
& qui a confondu pêle-mêle en plufieurs
endroits les plantes de la terre, les os dés
animaux terreffrës avec des coquilles, des
dents de poiffons, & d’autres productions
de la mer.
Effayons, ajoute-t-il , de.réunir toutes,
ces circonfiances dans une conjecture qui
les concilie toutes. Quoique la terre fût
avant le déluge, comme elle l’eft à préfent,
compofée de couches de différentes terres
appliquées les unes fur les autres , de
montagnes , de vallées, de plaines , de
grands amas d’eau ou de mers , toutes
parties effentielles à la demeure des hommes
, fa forme différoit cependant de
celle d’à préfent ; fon atmofphère ou fon
ciel n’étoit pas tout-à-fait de même qu aujourd’hui.
Suppofonsque la première terre décri-
voit autour du Soleil fon cercle annuel
ou fon orbite- ovale , fans que fon , axe
penchât d’un côté plus que de l ’autre fur
leplan de cette orbite.
Suppofons encore que cette terre, def-
tinée à loger des habitans d’une vie fort
longue ôc qui dévoient fe multiplier
extrêmement , offroit .une fiirface plus
grande que celle de la mer, & que pour
donner aux hommes plus d elpace, la mer
.étoit en partie à découvert & en partie
enfoncée fous terre, enforte qu’il y eût
de côté & d’autre de grands amas d’eau
©u différentes mers qui s’entrecommuni-
quoient par un profond abyme qui les
uniffoit toutes. Pluche trouve que de ces
deux fuppofitions découlent naturellement
toutes les circonftances qui fe trouvent
réunies dans l’écriture, dans la tradition
des anciens , & dans l’état préfent du
monde.
L a terre n’inclinant point fon axe fur
leplan de fa route annuelle, préfentoit toujours
fon équateur au foleil : à l’exception
du milieu de la Torride où la ehaleur étoit
exceffive, à moins qu’elle n ’y fût comme
aujourd’hui corrigée par un amas de
vapeurs , tous les autres climats jouiffoient
d’une douce température. L e jour & la nuit
étoient par-tout de douze heures, l’air toujours
pur, lç printemps perpétuel & fans au-
curie diyerfité de faifons. Le foleil ôc la
lune ne Jaiffoient pas'de régler le cours
de l’année par des changemens fenfibles.
La terre en parcourant Ion cercle annuel
autour du foleil fe trouvoit fuccéfljvement
placée fous les douze confteJ tarions du
i zodiaque. Quand elle étoit fous la balance
i elle voyoit le foleil fous le beiier, ôcc.
la révolution que le foleil paroiffoit faire
en un an j la lune lafaifoit de mois en .mois*
La terre fut pour l’homme un Jardin
délices jufqu’au déluge , n’étant p.ojnt
caverneufe ôc crevafiee comme elle l eit
depuis le déluge : l’atmofphère etoit toujours
paifible. Un doux zéphir, un vent
d’Efl produit par-tout aux approches du
foleil, chafîoit les vapeurs qui s’élevoient
de la mer , ôc les refôlvoit en rofees dont
les retours étoient invariables. Par-tout
elles s’épaiffifibient & retomboient dans la
longue durée de la nuit pour entretenir
les plantes par une fraîcheur égale,. & le s
réfervoirs des fontaines par des eaux toujours
nouvelles. L ’air n’etant point troublé
par l’impulfion des grands vents, il
étoit fans pmie , fans orage , fans grêle •
& fans tonnerre; & quoique tous ces
météores aient des utilités relatives a
l’ordre préfent de la nature, le premier
monde n’en éprouvoit ni les fecouffes
funeftes, ni les apparences allarmantes.
L’égalité de l’air ne pouvoit manquer
d’influer fur la vie de l’homme qu’elle
rendoit plus longue. Une feule chofe
défiguroit la terre, c’étort la méchanceté
des hommes. Elle étoit telle , qu’il ne fal-
loit pas moins qu’un changement univer-
fel dans la nature pour arrêter le mal. Dieu
ne fe contenta pas de frapper les habitants
du premier monde j il frappa la terre
même & changea la difpofition de l’air ôc
l ’ordre des faifons. Par cemoyen, il rendit
la vie d’une nouvelle race d’hommes plus
courte, plus pénible, plus occupée.
