
fervent , félon lui , à la diftributîon des
eaux de la mer par les fources ; il nous
débite de la meilleure foi du monde des
détails merveilleux fur les gouffres abfor-
bans de la mer Cafpicnne v fur le feu cen
tral, fur Les cavernes fouterraines , comme
s’il eut eu des obfervations fuivies par
rapport à tous ces objets , qui ne font
autorités parmi nous que d’après les écrits
hafardés a écrivains auffi judicieux.
En général les obfervateurs ignorans ,
ou prévenus , ou peu attentifs , qui voient
les objets rapidement, fans delfein, & fans
difcuffion, ne méritent que très-peu de
croyance : je veux trouver dans l’auteur
anême , dans les détails qu’il me préfente,
cette bonne foi, cette fîmplicité, cette
abondance de vues qui m’infpirent de la
confiance pour fon génie d’obfervation ,
& pour L’exaâitude de fes récits.
Souvent l’obfervation nous abandonne
dans certains fujéts compliqués ; elle n’efl
pas affez précife ; elle ne montre qu’une
partie des effets, ou les montre trop en
grand pour qu’on puifie atteindre à quelque
alfertion qui mette de l’ordre dans nos
idées. Alors l’expérience eft indifpenfable;
il faut fe réfoudre à fuîvre les opérations
de la nature avec une confiance & une
opiniâtreté que rien ne décourage , furtout
lorfqu’on eft alfuré qu’on eft fur la voie.
Sa us cetteTeffource , on ne peut être fondé
à raifonner fur les faits avec connoilîànce
cte caufe : tous les détails de l’obfervation
ne pourront fe réunir avec cette précifîon
fi défirable dans les fciences , & ne porteront
que fur des conféquences vagues ,
fur des fuppofitions gratuites , qui pré-
fentent plutôt nos décidons que celles de
la nature. Telle efl, par exemple, comme
nous l’avons remarqué à l’article fontaine ,
l’appréciation de la quantité dé pluie qui
tombe fur les différentes parties de la Perre,
& fa comparaifo» avec la malle des eaux
qui -circulent dans la même étendue : delà
dépend le dé»oûment de tout ce qui
concerne l’origine des fontaines, la diflri-
bution des vapeurs fur la furface des con-
tinens & les eaux courantes. On aura
ralfemblé tous les faits , recueilli toutes
les obfervations les plus curieufes ; on ne
pourra , fans les iéfultats précis des expériences
, rien prononcer de déciliffur ces
objets importans. ( Voye\ la notice de
Hutton & fa théorie fur la pluie. )
Principes fur la comlinaifon des faits.
Comme les faits feuls & ifolés n’annoncent
rien que de vague , il faut les
interpréter en les rapprochant & en les
combinant enfemble.
On fent plus que jamais aujourd’hui,
qu’il eft prefqu’auffi important de mettre
de l’ordre dans les découvertes , que d’en
faire. Les traits épars qui repréfentent la
nature , nous échapperoient fans cette
reffoürce. Prefque tous les phénomènes,
furtout ceux que nous avons en vue ,
n’ont d’utilité que dans la relation qu’ils
peuvent avoir avec d’autres ; comme les
lettres de l’alphabet qui fontinfignifiantes en
elles-mêmes, forment par leur réunion
les mo,ts & les langues. La nature d’ailleurs
ne fe montre pas toute entière dans
un feuL. fait ou même dans plufîeurs : un
phénomène folitaire ne peut être mis en
réferve , que dans l’efpoir qu’il fe réunira
quelque jour à d’autres de même efpèce :
& comme dans le plan de la nature un
tel fait eft impoflîble , Un obfervateur intelligent
en trouvera peu de cette nature ;
un fait ifolé, en un mot , n’eft pas un
fait phyfîque ; & la vraie philofophie con-
lifle à découvrir les rapports cachés aux
vues courtes & aux elprits inattentifs ; un
exemple frappant fera fentir la jufteffe de
ces principes. Le P. Feuillé avoir obfervé
« que les coupes des rochers près de
» Coquimbo dans le Pérou , étoient per-
» pendiculaires au niveau de l’horifon , que
» les unes allant de l’eft à j’oueft & les autres
» du nord au fud , fe coup oient à angles
» droits : que les premières.coupes étoient
a parallèles à l’équateur, & les autres au
» méridien». Si ce favant eût été conduit
par les vues que nous indiquons ici, bien
loin de remarquer , comme il le fait , que
la nature avait ainfi configuré les montagnes
, pour rendre cettepartie du monde1 <
déjà fi riche par Tes mines, plus parfaite
que les autres , il auroit conçu le deffein
de fe procurer des obfervations corref-
pondantes dans les autres continens ,• &
ne fe'ferok pas borné à la confîdération
infruélueufe des caufes finales. V. caufes
finales. Cette idée bien combinée depuis,'
valut à M. Bourguet la découverte des angles
correfpondants , dont on a depuis
abufé , faute d’analyfe,
Maintenant qu’on fent la néceffité dé
combiner les faits , nous devons dire que1
cette opération délicate s’exécute fur deux
plans, différens. Il y' a [une combinaifon
d’ordre & de côlleftion ; il y a une, rom-
binailon d’analogie.
