impoflîble que les magafîns d’eau fouter- -
rains, & l’éruption forcée des fourees,
concourent efficacement à l’inondation du
globe. H , .i
Examinons maintenant fi la chute des
pluies .abondantes pourra remplir avec plus.;'
de fiicccs les vues de Sénèque. Les pluies
font dépendantes de l’évapofation de l’eau
qui fe fait fur la mer & fur les continens,
& de la diflolution de cette ’eau dans l’at-
msfphère, comme produit de l’évapora--
tion-qui, pu-ife dans un fonds d’eau connu.
& donné. Il s’enfuit que les pluies ne peu--,
■ vent fournir.-à la mer une nouvelle nulle»
d’eau qui ferve à inonder le globe. Les
vents élevent les vapeurs*’"où il ne pleut
pas , pour les voiturer ailleurs où elles fe
réfoîvent en pluies.; ainfi il eft également-
imroffible qnn-l'évaporation ait liemxôhti-
nueilement, fans qu’ il pleuve quelque part
& qu’il pleuve .abondamment ,. fans que
l ’évaporation fou mille à la d'épenfe de la
pluie, La quantité d’eau qui tombe fur-le"
gl b e , ne .peut être plus abofidamc que
celle- qui s’élève dé-la furface te'rraquée..
Les pluies ne régneçr que dans certaines,
contrées , & ne produifent que des inondations
focales. La mer né débordera donc,
jamais en confcquence des pluies abondantes
qui ne font qu’un déplacement ,de.
l’eau déjà fubfilLnte à la furface du globe
la mer a dû donnep avant que de recevoir ;
elle ne s’enrichit.que de fes largefies iellerl
ne reprend par les pluies , que çe qu’elle a
perdu par l’évaporation.
Donc les pluies n’ont pu fervir à l’inondation
générale. ■
Lorfqu’pn üt dans- Sénèque la manière
dont il fait ccncoiu'ir les lources & les
pluiés au déluge, il femble que-rien n’eft
plus vraifemblable que l’influence de ces
caufes. Mais dès qu’on a réduit le jëU- de
tous ces agens àd’êccnômie de la nature:,
on trouve qu’ils font tellement affujettis à
des lo is , qu’il n’en peut refuiter aucune
révolution ", aucun défordre , & que ces
io ix circonfcrivént 1* conftitution aâuelle
dans des limites trop précifes, pour permettre
des écarts fenablables a ceux que
certains phyficieu-s fÿftématiques fuppofent
prefque, à chaque pas, uniquement parce
qu’iis .éri ont befoin pour appuyer leurs
frivoles hypothèfes.
Mais le changement de la terre en eau,
feroit-ii capablé-de.'fuppléer à l’infuffifance
des deux premiers moyens? Suivant Sénèque
lui-même, il paroît que cette tranf-
m-ütation ne peut s’opérer que lentement,
& par des progrès infenfihles : outré cela ,
ces" tranfmutations font réciproques“, &
l’eau , foivant fa dodiine , peut fé changer
en terre, comme la terre peut fe changer
ëp eau. O r , on ne peut compter fur un
moyen fi borné & fi incertain. Pour produire
des révolutions pareilles au déluge ,
il faut des caufes auffi'viûlentes qu’efficaces,
lauffi certaines qu’étendues. On abrège toute
dileuffion, on écarte tout embarras en gon-
fidérarit le déluge comme un événement
miraculeux qui n’a pu dépendre dé l’ordre
naturel’, ni influer fur cet ordre. Tant qu^on
mettra enfjeti, pour ces fortes d’éyènemens,
des agens connus , on s’exp-ofera à effuyer
’ autant devcdntradiâlons qu’il y.d.d’agens ,
& à déranger la marche de ces. agens par
autant de miracles. Il femble quéglorfqu’ôn
étale ainlr'ia beauté d’une opération mira-
‘culeufe , on publie qu’un miracle, -aux
ÿeux d’unphyficien, eflun but fans moyens,
-un fait fans circoiiflances , un réfuitat lins
concours de caufes^.«.
Loin que Sénèque ait.eu recours à cette
reffource., il femble* adopter entièrement
l’opiiiion des philôfopïhes qui penfoient que
les càufes naturelles dü déluge, étoieùt
combinées de manière que , par dès progrès
infenfibles, elles. amenoient infailliblement
l’époque & le jour fatal de cette
révolution. Il eft vrai que ces moyens ne
font pas aflez folidement établis pou r qu ’on
puifle les admettre ; les plus efficaces font
les afpefls des planètes. Mais , quant à
l ’éruption - des fourpes & à la chût® des
pluies, il eft évident,-»par ce que nous avoirs
d it, que ces caufes J ne peuvent éprouver
des accès .périodiques d’augmentation, tant
qu’elles refleront affujetties à l’économie
aâuelle de la nature.