Une chofe déplacée dans la nature fufîit
à Dietrpour en changer la face : il prit
l ’axe de la terre ôc l’inclina vers les étoiles
du Nord. Cette interruption de l’ordrean-
çien parut introduire de nouveaux cieux ôc
une nouvelle terre". .Tous les feux du
foleil fe firent fentir en ce moment dans
un hémifphère , & le froid dans un autre :
de-là les vents violents. Les . eaux fupé-
rieures épaiflîes par le choc de ces vents ,
fë précipitèrent comme une mer , les
cataraétes du ciel furent ouvertes , la
terre ébranlée,.par une fecouffe univer
felle fe brifà fous les pieds de fes habitans
& s’éboula dans les eaux fouter-
raines : les réfervoirs du grand abyme
furent rompus, & les. eaux s’en élancèrent
èn maflès proportionnées au volume des
terres qui les chaflerent en s’y précipitant.
Du concours des eaux fupérieures
& des eaux inférieures , il fe, forma un
déluge univerfel & le globe fut noyé.
Le foleil & les vents, qui avoient concouru
à l ’inondation de la terre, contribuèrent
également à'ia tirer des eaux. Les
unes s’arrêtèrent dans les lieux les plus
bas ; le relie remonta dans l’atmofphère.
Depuis ce temps, la terre confervant toujours
fon axe incliné de 23 degrés & j
vers le Nord , éprouva des afpefts qui
varient tous les jours durant lix mois, &
qui fe renouvellent lorfqu’elle' parcourt
l’autre moitié de fa route annuelle. La
diverfité des faifons & les viciflitudes de
l’air caufèrent une' altération néceffaire
dans le tempérament de l’homme, &reffer-
rèrent la durée de fa vie.
Paflbns aux autres fuites du déluge :
Pluche .nous fait remarquer que Dieu ayant
par le déplacement de l’axe , ébranlé l’air
& enfoncé une partie des dehors de la
terre , au lieu des vallées délicieufes &
des collines toujours tapiffies de verdure
quiornoient la première terre, les hommes
ne rencontrèrent dans la Gordienne où
l’arche s’arrêta que des terrains crévafies,
que des rochers tumultueufement difper-
fés , félon que la fecouffe univerfelle le»
avoit rompus & mis à découvert. La plupart
des montagnes étoient hériffées. de
pointes couvertes de neiges, ou cachoiene
leurs cîmes dans des brouillards épais.
Le retour des nuages qui avoient été les
premiers avant-coureurs du déluge & qui
devoit fur-tout renouveller leurs allarmes,
étoit fuivifur la findujourd’unéclaircipen-
dant lequel le foleil peignoit fur les dernières
gouttes de la nuée qui fe difïipoit,
un arc pltein de majeffé & compofé des
plus vives couleurs. Cet objet auflî nouveau
que magnifique ne fe montrant
qu’à la lin des orages, devint le ligne
naturel qui annonçoit aux hommes leur
ceffation. C ’efl dans ce fens que Moyfe
préfente l ’arc-en ciel comme un objet
nouveau , & fi l’arc-en-ciel étoit inconnu
avant le déluge, les pluies l’étoient donc
aufli. Si la furface de l’ancienne terre a
été irrégulièrement enfoncée par un tremblement
univerfel, on d o it, dans toute
la nature, trouver des marques-d’un ouvrage
fait à deux fois , ou plutôt y apper-
cevoir encore la flruéture de la première
création, c’eft-à-dire les différentes couches
de limon , de fables , d’argille &
d’autres matières étendues les unes fur
le6 autres, avec tant d’intelligence & d’artifice
5 mais le tout altéré , plié , crévalfé
en bien des endroits & confervant encore
dans ce de l'ordre les vefliges d’un changement
opéré par la juftiee divine.
i ° La furface du globe étant compofée
de terres friables & de longues
couches de pierres, les terres dans la tourmente
univerfelle ont dû rouler quelque
S peu & s’ébouler en plufieurs endroits
! fous la forme de terres jettées. Au con-(
I tr,aire , les-bases de pierres fe pliant avec
B b b a