
L'Océan qui reçoit les eaux de tant
de fleuves qui s’y déchargent continuellement
, ne s’agrandit pas & relie par-tout
dans les mêmes limites.
Il paroît donc qu’il s’opère fur la fur-
face de l’Océan , par l’atmofphère, une
évaporation égale à la quantité d’eau qui
retourne dans la mer par les fleuves.
L’eau de la mer efl lumineufe , parce
qu’elle renferme un grand nombre de petits
animaux phofpheriques , outre une certaine
quantité de poiflons qui ont la même
propriété lumineufe lorfqu’ils font dans
certaines lituations ou même lorfqu’ils
pourrilfent.
A r t i c l e Q u a t r i è m e .
Des mouvemens généraux & particuliers
de VOcéan.
Varénius paflè à l’expofition de tous
les mouvemens auxquels les eaux de la
mer font expofées ; il en diftingue de généraux
& de particuliers , & même d’accidentels.
Il appelle mouvement général, ee|ui
qu’on obfèrve dans toutes les parties de
•la mer & dans tous les' tems, au lieu que
les mouvemens particuliers n’affeétenx que
quelques parties de l’Océan. Il y en a
de deux fortes , l’un perpétuel g qui
agite la mer fans interruption ; l’autre périodique
, qui ell inconflant & ne fe remarque
que dans certains mois & à certains
jour.' de l’année.
Les mouvemens accidentels de la mer
" font ceux qui furviennent de tems en tems,
mais fans aucun ordre ni régularité; il y
en a une infinité de cette forte; c’eft fur-
tout aux vents que Varénius attribue ces
mouvemens irréguliers.
Quant aux mouvemens généraux, il en
diftingue de deux fortes, l’un conftant qui
fefait d’Orient en Occident ; l’autre com-
pofé de deux mouvemens contraires &
appelles flux & reflux , par l’un defquels,
la mer court & s’élève vers les côtes à
certaines heures , & par l’autre elle fe
retire & s’abailfe.
Varénius eft 'celui de tous les géographes
qui a le mieux parlé du mouvement qui:
porte les eaux de l’Océan del’Eft à l’Ouefl,
dont Buffort a voulu tirer un grand parti.
C’eft à Varénius que nous devons laconnoiP.
fance raifonnée de ce mouvement, -ainfî.
que l’expofition des preuves différentes
que les navigateurs en avoient recueillies
de fon tems.
Il nous apprend d’abord que ce mou-
ventent eft fur-tout très-remarquable dans
la Zone-Torride, & entre les Tropiqu.es, ;
parce qu’il y eft plus fort & moins expofé
à être contrarié par les autres mouvemens.
C’eft particulièrement dans le trajet de
l’Inde à Madagafcar & aux côtes d’Afrique
qu’il a été reconnu par différent
navigateurs.
Il en eft de même dans les parties de
la mer du Sud contenues entre la Non-'
vellè Efpagne d’un côté & les côtes de
la Chine & des Molucques de l’autre:
comme dans l’Océan lïthiop.ique, entre
les côtes de l’Afrique & celles du Brélil..
C’eft aufli par une fuite de ce même
mouvement que des courans fort rapides
portent les vaiffeaux de l’Ëft a
l’Oueft dans le détroit de Magellan, &
avec une viteffe fi grande, que le. premier
navigateur qui découvrit ce détroit, con-
jedura, d’après ces effets, qu’il devoity
avoi r une communication de l’Océan Atlantique
à la mer du Sud. De même les
vaitfeaux font portés par des courans de
l’Ell à l’Oueft dans le détroit de Manille,
& dans les paffés qui le rencontrent entre
les Maldives , &c.