Il eft finguli'er que Sénèque nous parle
du déluge, comme, d’un évènement futur ,
plutôt que comme d’une cataftrophe des
premiers âges du monde. I l n’ignoroit pas
fans doute., tout ce que. les traditions répandues
chez les peuples anciens, nous en
ont. app'riç, : mais conlidérant le déluge
comme un moyen violent & prompt de
détruire le v ic e , & de ramener l’heureux ,
règne des vertus ; & jugeant ce moyen
quelquefois riëceflkire pour purifier l’uni--
vers y ii a erp en rendre la peinture plus
intéreffante , en lefaifant ènvifager comme
un objet d’efpérance & de confolation pour
les ftoïciens q u i, alarmés des vices de toute
efpèce dont ils étoient témoins, attendoient
une nouvelle-terre peuplée.,d’habitans vertueux.
C ’eft ppür cela que les philofophes
regardoient la grande maife d’eau contenue.
dansde badin dé la mer , & dans les réfer-
voirs fouterrains , comme i’elpbir d’un
monde futur , futiïrï mundi fpem , comme
an organifatêur uniyerfel.
Cette cpnfidération nous conduit aux
effets & aux fuitds naturelles du déluge. ’
S.énèque ne paroît pas fort occupé -de cet
objet intéselîant ; il envifage'feulement fous
un point de vue général, les tranjfports im-
tnenfes des terres & des rochers par les
torrens qui fuccèdent aux fleuves, & il-
fuit de même les changemens étonnans
qu une maife d’eau coniidérable devoit produire
fur les. continents^ à mefure qu’elle
SY répandoit : énfin.iil charge cettél eâu
d orgànifer la nouvelle terre deftinée à recevoir
de nouveaux habitans ; mais i l n’en
^Çcrjt aucune opération particulière. Il fe
hâte de faire rentrer l’eau dans fes anciens
léfervoirs, dans fes anciens badins peut
découvrir les. continens qu’il prépare à
l’innocence & à la vertu.
Ce que Senèque n’ayoit qu’indiqué , des *
phyficiens modernes l’ont expofé en détail
, en traçant le plan de toutes les opérations
de l’eau du déluge j* & il faut âvouer
qu’ils ont tout ofé dans cette partie. C ’eft,
félon eu x , l’eau du déluge qui a formé les
couches'horifontal.es du globe par les fédi-
méns dés terrèsçqu’elle avoit délayées , &
qui a tranîporté & dépofé dans ces couches,
les coquillages qu’elle.a tirés .du fond de la
mer. C ’eft qette eau qui, en quittant les
;contin,ens , a cïpnfé toutes les vallées , &
produit toutes lès inégalités qûi fe trouvent
à la furface de la terré; en un mot , tous
les phénomènes qui ont embarraffé les na-
turaliftes , ont été tbnlidérés" comme l’ouvrage
du déluge.
Il eft vrai qu’à mefure que ces. phénomènes,
ont été connus plus en détail, &
•qu’on en a mieux faifi l ’étendue, la régularité
& l’ënfemble , on a ceffé de rappor--
ter à un;é.vcnement fortuit, paflàger, tumultueux,,
un travaifiq-ui demande plus de
terris que de force;, qui , obfervé avec foin,
& bien apprécie , s’annonce* plutôt comme
le réfuitat d’une fuite infinie de petits effets,
que comme le produit brufqué de grandes
caufes. On a trouvé étrange que la nature
éii.tourmente., comme noüs-.j’a peint Séi
nèque , -fans frèin , fansüoix , foluta legi*
bus, livrée à une anarchie générale, ait
plus fait d’opérations dans le court efpace
-de tems que la révolution a pu durer,
.quelle n’en- avoit fait pendant la longue
fuite de fièeles qui -a précédé & fuivi cette
révolution , & fur tout lorfqu’eile opéroit
fous.l’empire des ioix,, dont nous ’admirons
l ’aâivité & la fagefle ; enfin onn’apoint
v u , fans étonnement, que la mer ait eu eii
réferve ,au: fond de fon badin la quantité
îmmenfe de coquillages qui font difperfés
dans.les litshorilontaux du globe terreftr'e;
& cette première difficulté a cte augmentée
parcelle de concevoir comment l’eau de la
ÇJ o o £