
au torrent , la renvoie à la fin lur les
fommets de l’autre contrée oppofée &
mitoyenne avec l ’A ilhe , qui l’a rongée
& côtoyée toujours de très-près depuis
Notre Dame de l’Epine auprès de Châlons,
jufqu’au. rendez-vous commun de plu-
fieurs autres torrens qui préparoient dès-
lors , par leur ravage, l'emplacement* de
la plus belle ville du monde & les ref
fources que lui procurent aujourd’hui la
chaleur des fables & la fertilité des limons
de la France & de la Brie, que les torrens
charioient & dépofoient fur toute la fu-
perficie de ces contrées.
C’eft de la forte que les fommités par- ;
ticulières de nos continens ont été altérées
& rompues par les torrens qui fe font ré-
* pandus fur les différentes pentes, & qu’une;
multitude d’autres irrégularités, que l’on,
rencontre partout, ont été produites.
Paffons maintenant aux phénomènes
intérieurs que la terre nous offre dans fon
fein ; les opérations de la nature qui nous
font indiquées par la maffe & la folidité
de la terre , font bien plus anciennes que
toutes les opérations dont nous venons
-de parler , & dont les traces & les
veftiges peuvent fe fuivre à la fuperficie:
ceci doit être confidéré comme un principe
fondamental de l’hifloire da la terre.
Les chaînes de montagnes, les rameaux
des vallées & toutes les inégalités des continens
, ont été prifes dans une maffe qui
avoit dans fon tout & dans chacune de
fes parties , une dilpofition intérieure bien
plus ancienne que tous les événemens qui
ont produit ces grandes & larges excavations
, ces vallées dont nous venons
de parler. Pour avoir une idée jufte des
rnontagnps , il faut les regarder comme
des. parties d’une ancienne maffe laiffées
en relief, & les vallées comme des filions
creufés dans la maffe ; & c’eff l’eau feule
qui a produit ces effets.
IL Pour connoître autant que nous
pouvons celte maffe antique dont les tor- ■
rens ont déchiré & fillonné différentes
parties, ce feroit dans le fein de nos
montagnes qui en font les relies qu’il faudrait
les chercher, fi les flancs efcarpés
de nos grandes vallées ne nous offraient
la coupe de cestranchées.
Nous y appercevons des bancs & des
lits remarquables par leurpofition générale
& par leur nature particulière. Ils font
régulièrement conflruits les uns fur les
autres dans ane étendue fi confîdérable,
que ces bancs régnent fous des provinces
entières , malgré les grandes vallées qui
les féparent & les montagnes ou collines
qui les couvrent. Ces bancs varient entre
eux dans leur épaiffeur ; fouvent elle eft
de plufieurs pieds , fouvent auffi ce font
moins des bancs que des lames très-minces
dont le nombre eft confîdérable ; mais pour
chaque bancl’épaiffeur efl prefque toujours
la même, dan* telle étendue qu’il puiffe
régner: ces bancs font quelquefois défimis,
brifés, culbutés & hors de leur pofition
naturelle , dans les montagnes furtout.
Autant cependant la pofition des bancs &
des couches efl uniforme & régulière,autant
la nature des matériaux qui font entrés
dans leur comp ofîtion varie-t elle ; tantôt
c’eftunamas confus de pierrailles & de cailloux
brifés ; plus bas , ce font des fables
& des fablons, enfin des grès ; enfùite
on trouve des lits d’une matière douce
& terreufe , des pierres tendres 8c des
craies , des glaifes , &c. Ce qui étonne
le j:lu s , c’eft que daus un grand nombre
de cesdifférentesmatièresmollesou folides
fe trouve compris ou renfermé tout ce
que le règne animal & végétal ont produit
naturellement fur la terte & fur-tout
dans les mers. Des parties d’animaux ter-
reftres, fouvent des animaux entiers, des
poiffons 8c des coquillages fans nombre
s’y trouvent enfevelis. R ien , fur-tout
n’y domine avec plus de profufion que les
proGuétions marines, & nos continens,
plus riches en cela que la mer même ,
nous ont fait connoître un plus grand
nombre de ces êtres que nous n’en avons
connu jufqu’à préfent dans l ’Océan tout
entier. Phénomène admirable ! dont l ’antiquité
n ’a pas tiré grand parti, mais qui
a été fuivi par les modernes, fur-tout depuis
que l’hiftoire de la terre occupe les phy-
fîciens.
