
maux qui furent enveloppées dans cette
cataftrophe. C ’elt ainfi que fe formèrent
par dépôts fucceffifs les montagnes
tertiaires dont on a parlé & les atteriffe-
mens de la Sibérie. C ’eft ainfi qtie fe formèrent
les inégalités de la furface de la
terre , les vallées , les lits des fleuves , les
lacs & les grand golfes de la mer fepten-
trionale ; la maffe des eaux qui couvroient
alors les plaines s’écoulant du côté du pôle,
cette même mafiê d’eau dérangeant dans fa
marche les couches les plus anciennes , &
entraînant allez de matières hétérogènes
pour combler une partie des profondeurs
de la mer du Nord & produire les bas-
fonds de fes côtes.
En conlidérant les grands golfes de la
mer qui baigne l ’Afie au Midi, comme
les vefliges de l’aftion des flots de l’Océan
contre les bords du continent, l’on en
rendra une raifonbien plus plaufible , que
lî l’on vouloit attribuer quelques-unes de
oes brèches aux effets imperceptibles d’un
mouvement confiant des mers de l’Orient
en Occident. L ’on aura en même temps
l ’explication des autres irruptions de la
mer qui fuivent la direétion de notre
déluge -, partant du foyer commun que
l’on a placé dans les mers de l’Inde. Nous
pouvons indiquer ici la mer d ’Okhortsk
& de Pengina , le golfe Perfique , la mer
rouge , la Méditerranée avec l’Adriatique,
la mer Noire , la mer Cafpienne, la Baltique
avec le golfe de Bothnie & la mer
Blanche , qui font les golfes les plus
conlidérables de l’Univers , & qui ne
fàuroient être attribués à ce feul mouvement
de l’Océan , qui d’ailleurs n ’auroit
pu agir en tant de fens & fouvent contraires.
L’on voit aufli une raifon probable
des grands promontoires méridionaux
des continens , & pourquoi le
terrein de la pente de l’Afie au Midi des
hauteurs les plus élevées dans fon centre &
celui de l’Amérique à l’Orient des Andes
font infiniment moindres que celui des côtes
oppofées : les flots du déluge que nous
füppofons, ayant rongé ces continens àt
leur abord contre les terres & tranfporté le«
terres pour en augmenter les plaines au-
delà des montagnes qu’ils franchiflbient.
Et par quel miracle l’Afrique qui n’a
aucun golfe à fa côte orientale auroit - elle
été exempte de cet effet deftruéteur de
l’Océan , fi par ce mouvement prefqu’in-
fenfible il put être aufli marqué & aufli
fenfible que Buffon l’imagine'? Comment
l’Afrique n’en auroit-elle pas fouffert, ex-
pofée comme elle l’efi toute entière dans la
Zone Torride , où la force du courant
univerfel efl la plus grande? Les parages
qui femblent à cet auteur célèbre les
débris de continens envahis par la mer ,
même en Amérique, pourront être à plus
forte raifon appellés terres naiffantes &
produites par le feu qui brûle au fond de
ces mers, & qui pèut-être fe communique
par toutes les chaînes marines de la grande
mer des Indes.
Ce feroit donc là ce déluge dont prefque
tous les ancienspeuplesd’Afie ont confervé
la mémoire , & dont ils fixent à peu
d’années près l’époque au temps du déluge
de Moïfe. L ’Europe & les balles terres de
l’Afie ont depuis fouflèrt des changemens
conlidérables par d’autres inondations,
tantôt produites par de femblables éruptions
foumarines , tantôt par la fuite de l’éf-
fufion foudaine des grandes mers Médi-
terranées, comme peut-être de celle qui
conferve encore auj ourd’hui ce nom , ainfi
que du Pont-Euxin, qui laiffoient en même
temps à fec de vaftes plaines limoneufes ;
tantôt enfin à des irruptions de la mer &
à la fubmerfion des baffes terres qui en
étoient féparées par des digues naturelles.
