
depuis que l’on connoît mieux la caufe de
l’un & l’autre phénomène. On a été encore
plus loin de nos jours; on a prouvé par
l’obfervation que les accès d’écoulement &
d’intermittence des fontaines périodiques,
ji’avoiînt aucune correfpondance avec le
flux & reflux de la mer , comme on l’avoit
cru par l’abus d’une fauJTe analogie.
Sénèque confond aufli les crues 8c les
diminutions de certains fleuves , leurs dé-
bordemens périodiques annuels & aflùjettis
à certaines faifons avec les phénomènes des
fontaines périodiques. Mais nous favons
maintenant que ces fleuves ne fe trouvent
que dans la Zone-Torride, & , en con-
féquence , nous fournies convaincus que
ces effets , furprenans autrefois, font produits
par l’eau- des pluies très-abondantes
dans toute l’étendue de cette Zone pendant
ces mêmes faifons. Yoilà donc les fontaines
périodiques, la fièvre, la goutte,
le flux & reflux de l’Océan , les crues des
fleuves fu jets à des débordemens annuels ,
la fuite & 1* retour des faifons confidérés
comme des faits analogues, que des découvertes
poftérieuresnôus ont fait ranger fous
des claflès différentes & diftinguées depuis
qu’on en connoît les caufes. f l faut en excepter
cependant les crues & les déborde-
piens périodiques des fleuves qui font un
fait analogue avec le retour desYaifons,.
Plus on çonnoît, plus on diftingue, foit
en morale, foit en phyfique. La pareffe ,
l'imagination fédentaire, allongent lesliftes
des faits fernblables : la difcuflion, l’étude,
Poblervation rigoureufe, les raccourciffent
& réduifent prefque tous les évèpemens à
des circonflançes ifolées.
ï x.
S É N È Q Ü E,
P es poiffons fo [files, de ceux qui vivent dans,
les 1 mas d'eau fouterrains , & enfin de
ceux qui font entraînés au dehors par les
dégorgeoirs.
Nous ne connojffons 'pas les loix que
la nature obferve fous terre , mais elles
n ’en font pas moins confiantes. Imaginez-
vous dans les fouterrains le. même ordre
de chofes que vous contemplez à fa fur-
face ; ils font remplis comme elle , de
-vaftes cavernes, de grottes immenfes, d’ef-
pèces de vallées creufées de tous côtés
fous les voûtes des montagnes. On y
trouve des abîmes fans fond, qui font
occupés par des étangs placés dans des
lieux vaftes & ténébreux. Ces horribles
demeures ont aufli leurs habitans, des-
animaux pareffeux 8c informes a caufe de
l’air épais & fombre où ils vivent. Théophrafte
affure que dans quelques endroits
pareils on pêche des poiffons de ces lacs
fouterrains Quelques auteurs anciens afin
rent même que fi cette eau fouterraine
éprouve des débordemens, elle entraîne
avec elle une multitude infinie d’animaux;
que dans la Carie, aux environs de la
ville de Lo ryme , un pareil amas d’eau
fortit tout-à-coup de deffous terre, apporta
une grande quantité de poiffons inconnus
jufqu’alors.
Réflexions fu r Ifs poiffons qui vivent dans
les fouterrains.
On trouve dans Ariftote l’hiftoire des
poiffons ïéflilles d ’Héraclée 8c de ceux de'
la même efpèce ' dans la Paphlagonie.
Théophrafte, fon difciple,. rapporte les
mêmes faits mal vus dans fon traité de
pifcibus in ficco degentibus. Il prétend
qu’on trouvoit des poiffons en vie - dans
des lieux entièremeut fecs où nulle eau
ne pouvoit pénétrer , & il en conclut'que
ces poiffons s’y engendrent d’eux-mêmes,
fans oeufs, & par la vertu particulière du.
terroir. Pline n’a fait à cet égard que
copier Théophrafte. Toutes ces autorité»
réunies ne valent pas une bonne obferva-
tion. D ’autres auteurs moins anciens que
les deux premiers, tels que Strabon,
P o lyb e , 8c fuivtout Pomponius - Mêla >
qui fur ce point paroît avoir été mieux
inftruit que le$ autres , qnt parlé des poîffons
fofliles du Rouffillon d’une manière
qui infpire plus de confiance dans leur
témoignage. Suivant Pomponius Mêla, il
y a près de la fontaine de Salfes, une plaine
couverte d’une quantité de petits rofeaux,
au - deffous de laquelle eft. un étang ou
marais qui en occupe, toute , l’étendue.
