
aux animaux & aux végétaux terrcftres.
Relie à trouver les caufes qui ont fait
qaiffer le niveau des mers au point de découvrir
cette grande étendue de terre qui
forme aujourd’hui les plaines des conti-
nens ; qui ont mis à fec ces bancs énormes
de coquilles marines, & qui en ont pu
élever une partie en hautes montagnes,
dont l’élévation eft trop confidérable pour
qu’on puiffe admettre qu’elles aient été formées
telles dans le badin d’une ancienne
mer primitive. Ne conviendroit-il pas de
combiner les effets fueceflifs des volcans
& des autres forces fouterraines , avec ceux
d’un déluge ou de plulieurs de ces débor-
demens de l’Océan , pour donner des rai-
fons probables des changemens arrivés indubitablement
fur le globe de la terre ? Il
convient aufïi de réunir plulieurs hypo-
thèfes modernes , en s’attachant à plulieurs
caufes , abandonnant en cela le fylléme de
tous les auteurs des différentes théories
de la terre, qui ont cru devoir fe borner
à une feule.
Mais avant de donner l’idée d’une telle
hypothèfe compofée , & qui femble conduire
à l’explication de tout ce qu’on ob
ferve de plus étonnant dans l’état aétuel de
la terre, il faut parler d’un ordre de montagnes
très-certainement poftérieur aux
couches marines, puifque celles-ci fervent
généralement de bafes à ces maffes
très-modernes: on n’a pointjulqu’ÎGiot>-
fervé une fuite de ces rnowagnes tertiaires ,
auflï marquée & auflï puilfante que celle
qui accompagne la chaîne ouralique fur
le coté occidental & dans toute là longueur.
Cette luite de montagnes , effet des
càtaltrophes les plus modernes de notre
g lo b e , compofées en grande partie de
grès , de marnes rougeâtres , entremêlées
de couches très-variées quant à la nature
des matériaux , forme une chaîne par-tout
fé; arée par une vallée plus du moins
xirge , de la bande de roche calcaire
dont on a parlé : lilionnée & entrecoupée
de fréquens vallons , elle s’élève fou-
Vent à plus de cent toifes perpendiculaires
, fe répand dans les plaines de la
Ruffie en traînées de collines qui féparent
les rivières, en accompagnant généralement
leur rive boréale ou occidentale ,
& fe termine enfin dans des déferts fablon-
neux qui occupent.de grands efpaces &
s’étendent par longues bandes parallèles
aux principales vallées que fuit le cours
des rivières.
La principale force de ces montagnes
tertiaires eft dans le voifinage de la chaîne
primitive , par tout le gouvernement d’O-
renbourg & la Parmie, où elle confifte
principalement en grès , & contient un
fond inépuifable de mines de cuivre, fa-
bleufes , argilleufes & autres qui fe voient
ordinairement dans les couches horifon-
tales. Plus loin , vers la plaine, font des
fuites de collines toutes marneüfes, qui
abondent autant en pierres gypfeufes que
les autres en minerais de cuivre. On ne
donnera pas ici une plus longue defcrip-
tion de celles-ci ; on fe contentera de
dire qu’il s’y trouve fur-tout des fources
falines; mais on dira des premières qui
font plus étendues que les autres , & dont
les plus hautes élévations des pays de
plaines & même celle de Mofcou font
formées, qu’elles contiennent très-peu
de veltiges de productions marines &
jamais des amas entiers de ces corps,
tels qu’une mer repofée pendant une fuite
de fiècles a~pu les accumuler < dans les
bancs calcaires. Rien au contraire de plus
abondant dans les montagnes de grès ftra-
tifié fur un plan calcaire, que des troncs
d’arbres entiers & des fragmens de bois
pétrifié, fouvent minéralifé p ar le cuivre ou
par le fer ; que des imprefîions de troncs
de palmiers , de tiges de plantes , de ro-
feaux & de quelques fruits étrangers :
enfin que des offemens d’animaux terreftres,
fi rares dans les couches calcaires. Les
bois pétrifiés fe trouvent jufque dans les
collines fabloneufes de la plaine. L’on
en t r o u v e , par exemple, dans des hauteurs
fablonrteufes voifines de Syfrafi ,
fur le Volga, qui a confervé la texture
organique du bois, 8c fur-tout remarquable
par les traces tres-evidentes des
vers rongeurs qui attaquent les vaifieaux ,
les pilotis & autres bois trempés dans la
mer y 8c qui font proprement originaires
de la mer des Indes.