Toutes ces recherches ont prouvé que
la mer a occupé la plus grande partie de
nos continens, dont elle a formé des matériaux
par fesproduétions ou leurs débris;
elles prouvent auffi que l’Océan y a féj our-
né pendant tout le tems néceffaire à cette
longue opération. Ces coquilles trouvées
dans la malle des montagnes ont prouvé
que le féjour des eaux avoit été fixe &
confiant fur nos terres, comme il l’eft pré-
fentement dans lès baffins que la mer
occupe ; que c’eft pendant ce lëjour que
les Gouches de la terre ont été conftruites
avec les produélions marines qu’elles renferment
, & qu’elles ont été formées fuc-
ceffivement les unes après les autres , &
pofées régulièrement les unes fur les autres,
comme nous les voyons. Rien ne repréfente
dans la maffe de la terre & dans la
difpofîtion de fes bancs , la coniufîon &
le défordré d’un accident paffager, momentané
& local ; tout y eft général &
uniforme. Les elpèces marines font cantonnées
, les unes dans un lieu , les autres
dans up autre : ici c’eft un banc de villes
& de buccins, ailleurs ce font des huitres ;
dans une contrée ce font des cornes d’am-
mon , des bélêmnites ; dans une autre, des
forêts de madrépores, de coraux & autres
ouvrages femblables de polipiers.
L a fécondé ehaîne de montagnes que
décrit l’abbé Sauvage, n’eft prefque com-
pofée qûe de tellines ; & fa principale
remarque, c’eft que dans prefque toutes,
les valves font deux à d eu x, les unes
ouvertes, & les autres fermées; de façon
que les unes & les autres fe joignent
toujours à l’endroit de la charnière; d’où
i‘1 conclut que ces coquillages foffiles n’ont
pas paffé par degrés de la mer dans les
continens, & qu’ils n’y ont pas été dépofés
peu- à-peu, mais qu’ils font le réfultat d’un
dépôt immédiat de la mer, fait dans fon
baffin calme & tranquille.
III. Deux obfervations nouvelles ont conf-
taté cette vérité & ajoutent un grand poids
au fentiment des naturaliftes qui avoient
reconnu que prefque toutes les pierres des
bancs horifontaux dévoient leur fubftance
& leur matière aux coquillages produits
& détruits fous les eaux des mers. Je citerai
le détail de ces obfervations que j’ai faites
moi-même & que j’ai publiées dans le
mercure ( 1 7 1 3 ju in ). La nature de tous
les terreins que la Marne a tranchés &
traverfés depuis Joinville jufqu’à Saint -
Dizier, & dont la coupe fe préfente en
une infinité d’endroits , eft d’une pierre
blanche & coquillière, dont les plus belles
carrières font à Chevillon & à Savonniè-
res. En examinant les pierres de ces carrières
, on trouve que le boulin ou la
partie la plus tendre de leurs bancs, n’étoit
qu’une fiée femence de coquilles qui affeâe
différentes formes ; mais qui généralement-
eft un peu ovale & creufe, & qui laiffe une
multitude de petits vuides qui rendent cette
pierre infiniment fufeeptible de la gelée ; un
feul pouce cube de ce boulin peut contenir
ra y mille, femences , le pied cube
par conféquent 216 millions, & la toile
cube 46 milliards 6 f6 millions; le tout
eft entremêlé d’autres coquilles déjaformées
& plus ou moins, avancées les unes que les
autres. Quelle prodigieufe fécondité en
fi peu d’efpace ! mais que fera-ce, fi on
regarde non pas un feul pouce cube, mais
toute la maffe des bancs coquilliers qui
régnent dans ce pays ï ne lèra-ce pas un
argument, invincible pour prouver combien
la multiplication des coquilles a contribué
à la conftruélion des lits & des
bancs du fond des mers, que de calculer
ce qu’un"pouce cube de cette 'femence
pétrifiée eût formé en volume, en fup-
pofant qu’elle eût eu le tems de parvenir
à une moyenne grandeur, ainfi que toutes
les autrès ? Si chacune de ces graines eût
acquis , par exemple, par la croifiànce le