
S. IV .
Tiïultiplication & Divifion abrégées par les bâtons
arithmétiques de Neper.
Quand on a de grands nombres à multiplier les
uns par les autres, il eft aifé de voir que Ton
opéreroit avec beaucoup de rapidité, fi Ton avoit
préliminairement une efpèce de tarif du nombre
a multiplier , doublé , triplé, quadruplé, & ainfi
jufqu'au noncuple inclufivement. O r , il eft bien
aifé de fe procurer ce tarif par la fimple addition,
puifqu’ il n*y a qu'à ajouter le nombre à multiplier
a lui-même , & on aura le double ; puis l'ajouter
.jde nouveau à ce double , & l'on aura^ le .triple,
& ainfi de fuite. Mais , à moins .que ce nombre
à multiplier ne revint bien fréquemment, ce fe-
.xoit.fe procurer un abrégé de calcul par une opération
beaucoup plus longue que celle qu'on adroit
cherché à abréger.
Le fameux Neper, dont toutes les recherches
paroiffent avoir eu pour objet d'abréger les opérations
de l'arithmétique & de la trigonométrie.,
.ce qui nous a valu ringemeufe 8c à jamais mémorable
invention des logarithmes, a imaginé
un moyen de fe former au befoin ce tarif dans
le moment, parle moyen de certaines baguettes-
qu’il a décrites dans fon ouvragé intitulé RJiab-
dologia„ imprimé à Edimbourg en 1617. En voici
la conftru&ion.
On préparera plufieurs bandes’de carton, ou
de cuivre, qui aient en longueur .environ 9 fois
leur largeur, '& que l’on divifera en 9 quarrés
égaux ( Planche I 3.fig. I . Amufemehs cL‘arithmétique.').
On in fer ira en tê te , c’ eft-à-dire , dans Je
premier quarré de chacune , un des nombres de la
fuite naturelle 7 , 2 , 3 , 4 j .& c* jufqu'à 9 inclufi-
Tement. I î faudra divifer enfuite chacun des quar-
xës inférieurs en deux, par une diagonale .tirée
de l ’angle fupérieiir a droite , à l'angle inférieur
a gauche ; après quoi, l’on inferira dans chacune
de ces cafés par ordre en defcehdant, le double ,
je triple, le quadruple du nombre porté en tête ,
avec cette attention que , quand ce multiple ne
fera que d'un chiffre, il faudra le placer dans le
triangle inférieur ; & , quand il fera compofé de
deux, on placera celui des unités dans le triangle
inférieur , & celui des dixaines dans le fupérieur,
ainfi qu'on voit dans la figure première. Il faudra
avoir une de ces bandes dont les cafés ne foient
point divifees, & dans lefquelles feront inferits
îîmplement les nombres naturels depuis 1 jufqu'à
.9. Il fera aufli à propos d'avoir plufieurs de ce,s
bandes pour dhaque chiffre.
Cette préparation faite fu pp o fons qu'on ait à
multiplierlë nombre 6785399 3 on arrangera lune
à côté de l ’autre fes 7 bandes portant en tê te le
nombres 6 , 7 3 8 , 8c £ ., 8c à côté d'elles en pre*
mier rang celles qui portent les chiffres fimples,
comme on voit dans la figure fécondé ; au moyen
de quoi l’on aura le tarif de tous les multiples
du nombre, à multiplier ; & il ne reftera prefque
que la peine de les transcrire. Par exemple , on
aura celui de 6 , en écrivant d’abord à gauche le
chiffre 4 qui eft celui des unités, & ajoutant en-
fuite les chiffres 5 & 4 , placés -, le premier dans
le triangle fupérieur de la café 5 4 , & le fécond
dans l'inférieur de la café à c ô té , en reculant vers
la gauche , 6c ainfi fucceffivement, fuivantles règles
ordinaires de l'addition. Ce multiple fe trouvera
donc 40712394.
