
loit tous ces phénomènes , par les détails
curieux qu’il rappelle dans le paflàge que
j ’en cite ici;
V I I I,
S É N È Q b é )
D é s fontaines périodiques & des crues des
fleuves,
D où vient la propriété de qùelqües fontaines
, d’être pleines pendant fix heures,
& à fec pendant fix autres heures ? 11 feroit
inutile de nommer chacun des fleuves qui,
dans certains«1018 , ont de l’eau abondamment
, & font prefque taris pendant les
autres mois. De même que la fièvre quarte
a fes heures réglées, de même les eaux ont
leurs intervalles pour fe retirer ou pour
xeparoître ; quelquefois ces intervalles font
plus courts, & panda plus fenfibles. Quel-,
quefois ils font plus longs fans en être
moins réguliers. Devez-vous en être fur-
pr is, quand vous voyez la marche de la
nature entière affu jettie à des périodes marquées
? ni l’été ni ï ’hiyer n ’ont jamais man-
qué d’arriver au tems prefcrit; ieprintems
& l’automne remplacent à leur tour Ces
deux faifons ; le jour fixé ramène conftam-
ment le folltice comme l’équinoxe.
Réflexions ju r les fontaines périodiques Intermittentes,
Pour'expliquer le jeu des fontaines périodiques
, foit intermittentes, foit intercalaires
, on a fuppofé depuis long - tems
dans les couches de la terre d’où fortent
leurs fources, des réfervoirs & des tuyaux
de conduite en forme de fiphons recourbés.
Tout le monde connoît l’ufage des
fiphons qui commencent à procurer l’écoulement
à une liqueur, lorfque la furface de
cette liqueur, dans laquelle efl plongée une
de leurs branches', fe trouve au niveau de
la courbure deces branches , & qui continuent
tant que le fluide n ’efl pas defeendu
4u-defious de l’orifice de la branche. Dès
que l’orifice n’y plonge plus, l’écoulement
cefîè , & il recommence fitôt quele réfer-
voir efl rempli au niveau de la courbure.
Cette explication & ces moyens fe trouvent
indiqués dans les pneumatiques de Héron
d’Alexandrie, qui vivoit cent vingt ans
avant Père Chrétienne. Pline le jeune, après
avoir décrit, avec cet intérêt & cette préci-
fion élégante qui çaraâérifent fes ouvrages,
les phénomènes qu’il avoit lui-même obfer-
vés dans la fontaine périodique intermittente
de Cofme fa patrie , joint à cette
defeription les explications qü’en don-
noient defon tems les philofophes, & l’on
y voit un moyen à-peu près équivalent à
celui des fiphons. Cette lettre ell trop cu-
rieüfe , trop ilitérefTante.pouf ne pas trouver
place dans Cette notice'., où il eft particulièrement
queflion des connoiffances des
anciens fur piufîeurs points de phyfique
générale & d’hifioire naturelle, & enfin où
l’on traite du jeu & des différeris phénomènes
des fontaines périodiques.
«Une fontaine , dit-il, prend fa fource
dans une montagne, coule entre des rochers,
paffe dans une petite falleà manger,
confiruite fur fon cours, & après s’y être
arrêtée,quelque tems , elle tombe dans le
lac de Cofme. Ce qui rend cette fontaine
merveilleufe , c’eft que trois fois par jour
elle haulfe & baille par des augmentations
& des diminutions régulières. Ce jeu de la
nature s’obferve aifément, & l’on ne peut
le voir fans un extrême plaifîr. Vous pouvez
vous affeoir fur les bords de cette fontaine,
y manger & boire même de fon
eau qui efl fort fraîche , & pour lors vous
remarquez que dans un certain efpace de
tems elle monte & baiflè fenfiblement.
