
de Mary, de L i fy , &c . ; au-defîbus de tous
ces lits de fablon , font des bancs de
pierres à bâtir, contenant auffi des coquillages.
La fuperficie de ces Tablons , fert de
bafe à d’autres qui ont été pétrifiés ; on
en voit des parties conlidérables, &
des blocs qui ont été précipités fur les
' revers. Ce grès eft très-dur, ne contient
point de coquilles, & fert au pavé des
grandes routes ; il paroît que fa pétrification
eft l’ouvrage des premiers tems ,
foit pendant que la mer couvrok encore
ce pays , ■ foit peu après fa retraite : il y
a une autre forte de grès plus imparfaite,
qui paroît fe pétrifier tous les jours. Ces
bancs étant pénétrés jufqu’à une certaine
profondeur par les eaux des' pluies , les
grains de' fable fè lient & s’unifient PeU
a peu , & acquièrent une [certaine dureté :
mais elle n’eft pas allez conlîdérable pour
que ces grés foient employés en pavés.
C e grès moderne diffère en cela de l’ancien
qu i j a fon Ht de deffous & fon lit de deflus
ordinairement uni ; outre cela le moderne
renferme dans les parties inférieures un
grand nombre de coquilles,
Lorfque j’ai dit que les coquillages de
Mary & de Lify avoient été apportés des
fcmmets de Çourtagnon , j ’ai dû diflinguer
ceux que les couches mêmes de cette,
contrée renferment, & qui font auffi beaux’
& auffi bien confervés que ceux de Cour-
tagnon ; car la région des coquilles occupé
une grande fuperficie de la terre dans Ce
canton. La femence de coquilles dont le
fablon eff auffi rempli à Mary & L i f y , ; :
eft -un objet auffi curieux que tout- ce
que nous avons décrit ci-deflus,
Refteroit'à confîdérer fi ces productions
marines font de l’âge des torrens ou
d’une époque plus ancienne ; mais il paroît
que lorfque ces eaux courantes ont été
en activité , tous ces lits de Marne, de
fablon, de coquillages, deg rés, exift. ient
déjà avec tout ce qu’ils contiennent, D’ailleurs,
au-defîous d’un lit de fablon très-
net , il y a un banc de pierre très-dure,
épais de plufieurs pieds , qui dans toutes
les veines, dont quelques-unes font d’un
grès parfait, contient en très-grande quantité
les mêmes coquillages qu’on trouve
difperfés à Mary & à Lify. O r , il eft fen-
fible par la pofîtion de ces bancs , que ce
n’eft pas le torrent de la Marne qüi les
a formés;-mais au contraire que c’eft lui
qui en .a démoli une partie , en détruifant
' tout ce qui s’avançoit vers Rezel.
XIII. Tant de finuofités de Meaux à
Lagriy , , ont extrêmement multiplié les
veftiges de tous les ravages des anciennes
eaux. Le Morin, (grand ) qui' étoit un
torrent des plus eonfidérables , contient
aulîî dans fa vallée plufieurs monumens
de la deftruâiop des eaux courantes. Le
confluent du Morin & de la Marne eft
d’une très-grande fertilité &furpaflèpar cette
qualité autant la Brie que la Brie l’emporte
fur d’autres pays.
La Brie eft un terrein humide couvert
de vafes & terres glaifés amenées autrefois
par les torrens de la Marne & de la
Seine , & dépofées vers leur confluent.
Les environs de Lagny & de C r é c y , contiennent
une infinité de pétrifications qui
ne'font point marines; il y a des pierre*
formées de plantes marécageufes & de
rofeaux qui font pétrifiés par couches.
Ces plantes font toutes fut leur p la t, les
tiges en font écrafées ; on remarque
les noeuds "des rofeaux, les fibres des feuilles
& leurs côtes. Leur longueur eft dirigée
dans le même fens comme ayant été ver-
fées par une eau courante & pétrifiées fur
pied, I l s’en trouve auffi des amas comme
de pailles hachées , pofées dans toutes
forte? de direflions, mais néanmoins tout
étendues & difpofées à plat. ’On difiingue
parmi, des graines 8ç de petits coquillages
d’eau douce. Çes pierres & ces rochers
fe trouvent errants à la furface de la terre ,
dans les fonds , fur les hauteurs , & on
les dpcçmvre à ;rente & quarante pieds fops
terre , dans les flancs des ravines & des
fouilles des ouvrages publjcs. Us font
quelquefois contigus les uns aux autres^
mais brifés Sc culbutés en défordre. Tout
juftifie’ ce que j’ai dit il y a long-tems ,
que les confluents de toutes les rivières
avoient dû être pendant long-tems le féjour
des coquillages d’eau douce & des plantes
marécageufes, à quoi a fuccédé l’état favorable
à la pétrification; car ces pétrifica-,
tions font fi répandues j fi générales ,
d’un grain fi uniforme & fi femblable, qu’il
paroît que ce pays après avoir été mer,
puis marais, a été enfuite pétrifié en entier.
