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Mais en diminuant la quantité des eaux
du déluge, il eft fort éloigné d’affoiblir
les défaltres qu’il leur attribue. Ainfi en
confidérant la terre fous l’afpeét qu’elle
Çréfente, & en examinant la diipofition
irrégulière de fes parties, il nous fait con-
lidérer que plus du tiers du globe eft- couvert
par les eaux j que ces amas d’eau
forment des mers de la plus grande étendue
, des golfes irréguliers , des détroits -
dangereux , des lacs .plus grands ou plus-
petits, placés à ce qu’il croit, fans ordre,,
& fans fymmetrie. Il confidère que la terre
ferme , en connotant un nombre prefqu’in-
fïni d’ifles, difpofées irrégulièrement, ri’eft
pas habitable dans une grande partie de
fa fuperfîcie ; qu’ici font des montagnes-
nues ou couvertes de neiges & de glaces,
fur lefq'uelles les animaux ou les végétaux
ne peuvent fubfifter : qu’aiileurs cè font
des campagnes ftériles, des mers de fables
& des collines* au milieu des' plaines-, des
rochers brifés & une multitude de frag-
mens de pierres grands & petits, difperfés
. ou entaffés. Wallérius ne voit dans ces,'
effets que le défordre & la.deftruflion qui
ont eu lieu à la fuite du déluge/
Et. pour appuyer encore fon opinion
fur le bouleverfement total du globe, il
cite Dlufieurs obfervationsoù il croit pouvoir
nous- en montrer les- veftiges« Il eft
donc porté à croire que la Zélande &
les autres provinces & ides du Danemarclt
ont été unies avec la Suède ; qu’autrefois
Je détroit du Sund n’exiftoit pas, non plus
que la mer Baltique avec tous fes golfes
étendus & irréguliers , fes rochers à fleur
d’eau , & fes bancs de fable, Strabon,
Pline C f Tournefort prétendent que le
détroit de Gibraltar s’eft ouvert autrefois,
& que c’eft à la fuite de cet événement
que la Méditerranée s’eft étendue dans les
terres. L’irrégularité des ifles de l’Archipel
lui femble le confirmer, ainfi que l'ancienne
jonftiondelà Sicile.avecFltalie^C’eft auffi,
fuivant Wallérius,.la même fuite d'évé-
nemens qui a ouvert le détroit des -Dar-
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dannelles,&c. Enfin, l’Amérique n’a-t-elfe
pas été liée aux autres parties des conti-
nens, & fur-tout à t’Afiè par (a partie
feptentrionale
Des indices très-certains nous indiquent
que plufieurs ides aétuellement fé.parées
tenoient autrefois au continent dont elles
faifoient partie : la Grande Bretagne, par
exemple^, à la France, l’Iflande à la
Norwège, Ce-ylan au Coromandel, Sumatra
à Maiaie & à Java , les Molucques
à Bornéo , les Maldives à la terre ferme
de l’Inde.
De ces remarques & de plufieurs autres
fembiablesWallérius "conclut que tous
les détroits , tous, les,golfes irréguliers,
toutes .les ifles voifines du continent ou
difperfées au milieu des mers, n’ont point
. ainfi exifté dans le premier âge ; mais
qu’ils font l’ouvrage dimtems. Ces grands
changenîens étant univerlcis & paroilfant
s’être faits en même-fcins fur tout le’globe,
ne fauroient dépendre de caufes locales
& particulières dont l’aélion ait été fuc-
ceffive ou précipitée, comme les, effets
des Jeux fouterrains , des tremblemens de
terre , les mouvemens déréglés! des eaux
ou leurs inondations. Wallérius prétend
que lé déluge a. pu opérer .en mcme-
tems-;es révolutions dans toutes les parties
du globe : il s’appuie force que les
plus anciens monumens. hiftoriques n’at-
teftant pas une autre caufe, il eft probable
qu’elle eft le principe de cette dégradation
du globe , telle qu’il la fuppofe.
Au relie;,, en indiquant ici le déluge
-comme le principe des grandes irrégularités
& des veftiges de deftruélion que.
prcfentent toutes les .contrées du globe,
Wallérius ne veut pas qu’on confonde
les ouvrages de la nature avec les effets de
cette cataftrophe, les changemens particuliers
avec les changemens univerfels.