Vous mettez un anneau ou quelque bijou
en un endroit de fon lit qui efl à fe c , l’eau
qui revient peu-à-peu gagne l’anneau, flotte
autour, & le couvreentièrement. Quelques
momens apres , l’eâu qui baille découvre
1 anneau, & l’abandonne. Si vous obfèrvez
long-tems ces moüvemens divers, vous
verrez la même chofe arriver jufqu’à trois
fois par jour. Quelque courant d’air ren*
fermé dans les conduits fouterrains n’obf-
trueroit-il pas leur ouverture pour quelque
tems lorfqu’il ?’y trouveroit porté , & ne
la laifferoit-il pas libre lorfqu’il feroit dif-
fîpé '1 à-peu-près, comme il arrive dans une
bouteille ou dans un vafe d.nt le goulot
ell étroit : quoique vous la renverfiez, i’eau
fe trouve arrêtée au paffage par l’effort de
l ’air qui s’y oppofe, 8c le bruit qui accompagne
ces efforts vaincus , reffemble à des
langlots. »
Cette fontaine n’auroit-elle pas quelque
analogie avec l’Océan, & les accès fuccef-
lîfs qui ferôiènt paroître ou difparoître ce
filet d’eau ne feroient-ils pas afïùjettis à la
même marche que le flux & reflux de
l’Océan ? Ne feroit-Ce p oint auffi que comme
les fleuves emportes par leur pente vers la
mer font forcés quelquefois ou par les vents
ou par le flux de.changer leur cours, de
même il fe rencontre quelque obflacle q u i,
en certain tems,. s’oppofe à l’écoulement
de cette fontaine'? N’y auroit-il pas une Certaine
capacité dans les réfervoirs qui four-
niffent cette eau, ce qui fait que ïorfqu’ils
font épuifés, & qu’ils* en raffemblent de
nouvelle , ils. ne laiffent échapper qu’un
filet d’eau foible & qui coule plus lentement.
Mais fitôt- que ces réfervoirs font
pleins, ils en verfent au-dehors un jet plus
abondant & plus rapide.
Cette fontaine fubfîfle encore aujourd’hui
, & efl appelée, par les habitans du
pays, la fontaine de Pline. Benoît-Jove &
Thomas Porcacchi, tous deux de Cofme,
affinent que cette fontaine, qui efl au bord
du lac de Co fme , à fept milles de la ville
de ce nom, conférve la même propriété
qu elle, avait' du tems de Pline. Prifcam
adhuc naturam fervat : & l’affertion dé ces
auteurs fe trouve confirmée par le témoignage
de piufîeurs naturaliftes qui l’ont
vérifiée fur les lieux mêmes. Ceux qui délireront
de plus grands détails fur les fontaines
périodiques intermittentes ou intercalaires
, ainii que fur celles à flujt & à
reflux, peuvent confulter l’article Fontaine
du Diétionnaire ; ils y trouveront tous les
éclairciffemens fur les cattfes de ce phéno-
: mène que lés ancienscont connu, & ont
aflez bien expliqué , ainfî que les modernes.
Ces détails prouvent au lutplus que les canaux
qui fervent au jeu & à la marche des
i eaux fouterraines., fe confervent dans les
| entrailles de la terre avec toutes les modifications
premières pendant piufîeurs fiècles
fans aucune altération, ce qui établit la
folidité & la forme confiante de ces canaux.
Sénèque, en confidérant les phénomènes
des fontaines périodiques, fe borne ici aux
fimples analogies avec tous les effets fujets
à des retours plus ou moins réguliers , 8ç
fur-tout aux analogies qui dépendent du
fnierocofme. Telle efl l’intermittence des
fièvres qu’il rapproche de l ’intermittence de
ces fontaines : c ’efi-à-dire qu’il compare un
'effet dépendant de l’organifation animale ,
& dont la caüfe eft inconnue pu ebfcure ,
& peut être peu méchanique, avec un phénomène
hydraulique, & dont les détails
peuvent être faifis très-aifément. Cette manière
de raifonner , qui peut être permife
dans certains cas, efl fujette à bien des in-
convéniens ; on peut rapprocher ,
comme le fait ici Sénèque, des effets qui
rie foient pas du même ordre, ni quant aux
caufes, ni quant aux cirçonflances, En fécond
fieu, lorfque l’analogie efl folidement
établie , il n’en réfulte tout au plus que
quelques faits dont les çaufes fQ.K également
inconnues, peuvent être rangés dan?
la même claffe : or , ce réfultat raffine plutôt
qu’il n’éclaire, Cette marche feroit fu->
nefle aux feienoes Sj à -leurs progrès , fi ,
en fe bornant à ce point de vu e , on négli-
geoit la recherche d’une caufe dont la découverte
efl peut-être le feul moyen de
-décider le caraétèçe diflinftif des faits analogues.
C’ell ainfî que l’analogie que Sénèque
& Pline lé’ jeune âvoient indiquée
entre le flux & reflux de l’Océan, & 'jg
jeu des fontaine? périodiçjues ell tombé