X IV . C’eft à la fuite de tout ceci que
je puis dire quelque chofe fur la croiffance
des pierres, Un grand nombre de" gens
d’elprit, voyant, la quantité de pierres qui
s’emploient tous les jours dans les bâtimens
de Paris, étonnés de ce que les carrières
y fuffifent, s’imaginent que la nature y
fournit & y fupplée continuellement. Rien
n’eft plus éloigné du vrai que.cette idée.’
Le vuide que l’on forme dans une carrière
en en tirant de la pierre, eft un vuide
irréparable. Jamais à la place d’une pierre
de Saint-Leu ou d’A rc eu il, que l’on a
tirée , il ne paroîtrà' une autre pierre de
Saint-Leu ou d’Arceuil. Les 'pierres ont
été formées par la mer elle-même, avec
les dépouilles de toutes fortes de coquillages
, liées par les vafes qu’elles contient.-
Par cohféquent, comme rien ne peut plus
ramener des vis ; des buccins, & c . dans,
les carrières des environs de Paris, pour
en remplir les vuides ; que rien ne peut
plus y joindre les principes de la pétrification,
il eft évident qu’il ne fe forme
plus de bancs de pierre. Ce ne font point
l’égoût des eaux & l’infiltration goûte à
goûte des pluies qui forment des pierres
dans nos carrières ; au contraire., ces eaux
ne font capables que de détruire celles
qu’elles percent ; car par-tout où elles pénètrent,
elles entraînent lesprincipes qui font
le Hen & la folidité des pierres , 8c elles
n’y Iaiffent qu’un mauvais tuf dont les parties
n ont plus de liaifon , 8c le lue lapidifique
diffous & entraîné va former fur
les endroits où il s’épanche & fe fixe
des concrétions pierreufes & cryftallines
de fpath , de ftalagmites , , de flalaâites,
mais jamais une pierre de Saint-Leu. C ’eft
donc-là vifiblement une -chofe qui npft
plus dans l’ordre préfent de la nature ,
auffi jamais le vuide ne. fera réparé; &
c’eft une chofe confiante, que les carrières
s’épuiferont à la fin. , & que lorfqu’on
aura miné tous les environs de Paris, on
fera forcé de chercher des pierres plus loin
avec plus de dépeijfes. Mais il ne faut pas
s’en effrayer , la quantité de pierre à bâtir
qu’il y 'a fous terre aux environs de Paris,
faffira pour le reeonftruire tout à neuf
encore bien des fois.
X V . Etant arrivé à Paris, je ne puis
fuivre le 'torrent de la Marne réunie à
celui de la Sein.e, & continuer d’en décrire
les effets fur les terreins qu’il a traverfé
aü-delà j ufqu'à la mer. Jfe le 1 aille fur Paris
y faire la difpolition de fes plaines & de
les' côteaüx. Nous jouiïfons aujourd’hui
de ces lieux enchantés , où nous avons
établi le-centre de nos grandeurs, de nos
richeffes & le théâtre' de nos pîaifirs fur
les vafes que ces torrens affreux y ont
dépofés. Ces réflexions .phyfîques fe changent
ici , maigre n o u é , en réflexions
morales, lorfque l’on voit que des boues
& des vafes forment le fiége de la grandeur
hu.maine._Quand on ne conliâère que
l’.el carpe ment de la Marne, depuis Langres
jufqu’à Paris, Si ■ même ceux de la Seine,
il femble -très-poffible & trèsenattirel qu’ils
aient été produits par les eaux du déluge
de Ncé. Cependant il feroit aflèz difficile
d’admettre que de fi grandes démolitions
aient pu être l’ouvrage d’une pluie de quarante
jours & du dérangement d’une feule
faifon ., fans qu’il fut relié dans les plainds
inférieures des traces des défordres qu’au-
roit dû caufer une démolition fi étendue & fi
précipitée. Je croiroïs, dans ce cas , que
tous les fleuves de la terre auroient été
pendant des fiècles, té lé que font aujourd’hui
les fleuves , fujets à des débordemens