par une fuite du même mouvement la
mer coule avec impétuoüté dans le golfe
du Mexique, entre Cuba & l’Yucatan, &
dans le débouquement entre Cuba & la
Floride. Il y a un courant fi impétueux
qui porte les eaux dans le golfe de Paria,
qüé le détroit en a reçu le nom de Bouche
du Dragon. Ce mouvement eft aufli très-
fort le long des côtes du Canada. De la
mer de Tartarie ou Glaciale , l’eau fe
porte en abondance à travers, les détroits
de Waigats & de la Nouvelle-Zemble , ce
qui fe prouve non-feulement par la quantité
d’eau qui s’y meut, mais encore par
celle des glaçons qui s’accumulent autour
de la Nouvelle-Zemble. On a reconnu
. également que le long des côtes feptenr :
trionales & occidentales, de l’Amérique ,
; l’eau de la mer du Sud fe porte vers le
( détroit d’Anian. Du lapon il y a retour
vers la Chine, au lieu que dans le détroit
de Manille St dans celui de Madagafcar,
la direction du courant eft de i’Eft à i’Ouc-ft.
Ainfi pendant que l’Océan Atlantique le
porte vers les côtes Orientales de l’Amérique
, un mouvement en même fens a lieu
dans la mer du Sud, car l’eau s’écarte
des rivages Occidentaux , ce qui eft fur-
tout très-remarquable au Cap <&r Courans ;
entre Lima & Panama.
Il réfulte de toutes ces circon fiances
du mouvement général de la mer de i’Eft
! à l’Oueft , que les vents , N fur-tout ceux
que l’on nomme Mouffons, y apportent
dîs changemens confidérabies. Il eft vifible
que ceux qui viennent du Nord, du Sud
ou de quelques autres points du. compas ,
doivent déranger la direétion de ce mouvement
8c le faire tourner tantôt vers le
! Nord, vers le Nord-Oueft ou le Sud-
Oueft. Les vents du Nord modifient fur-
tout ce mouvement fur l’Océan fepten-
trional, où ces courans ne font pas forts,
« ce n’eft en quelques endroits parricu-
! liefs.
Autant Varénius eft attentif à préfenter
en détail les différens phénomènes du
mouvement général de l’Eft à l’Oueft ,
autant il efl réfervé fur l’indication de leur
caufé. Cependant il paroit porté à croire
que la marche fuçceffive du foieii eft la
caufe principale du _vqnt d'Efl & des
autres vents conftans qui en font les dérivations.
Il s’appuie lur les obfer votions
qu’on a faites en plufieurs' endroits , 8c
qui prouvent que ce vent eft plus fort
avant le lever du foleil que dans tout autre
tems. Or, , on ne peut douter qu’il 11e
.contribue à rendre le mouvement d,e
l’Eft i i’Oueft confiant j on a reconnu
effeétivement que plus le vent d’Eft eft
fort, plus çe mouvement eft rapide.
Après cette expofition des phénomènes
que préfente cette marche générale des
eaux de la mer , on pouvoit délirer de
connaître la manière dont ce mouvement
fe compprtoit avec ceux du flux & du
reflux ; c’eft ce qde Varénius expofe ave«
beaucoup de fagacité. 11 obfèrve d’abord
que tout l’Océan fe meut de l’Eft à l’Oueft
dans le tems du flux comme dans eelui
du reflux, & que la feule différence qu’on
y remarque , c’eft que dans le flux la
mer fe meut avec plus de violence Sc
plus abondamment, au lieu que dans le
reflux elle femble couler en fens contraire,
parce qu’il s’y meut une moindre quantité
d’eau.
On voit que le mouvement général de
la mer de l’Eft à l’Oueft fubfifte toujours
avec le flux & le reflux , qu’on doit con-
fidérer pour lo-rs feulement comme une
intumefcence & une détumefcence des eaux
de la mer. Au refte, Varénius établit ces
vérités ennous. failant remarquer, i°, qu’en
pleine mer , & entre les Tropiques, on
n’apperçoit point d’autre mouvement que
celui de l’Eft à l’Oueft ; 2°. que dans les
détroits qui courent fuivant la dirtélion
de l’Eft à l’Oueft , & qui fervent à Ja
communication des grandes parties de
I l’Océan , comme ceux de Magellan , tfe