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Mais une première condition pour parvenir
à ce point de vue , feroit d’avoir
fcrupuieufement obfervéchaque objet comparé,
autrement on nepourroit bien faifir
les juftes limites dés rapports qui peuvent
les unir. Si nous avions été exads à démêler
ce qui pouvoit rapprocher un fait
d’un autre , & à découvrir ce qui', dans les
phénomènes , annonçoit une tendance
marquée à la correfpondance d’organifa-
tion , dès-lors les analogies fe préfente-
roient à notre efprit d’elles-mêmes.
On fe laide Couvent féduire dans le cours
de fes obfervations , ou bien par négligence
, ou bien par une prévention de
fyftême ; en conféquence , on a la pré-
lomption de voir au - delà de ce que
la nature nous montre , ou l’on craint
d’appercevoir tout ce qu’elle peut nous
découvrir. D’aprèscetteillufion onimagine
de la reffemblance entre les objets les plus
dilfemblables , de la régularité & de l’ordre
au milieu de la confuiton.
Dans toutes cës opérations , le grand
art n’eft pas de fuppléer aux faits , mais:
d’en combiner les détails connus-; d’ima-
.giner des circonftances , mais de favoir les
découvrir. En effet, à mefurequ’on étudie
de plus en plus la nature , Ion mécanifme,
fon art, fes reffources, la multiplicité de
fes moyens dans l’exécution , fes défordres
mêmes apparens , tout nous étonne, tout
nous furprend , tout enfin nous infpire
cette défiance & cette circonfpedion qui
modèrent ce penchant indifcret de nous
livrer à nos premières vues, ou de fuivre
nos premières imprelïions.
Afin de ne rien brufquer, il fera donc
très-prudent de-ne nous attacher qu aux
rapports * les plus immédiats , & de nous
fervir de ceux qui ont été apperçus &
vérifiés exadement, pour nous élever a
d’autres. Pour cela , nous rangerons par,
ordre nos obfervations , & nous en ferons
de nouvelle? lprfque les rapports intermédiaires
nous manqueront. Nous aurons
donc l’attention de ne pas lier des faits
fans avoir parceuru tous ceux qui occuperont
l’intervalle, par une indudion dont
la nature elle-même aura conduit la chaîne.
Bien loin de furcharger de circonftances
merveilleufes ou étrangères les objets compliqués
, nous les décompoferons par une
efpèce d’analyfe, afin de nous borner à la
comparaifon des parties ; & à mefure que
nous avancerons dans ce travail , nous
récompoferons de nouveau toutes les parties
& leurs rapports , pour jouir de l’effet
du tout enfemble.
Ainfî nous nous attacherons d’abord
aux analogies des formes extérieures, en-
.fuite à celles des maffes ou des configurations
intérieures ; enfin, nous difcuterons
celles des circdnftancès. Je fuppofe qu’on
ait fuivi les contours de deux montagnes
qui courent parallèlement’; qu’on ait remarqué
la correfpondance de leurs angles
faillans & rentrans , qd’on ait pénétré dans
leur maffe , & qu’on ait découvert avec
furprife que les ’couches qui , par leur
fuperfétation , forment la folidité de 'ces
avances angulaires , font afibjetties .à la
même régularité que les couches extérieures;
on en conclut la même analogie de
régularité par rapport aux diredions extérieures
& mutuelles des chaînes , & par
rapport à l’organifation correfpondante
des maffes. Je vais plus loin, je dis que
la forme extérieure des montagnes prife
abfolument, a un rapport marqué de dépendance
avec la difpofition des lits qui
entrent dans leur ftrudure intérieure.