Je pourrois ajouter à cela les petits volcans
partiaux & peu profonds , les tor-
rens & les tremblemens de terre , les atté-
riffemens caufés par les vents : mais tous
ces effets ont déjà été indiqués. On trouve
des détails plus fatisfaifans dans l’idée de
Tournefort S t de Buffon , fur l’ancien éta
de la mer N o ire , & fa communication
avec la mer Cafpienne , état qui fe trouve
de plus en plus confirme par les obfer-
vations des voyageurs.
Les phoques, quelques poiffons & coquilles
marines que la mer Cafpienne a de
communs avec la mer Noire, rendent cette
communication ancienne prefque indubitable
, & ces mêmes circonflances prouvent
aufli que le lac Aral devoit jadis
être joint à la mer Cafpienne : on trouve
dans le troifième volume des voyages de
Fallas, l’ancienne étendue de cette mer
fur tout le defert d’Aftrakan & au-delà
du Jaïk , déterminée par cette apparence
de côtes dont les hautes plaines de la
Ruflïe bordent ce défert, par l’état 8c les
productions fofliles de cette ancienne côte,
& le limon falé, mêlé de coquilles marines
calcinées , qui couvre toute la fur-
face du défert. Les plaines du Boryfihène
préfentent les mêmes apparences. Le
voyageur Chandler penfe que la mer s’éten-
doit autrefois jufqu’auxfources duMeandre
& formoit un golfe entre les montagnes de
MeffOghis & le Taurus. D’autres ont
trouvé les, traces .écentes de la mer
dans les plaines de l’A fie Mineure & de
la Perfe & fur le Danube, bien loin
des bornes actuelles de la mer Noire &
de la mer Cafpienne. Les anciennes
traditions fur l’effufion foudaine de la
mer par la Propontide que Tournefort
appuie fur un grand nombre d’ob-
fervations, femblent à tous égards plus
plaufibles que l’Opinion de ceux qui füp-
pofent que l ’anêien détroit entre la mer
Cafpienne 8c la mer Noire a été defféché
par l’accumulation du limon que les
fleuves y ont charrié.
On ne prétend pas au relie donner
cette hypothèfe, qui efl un compofé de
ce que plufieurs grands hommes ont
penfé fur cette matière, comme étant
exempte de difficultés ; mais on croit que
la variété des moyens employés par la
nature , tant dans la formation que dans
la deftruction des montagnes , & dans le
changement de la furface des terres , efl
trop évidente pour qu’on puifle rendre
raifon de tous les effets par aucune hypothèfe
où l’on ne s’attacheroit qu’à un
feul ou à un petit nombre de moyens.
En admettant au contraire tous ceux
dont nous voyons fur notre globe le*
traces indubitables, 8c toutes les cataflro-
phes d ont. l’iiiftoire des hommes 8c le
grand code de la nature nous ont confervé
des monumens , on doit s’approcher
davantage de toutes les folutions
probables , le feul peint de perfeélion
qu’on doive délirer dans les hypothèfes
où l’on ne. peùt jamais exiger les dé-
monfirations.
Il femble fur-tout qu’aucune caufe plu*
naturelle que celle qu’on vient d’admettre
& d’expofer , ne pourroit être imaginée
pour rendre raifon du déluge
univerfel & des autres inonda tions moin*
générales, conftatées par les traditions de*
peuples. Mais cette fuppofition ne peut
pas flatter la tranquillité des nations qui
habitent les plaines g fertiles , puifque les
petits effets de volcans foumarins dan#
certains parages dont les fîècles hiflorique*
confervent tant d’exemples , & dont le
nôtre a vu les trilles fuites, ne fàuroient
que faire craindre quelque jour des ca-
taftrophes plus terribles & .p lu s fatales
encore à des hémilphères entiers. Heureux
alors les habitans des montagnes
que le fort femble avoir relégués entre
les rochers des Alpes ; ils feront la
nouvelle pépinière du genre humain,
& s’étendront dans les plaines balayées
par les flots après la retraite de la mer.
V .
Cenfidération fu r la formation des f ille s .
Il eft difficile de croire qu’aucune
forte de fable ait jamais été produite par