A mefure que l’on amaffe des faits &
des obfervations, on en feroit plutôt accablé
qu’éclairé ,, fi l’on n’avoit foin de les
réduire à certaines elaflfes déterminées plutôt
par le fujet que par leur enchaînement
naturel : car les recherches n’étant pas aflez
mutîpliées , on n’a que des chaînons épars ,
& qui n’annoncent pas encore la correspondance
mutuelle , qui pourra quelque
jour en former une fuite non interrompue.
Cependant, comme on a toujours befoin
d’une certaine apparence d’ordre , on les
arrange même dans des partitions inexactes ;
la vérité fe fera jour plutôt à travers de
cette petite méprife , qu’à travers de la
confufion. : le tems & les recherches reâi-
fieront l’une au lieu qu’ils augmenteroient
l’autre.
11 faut même avouer que ces partitions
générales , quoiqu’imparfaites , feroient
plus convenables à notre travail préfent,
qui eft de recueillir pour l’ufage de la
poftéritê , 8c plus afforties à nos connoif-
fances bornées & imparfaites fur certains
fujets compliqués qui n’ont encore reçu
que la première ébauche , que ces vues
tronquées auxquelles l’imagination donne
la forme & l’apparence d’une théorie. Ces
tables feroient comme les archives des
découvertes , & le dépôt de nos connoif-
fances acquifes , ouvert à tous ceux qui fe
fentiroient du zèle & des talens pour
l’enrichir de nouveau. Les obfervateurs
y parcourroient d’un feul coup - d’oeil &
fous une précifîon lumineufe, ce que nous
délayons quelquefois dans une confufîon
d’idées étranges & bizarres, au milieu
. defquelles la plus grande fagacité les démêle
avec peine.
Cette première opération offriroit de
très-grandes facilités a la fécondé : en contemplant
les faits fimplifîés , claffifiés avec
■ un certain ordre, on eft plus en état de
. faifir leurs correfpondances mutuelles, &
, ce qui peut les unir dans la nature ; cette
. diftribution n’auroit pas lieu feulement
pour les obfervations que nous aurions
empruntées des autres ; mais auffi pour
J celles que nous aurions faites par nous-
. mêmes.
Ainfi nous tirerions de très-grands avantages
de cette claffification des phénomènes
pour saisir leurs raports : mais il
! faut convenir que lorfquenous nous ferions
familiarifés avec les objets eux-mêmes, et
que nous aurions- acquis l’habitude de
les Voir avec intelligence , iis formeroient
dans notre elprit de ces impreffions durables
, & s’annonçeroient à nous-avec ees
caraâères de correfpondances qui font le
fondement de l’analogie; Noüs nous élé-
; verions infenfîblement à des vues plus
générales, par lefquelles nous embraflèrions
à la fois plufîeurs objets j nous Ijifirions
! l’ordre naturel des faits ; nous ferions les
[ phénomènes; et nous embraferions d’un
feul coup d’oeil une fuite d’ob ervalions
-analogues, dont l’enchaînement fe perpé*-
( tueroit (ans effort.