J’étends même l’analogie fur la nature des
fubftances, leurs hauteurs correfpondantes,
& j’obferve , comme une circonftance très-
remarquable , que les angles font plus
fréquens & plus aigus dans les vallons
profonds & refferrés , que dans les vallée»
Urges , &c,
Un point important fur lequel j ’infiflerai,
fera de ne point perdre de vue ni de diftinufter
les différences les plus remarquables ,
ou les exceptions les plus légères quis’offri-
rontà mes regards dans le cours des rapports
qüe j’aurai lieu de faifir & d’indiquer. En
conféquence de cette attention, ces rapports
feront moins vagues ; & d’après ce
plan , je ferai même en état d’établir de
nouveaux rapports & des combinaifons
lumineufes entre ces variétés , lorfqu’elles
s’annonceront avec les caradères décififs
d’une relîemblance marquée. Par ce moyen,
je ne me permettrai aucune efpèce de fup-
pofîtion ;& bien loin d’être tenté d’étendre
des rapports au - delà de ce 'que les faits
me préfentent, dans le cas où une exception
me parpltroit figurer mal, l’efpoir
que j’aurai de l’employer, un jour avec
fuccès, me déterminera à lie lapas diflîmu-
ler ou négliger , comme j’aurois été tenté
de le faire , fi je l’euffe. regardée comme
inutile. Cette exception me donnant lieu
d’en former une nouvelle ciaffe de variétés
affujettks à des effets réguliers , mon
obfervation n’aura-t-ellepas été plus avan-
tageufe pour le progrès de la gérgraphie-
phyfique , que fi j’euffe , à l’aide d’une
illufion affez facile, fuppofé des régularités
uniformes?
Ce n’eft qu’avec ces précautions qu’on
pourra recueillir une fuite bien liée dè
faits analogues , & qu’on en formera un
enfemble daus lequel l’esprit contemplera
fans peine un ordre méthodique d’idées
claires & de rapports féconds.
Principes fur la généralifation des rapports.
C’eft alors que les principaux faits ,
bien déterminés, décrits avec exaétitude ,
combinés avec fagacité , font pour les
obfervateurs une fource de lumière qui les
guide dans l’examen des autres faits, &
qui leur en prépare une fuite bien liée.
A force d’appércevoir des effets particuliers
, de' 1es étudier & de les comparer ,
nous tirons de leurs rapports , mis dans
un nouveau jour , des idées fécondes qui
étendent nos vues ; nous nous élevons
infenfiblement à des objets plus vaftes; A
c’eft dans ces circonftances délicates que
l’on a beffoin de tfiéthode pour conduire
fon efprit. Quand il faut fuivre & démêler
d’un coup-d’oèil ferme & affuré les démarches
de la nature en grand, & mefurer
en quelque façon la capacité de fes vues
avec la vafte étendue de l’Univers, ne
doit - on pas avoir échaffaudé long - teins
pour s’élever à un.point dé vue favorable?
Auflî avons-nous infifté fur les opérations
préliminaires à cette grande opération.
La généralifation confîfte donc dans
l’établiffement de certains phénomènes
étendus , qui fe tirent du caradère commun
& diftindif de tous les rapports apperçus
entre les faits de la même efpèce.
On envifage furtout les rapports les
plus féconds, les plus lumineux, les mieux
décidés , ceux , en un mot, dont la nature
nous préfente le plus fouvent les termes
de comparaifon ; tels font les objets de la
généralifation. Par rapport, à fes procédés,
elle les dirige fur la marche de la nature
elle-même,- qui eft toujours tracée par une
progreffion non interrompue de faits &
d’obfervations, rédigés dans un ordre dépendant
des combinaifons déjà apperçues
& déterminées. Ainfî les faits fe trouvent
( par les précautions indiquées dans les
deux articles précédens )‘ , difpofés dans
certaines claffes générales , avec ce caractère
qui les unit , qui leur fert de lien
commun ; caradère qu’on a faifî en détail,
& qu’on contemple pour lors d’une feule
vue ; caradère enfin qui rend palpable
>l’enfemble dés faits, dè manière que le
plan ae leur explication s’annonce' par ces
difpofitions naturelles. Dans ce point de
vue , l’obfervateur jouit de toutes fes
recherches ; il apperçoit avec fatisfadion
ce concert, admirable , cette union , ce
plan naturel, cet enchaînement méthodique
qui femble multiplier un phénomène
par fa corieffondance avec ceux qui fe
trouvent dans des ciiconftaiicçsfèmbiables-.