Dansces mêmes dépôts fablonneux &fou-
vent limoneux, giflent les dépouilles des
grands animaux de l’Inde, ces offemens d’é-
léphans, de rhinocéros , debuffles monf-
trueux dont on déterre tous les jours un
fi grand nombre , & qui font l’admiration
des curieux. En Sibérie où l’on a découvert
le long de prefque toutes les rivières
ces reftes d’animaux étrangers, & l'ivoire
même bien confervé, en fi grande abondance,
qu’il forme un article de commerce
p en Sibérie , dis-je, c’eft auflï la
couche la plus moderne de limon fablonneux
qui leur fert de fépulture, ôc nulle
part «es monumens d’animaux étrangers
ne font plus fréquents qu’aux endroits où
la grande chaîne qui domine fur toute
la frontière méridionale de la Sibérie,
offre quelque dépreflion , quelqu’ouver-
ture confidérable.
Ces grands offemens, tantôt épars, tantôt
entaflès par fquelettes & même par
hécatombes , confîdérés dans leurs fîtes
naturels , ne peuvent-ils pas autorifer l’hy-
pothèfe d’ùn déluge arrivé fur la terre ;
en un mot, d’une eataftrophe dont on
ne peut concevoir la vraifemblance qu a-
près avoir parcouru ces plages & vu par
loi-même tout ce qui peut y fervir de
preuve à cet événement mémorable. Une
infinité de ces offemens couchés dans des
lits mêlés de petites tellines calcinées,
d’os de poiffons , de gloflbpetres , de bois
chargés d’ocre , &c., prouve déjà qu’ils
ont été tranfportés par des inondations.
Mais la carcaffe d’un rhinocéros trouvé
avec fa peau entière, des reftes de tendo
n s de ligament & de cartilages dans
les terres glacées des bords du Vfioûi ,
forme encore une preuve convaincante
que ce devoit être un mouvement d’inondation
des plus violents & des plus rapides
qui entraîna jadis ces cadavres vers
nos climats glacés , avant que la corruption
eût le temps d’en détruire les parties
molles. On annonce encore de pareils
cadavres d’éléphans & d’autres animaux
gigantefques encore revêtus de leurs peaux,
remarqués à plulieurs reprifes dans les
montagnes qui joccupent l’intervalle entre
les fleuves Indighirka & Kolima.
I V .
Expofitien d'une hypothèfe fervant à expliquer
l'état prtfent de la furface des
pays, quiréfulte de l'apperçui qui précède.
Après cet apperçu des obfervàtions
faites en Ruflie , & qui paroiffent les plus
propres à avancer l’hiftoire naturelle de
notre globe , Pallas ajoute l’efquiffe d’une
hypothèfe telle qu’il l’imagine pouvoir
fervir à expliquer l’état préfent de la fur-
face des terres, qui réfulte de cet apperçu.
En füppofant que les hautes chaînes granitiques
formaffent de tout temps des
ifles à la furface des eaux , & que la dé-
compofition du granit produisît les premiers
amas de fables quartzeux & fpathiques
& de limon micacé , dont les grès &
les fchiftes font formés, la mer alors
devoit amener les matières légères phlo-
gifliques & ferrugineufes, produites par la
diflolution de tant d’animaux & de végétaux
dont elle étoit peuplée , & les reftes
de ces corps organifes vers ies côtes dea
terres , y former par l’infiltration de ces
principes dans les couches qui fe dépofoient
fur le granit, des amas de pyrites, foyers
des premiers volcans qu’on vît enfin éclater
fucceflivement en différentes parties
du globe. Ces anciens volcans, dont des