Le refte de l'opération fera le même que dans
la multiplication ordinaire. Le
multiplicateur & le; nombre' à
multiplier -étant écrits l'un fous
l'autre, comme on a coutume de
faire ; comme le premier chiffre
du multiplicateur eft 8, on prendra
le nombre qui eft dans le
rang h&ifontal a côté-de 8
678*590
»5993B
542^192
205*6797
. 61968591
61068591
io ÿ G je f j
*4183192
qu'on trouve , par la (impie ad- 1 I
oition , être *4283292 ;^ & on *7 ° 9y 4 4 *?*<?*
l'écrira. On prendra enfuite celui qui, eft à côté
de 3 , & on l'écrira en rétrogradant d’une place >
& ainfi des autres. On ajoutera enfuite tous ces
produits partiaux comme à. l'ordinaire , & l’on
aura le prodùit total qu'on Voit ci-contre.
On peut employer oe même artifice pour abréger
r la divifion , .fûr-.tout . lorsqu'on a de grands
nombres à divifer fréquemment par un même
divifeur. Qu'on a i t , par exemple, le nombre
1492992 à divifer par 432 , & que , dans une
fuite .d’opérati-ôns', ce même divifeur doive fe
préfenter fouvent, on commencera à fe former>
par le moyen décrit plus haut, le tarif des
multiples de 432 5 ce qui n’exigera prefque qu'une
fimple tranfçription , comme on voit ci-defîous :à
gauche.
12
3
4§6
78
9
. 432
. 864
. 1296
. 1728
2 p6 q
. 2592
i 3°24
fi 34*6
. .3888
1491991 i 345*
I296
2419
2160
2592
* 59*
OÖGO
Cela fait , on verra d'abord que , puifqùe 432
n'eft point compris d’ans le? trois premiers chiffres
du dividende, ce doit être un multiple de
ce nombre quifera compris-dans les quatre pre-
smièrs, fçav'oTr'j 1492. rour le trouver j il' jpfc
ra de letter les yeux fur la table , 8c f ou verra
oue le multiple de 45* le plus prochainement
moindre, eft 1296 : on écrira donc 3 au quotient
& 1196 fous 14925 on fera la fouitrac-
tion 3 & H reftera 196 : on abaiffera le chiffre
fuivant du dividende, ce qui donnera 1969. L'inf-
peélion feule de la table fera encore connojtre
que 1728 eft le plus grand multiple de 432 qui
foit contenu dans 1969. Ainfi l'o.n écrira 4 au
quotient, 8c l'on fera la fouftraaion comme c i-
deffus. On continuera ainfi l'opération, & l'on
trouvera pour les chiffres fuivants du quotient,
5 & 6 i 8c comme le dernier multiple ne laifle
aucun refte, la divifion fera exa&e & parfaite.
On ne s’eft.pas borné à tâcher de nmpiifier
les opérations de l'arithmétique par ces voies 5
en a tenté quelque éhofe de plus, & de réduire
à une pure méchanique toutes le s opérations
de l'arithmétique. Le célèbre Pafcal a le
premier imaginé une machine de cette efpèce,
dont on voit la defeription dans le recueil des
machines préfentees a 1 academie, T . IV. Le
chevalier Morland , fans favoir probablement ce
que Pafcal avoit fait à cet égard , publia en 167?
fe$ deux machines arithmétiques, l’une pour l ’addition
& la fouftraftion, & l’autre pour la multiplication
, fans néanmoins dévoiler la conftruc-
tion intérieure. Le célèbre Leibnitz s'occupa du
même objet vers lie même tems , & enfuite le
marquis Poleni. On voit la defeription de leurs
machines arithmétiques dans le Theatrum ajithm,
de M. Leupold, imprimé en 17 2 7, avec celle
de M. Leupold lui-même , , 8c dans les Mifcell.
Berol. de 1709. On a auffi Y Abaque rabdologique
de M. Perrault, dans le recueil de fes machines ,
donné en 1700.'Il fert pour l ’addition, la fouf-
tra&ion 8c la multiplication. Le recueil des machinés
préfentées à l’académie royale des fciences
offre encore une machine arithmétique de M.
