit par une preffion de’quelques
milliers d,e pieds , pour être convaincu
que cette force a du.accumuler à de
très-grandes hauteurs la malle de terre cjue
l’eau rencontroit en fôrtant par des ouvertures
faites aux pieds des montagnes. .
Voici encore une troilième application
de l’hypothèfe dés lacs par Sulzer. Il y
voit comme une fuite naturelle Pexiftence,
des grands lacs aux pieds des Alpes. Le
lac dè Genève , pelui de Confiance , celui
de Zurich, celui des quatre Villes foret-
ttères, celui de Thoun, fe trouvent vifible-
ment aux gorges des montagnes , & quiconque
a été fur les lieux tombera facilement
d’accord qu’il eft très - probable que
ces grands lacs ont été creufés par la force
des eaux fortiès des vallées voifines avec,
une grande impétuofité , & avant que les
valléçs aient été entièrement ouvertes-..
Enfin, en quatrième lieu , Sulzer
trouve que la déclinaifoil de la ligne hori-
fontale qu’on obferve dans toutes les
couches des'rochers qui font à la furface
des montagnes , s’explique tout naturellement
dans fon fyftême ; Car les écoulemens
des eaux ont dû caufer de plus d’une maniéré
des éboulemens confîdérables dans
les montagnes. Les couches formées par
sut
les dépôts ou fédimens de plufieurs noi-'
dations fucceffives ont été horifomàbs dans
leur origine : un écroulement furvenu a
nécelfarreihent changé cette difpofit .on.
Sulzer fait remarquer que les évène-
mens dont on vient de parler, ont dû fe
fuccéder dans des intervalles de plufieurs
fîècles; mais l’hiftoirene nous a confervé
que le fouvenir des dernieres grandes
éruptions des lacs. Il eft probable que i
long-temps avant Ncié, il y a eu plufieurs
déluges en A fîe , & plufieurs autres dans
la Grèce, avant Deucalion; car il n’y a
pas la moindre raifon de croirè que l ’état
primitif de la terre tel qu’on l ’a fuppofé ,
n ’ait duré que peu de temps , & que les
! changemens qui ont donné à la terre là
forme aâuelle, fe foient fuccédés dans des
elpaces de temps peu. confîdérables. Cela
doit avoir été fans doute l'ouvrage de bien
des fiècles. Il arrive même encore aujourd’h
u i, quoique bien en petit , des révolutions
fémblables à celles dont on vienr
de parler. Dans les pays de montagnes,
il y a quelqùefois des inondations qui
ajoutent d,e nouvélles couchés aux campagnes
inférieures qu’elles défolènt en couvrant
les champs de terre & de .cailloux fur
une épaiffeur de plufieurs pieds. '
Remarques fu r thypothèfe des lacs difper-
fés à la furface du globe.
En admettant, comme un moyen de
rendre raifon de plufieurs phénomènes ,
les lacs difperfés à la furface de la terre,
Sulzer ne me paroît pas avoir allez réfléchi
fur la marche ordinaire de la nature
dans la circulation des eaux courantes &
dans l’excavation des vallées. Lorfqü’il a
fuppofé , par exemple, 1’exiften.ee debaf-
fins longs & profonds avec des digues
propres à retenir les eaux des pluies &
des lources , & à former des lacs, comment
n’a t-il pas vu que l’approfondiffe-
ment de ces baffins exigeoit une marche
libre & continuée , pendant une longue