Il obferye d’abord qu’il ne s’agit pas ici
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de ces changemens qui, quoïqu’univerfefs,
dépendent évidemment du deffechement
des folides & conféquemment d’une caufe
naturelle. Dans cette claffe il range, les
fentes & les crevaffes des montagnes , les
jnclinaifons des bancs qui en font la fuite.
Il penfe donc que les montagnes ayant
acquis un certain degré d’induration, elles
n’ont plus été en état d’éprouver une conglutination
quelconque ) c’eft pourquoi
ces changemens préfoppofent qu’elles
étaient molles lors de leur formation, Sc
que par la même raifon ,: elles n’ont pas
été produites long-tems après la création.
Il n’eft pas queftian non plus des changemens
particuliers qui arrivent fréquent-
ment. Leurs caufes naturelles font, affez
connues : .ce font le feu , l’eau ou l’air.
Les feux fouterrains pu les tremblemens
de terre-caufent chaque jour des . dérange,
riiens. dans les înafles montueufes ^forment
des cavernes & des" abîmes-): ici
l’Océan abandonne fes rivages ; ailleurs ,
les débordemens des fleuves & des torrens
ravagent des contrées entières. Le mouvement
violent de l’air tranfpqrte les fables,
abaiffe les. collines & comble les vallées.
Ces changemens particuliers & naturels fe
reconpoiffent facilement par les circonf-
tançes ; l’on doit mettre auffi au nombre
de ces événemens , les ifles qui s’élèvent
du fond de la. mer.
Wallérius oppofe à ces phénomènes
les effets qu’il attribue.au déluge, & dont
il fait deux claffes : les -premiers font
dûs aux convullîons que la terre éprouva j
au commencement de la cataftrophe , &
les féconds font la fuite des circonftances j
qui ont prcfidé à la retraite des eaux.
Ainfi, par-exemple, les eaux foiuerraines j
n’ont pu s’échapper de leurs retraites & j
fe répandre fur la furface de la terre , fans
rompre & brifer les différentes parties des
montagnes quis’oppofoient à leurirruption. !
Ici les parties de ces montagnes ou leurs j
fragmens ont été foulevés, précipités & 1
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fobmergés ; là, après avoir été jettes à
une plus grande élévation , ils ont été
réduits .en morceaux" plus grands ou plus
petits. Ces effets, il eft vrai, ont été à-
peuTorès les mêmes que ceux des éruptions
volcaniques & des fecouffes violentes de
la,terre : ils pourroient donc être confondus
enfemble.
Les débris énormes épars à la furface
Ce quelquefois fur les fommets des^ montagnes
les plus élevées , ceux que l’on
volt dans les vallées., à un certain éloignement
des montagnes, font les indices
certains d’un mouvement violent qui a
fait ces tranfports. Wallérius ne doute pas
que l’écoulement ,des : eaux devenu plus
rapide par leur crue & la continuation de
leur fortieJdu fein de la terre , n’ait pu
opérer tous ces déplacemens.
Les couches primitives dés terres dans
les collines , n’ont point échappé non plus
au bouieverfement général : ici, ces terres
ont été foulevées-, renyërfées & accumulées
les unes for les autres : là, elles ont
été précipitées èntrelèsfragmens pierreux ,
& fubmergées; enfin, dans d’autres endroits
les couches des collines'ont été coupées
ou inclinées.-
Sur la fin du déluge, lorfque les eaux
fe font écoulées de deifus là furface de la
terre , elles fe font retirées , partie dans les
cavités anciennes & nouvelles de l’intérieur
du globe, partie dans les.lieux bas produits
par les déplacemens des folides.
11 réfulta de la retraite de. toutes ces
eaux un afpeét du globe bien différent ,
& quant à la difpolîtion des continens ,
& quant à celle des-mers. C’eft à cette
époque que Wallérius rapporte l’ouverture,
de, tous les détroits grands & petits
qui exiftent aujourd’hui, la formation de
tous les golfes irréguliers, de toutes les
ifl.es difperfées dans les-mcrs différentes,.