Cela paroît en ce .q ue , vers le milieu,
une partie de cette plaine eft détachée des
bords voifins & forme une efpèce d’ille
qui flotte, & qu’on peut à fon gré attirer
ou repouffer. Il paroît même par ce qu’on,
a retiré du fond en y creufant, que la mer
elle-même y pénètre, C ’eft là ce qui a
fait dire à des auteurs'grecs , 8c pême à
quelques uns des latins , foit par ignorance
, foit par le plailïr de mentir, que
les poiffons naiffoient de la terre même
dans cet endroit, parce qu’on prend fou-
vent, dans, les ouvertures qui s’y trouvent,
des poiffons qui .y font venus de la mer.
Çe récit allez bien circonftancié, acquiert
encore plus de poids par la connoiffance
de l’état préfent des lieux dont parle cet
auteur. Or cet état préfent , le voici
d’après les obfervations exaftes du célèbre
Altruc. L ’étang de Salfes & de
Leucate, ( car c’eft de cet endroit dont
Polybe & Pomponius Mêla ont voulu
parler ) eft couvert dans prefque toute fa
circonférence d’une grande quantité , de
chiendent à feuilles de rofeaux. Les racines
de ce chiendent entrelacées ou liées en-
femble par plufieurs autres herbes, fou-
tiennent deux ou trois pieds de terre, au-
deffous de laquelle l’eau de l’étang pénètre
fort avant, comme il paroît par les cre-
vaffes quis’y font fouvent.
Il y a grande apparence que du temps
de Polybe , l’étendue de l’étang étoit couverte
en entier comme les bords le font
aujourd’h ui, & que du temps de Pompo-
nius Mêla, cette étendue ne s’étoit entrouverte
que vers le milieu, dans l’endroit
où étoit cette ifle flotantte, dont il
parle. Ce foupçon eft fondé fur ce que
Feftus Avienus a dit de ces étangs dans
Géographie-Phyfique. Tome l ,
fon ora maritima ; où il obferve qu’ils
vont toujours en s’élargiffant. Il n’eft donc
pas furprenant que les poiffons aient
pu s’engager autrefois affez avant fous
cette croûte de terre fufpendue fur l’endroit
où eft aujourd’hui l’étang de Leu-
ca te ,: & qu’on ait pu en prendre en y
creufant au hafard, comme Polybe &
Strabon après lui l ’affurent. Quant à préfent
, il eft certain que les poiffons de
l’étang s’engagent dans les cavernes qui
■ font fous les bords , & qu’il arrive qu’on
en prend louvent dans les crevaffes qui
fe forment; quelquefois affez loin de l’étang
même. Rien de plus commun que
les exemples de cette efpèce , par - tout
où il y a des creux près des étangs 8c des
rivières. C ’eft airili que Gefner rapporte
; qu’on trouve des poiffons vivans dans la
terre en plufieurs endroits de la Mifnie,
en Allemagne ,. & au-delà de la rivière
d’E lb e ; ce qui eft confirmé par le témoignage
oculaire d’Agricola; & pour citer
des exemples qui regardent le Languedoc,
c’eft ainfî que Délechamp remarque qu’on
| prend fous terre des poiffons en vie, fur
les bords de la rivière de Lez , près du
village de Baillargues, qui eft à deux lieues
de Montpellier. Au relie, il n’eft prefque
aucune efpèce de poiffons d’eau douce
qu’on ne trouve dans les creux ou dans
les cavernes pleines d’eau v iv e , qui communiquent
avec quelque riviere ou quelque
lac voifin ; mais ceux qui s’engagent
fort avant dans la vafe , & qui vivent pour
ainfi dire dans la boue , pourvu qu’elle
foit humide , font d’une efpèce particu-
1 Itère, ordinairement farts écailles, & à qui il
fuffit de peu d’humidité pour vivre. Je
ne fâche pas qu’on trouve dans la vafe
des poiffons de cette efpèce en Langued
o c ; mais il eft très-ordinaire d’y trouver
des anguilles. Rondelet en rapporte quelques
obfervations affez fîngulières.
On voit préfentement ce qu’on doit
penfer des prétendus poiffons fofliles d’Hé-
«çlée & fte Paphlagonie, dont Séftèqua
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