Lefpkie, & trois de M. de Boiftiffandeâu. Enfin
M. Gêrften, proféfleur de mathématiques de
Gieffen, a donné en 17^5 , à la fociété royale
de Londres, la defeription ’ très-détaillée de fa
machine propre. Nous nous bornerons ici à ces
indications. Cependant nous croyons faire plaifir
aux curieux d’indiquer, dans le paragraphe qui
fu it , une arithmétique ingénieufe , inventée par
M. Saunderfon, célèbre mathématicien, aveugle
dès fon enfance.
§. V .
Arithmétique palpable y ou manière depratiquer Varithmétique
a Vufage des aveugles, ou dans Vobfcurité.
Ceci paroitra fans douze au premier abord un
f>aradoxe, mais ce n’en eft pas moins une réa-
ité j & cette arithmétique étoit pratiquée par
le fameux doéteur Saunderfon , devenu aveqgle
à l’âge d’un an 5 ce qui ne l’empêcha pas de faire
.des progrès profonds dans les mathématiques ,
8c de remplir avec l’admiration de tout le monde
une chairë dans l'univerfité1 de Cambridge.
Soit un quarré 'A B C D , (fig. 1 1 pl- Amur
femens d'Arithmétique), divifé en quat^é autres
"quarrés par deux lignes parallèles aux côtes, lesquelles
s'entrecoupent âu centre. Çes deux lignes
donnent encore, avec les côtés du quarré,
quatîe 'inte'rfeêtions 5 ce qui, joint aux quatre angles
du quarré primitif, donne neuf points. Que
chacun ae ces points préfente un trou dans lequel
on puiftë ficher ou une épingle , ou une
cheville : il eft évident qu'on aura neuf plaçe>
diftindes pour les neuf chiffres fimples & figni-
ficatifs de notre arithmétique, 8c il ify aura qu'il
convenir d'un ordre dans lequel on comptera çes
points ou places de l'épingle ou cheville -mobile.
Ainfi«, pour marquer î *. P!1 la placera au
centre ( Ibid. fig. 1 ) j pour fignifier 2, onia mettra
immédiatement au-dejffus du centre en montant 5
à l'angle fupérieur à drpite, pont fignifier 3 ;
& ainfi de fu ite , comme le marquent les nombres
appofés à chacun de Ce-S points.
Mais il y .a un caractère qui joue qn très-grand
rôle dans notre arithmétique, favoir , le , zéro.
Il y auroit un parti fort fimple à prendre, ce^-
lui de laiffer toutes les places vuides , 8c le zéro
feroit lignifié par-lâ 5 toutefois Saunderfon pré-
fé roit de placer dans fa café du milieu un épingle
à groue tête : il i'y laiftoit même , à moin^
' qu’ayant l’unité à exprimer, il n.e: fût obligé? dp
la remplacer par une épinglé à petite têtç. Il en
réfultoit pour lui l’a-vântage dë mieux guider Ces
mains , 8c de reconnoître plus facilement , par
la pofition des épingles à petite t.ête à l'égard
de la groffe épingle centrale , ce que ççs premières
fignifioient. On doit s’y tenir, ç.ar Saun.-
derfon avoit sûrement chojfi le moyen le plus
fignificatif à fes doigts. ( Voye^ fig. 2 , ibidf ) .
Nous venons de voir comment on peut ex-r
primer un nombre fimple 5 rien de fi facile. Il
ne l'eft pas moins d’exprimer un nombre eom-
pofé 5 ca_r , fuppoÇojns plufieurs quarrés tels que
le précédent, rangés, fur une même ligne, 8ç
féparés par un petit intervalle, pour p,o u v o i-r le^
diftinguer facilement pat le taét : il ne faut qu'êtrp
au fait de l’arithmétique vulgaire , pour voir que
le premier quarré à droite fe.ryira à exprimer les
unités; le fuivant, en reculant vers la gauche^
fèrvira aux dixaines ; le troifième aux centaines,
& c . Ainfi , dans la fig. 1 3p l. i 3 les cinq quarrés
garnis comme l'on voit j repréfenterpnt le nom-
cre 54023.
Ayez enfin une tablette divifée en plufieurs
banaes horizontales, dont chacune portera fept
ou huit quarrés femblables, fuivant le befoin ;