
aigre & difcordante , mais en même - temps il
allongeoit le bras comme pour trinquer' avec Tes
convives,en tenant fon verre d’une manière allez
remarquable, puifqu’ il femblôit l’avoir collé lous
fa main , ouverte comme dans la fig. 6 , pl. 6 , de
Magie blanche 3 tome V III des gravures.
Cependant il pofoît de temps en temps ce verre
fur la table, en continuant de chanter, 8c le repre-
noit de la même manière, après avoir montré qu’il
n’avpit dans fa main aucune matière vifqueufe.
Dans ce moment, un des chanteurs, frappé de
cette expérience , ceffa de fredonner pour
dire qu’elle étoit fondée fur l’attradfcion Newtonienne,
& qu’elle démontroit allez clairement le
fyftêmè du philofophe anglois. Il eft également
clair, dit-il, en parlant à M. Hill, que vous faites
l’expérience de Magdebourg, dans laquelle' deux
hémifphères concaves, réunis'pour iormer une
boule dont on a pompé l’ air , deviennent infé-
parables jufqu’ à un certain point, par la preffion
de l’air extérieur, 8cc. ( Otto de Guerike, Bourg-
meftre de Magdebourg, eft le premier qui ait
fait conftruire de ces hémifphères, d’où leur eft
venu le nom qu’ ils portent. ) :
D ’autres convives ceffant de chanter, continuèrent
de crier pour foutenir la même: opinion ;
& dès-lors ces mêmes hommes, qui n’avoiênt pu
s’accorder en mufique , déraifonnèrent à l’uniffon.
Cependant une perfonne de la-compagnie fit remarquer
que cette prétendue expérience'merveil-
leufe , qu’ on vouloit expliquer par l’attraélion ,
confiftoit tout Amplement à pincer adroitement le
bord du verre , 8c à* le tenir bien ferré entre le
pouce 8c la naiffance de l’index, {fig. 7 , ibid. )
Tours des couteaux.
M. Hill voulant amufer un inftant la compagnie ,
ne foufcrivit pas d’abord à cette explication 5 il
d i t , en riant, que cette expérience fe faifoit par
la roideur des nerfs'. La preuve que j’en donne,
âjouta-t i l , c’eft qu’en ferrant bien fort mon bras
croit avec ma main gauche.-, je peux tenir un
couteau fous ma droite (ans le pincer en Aucune
manière >alors il tint & préfenta un couteau comme
dans la fig. 8, ibid. Enfuite tournant fa main fens-
<leffus-deffous , il fit voir , à différentes reprifes ,
que le couteau n étoit foutenu. par rien. (fig. 9 ,
ibid. )
' Pour expliquer ce fa it, on revint alors à l'attraction
8c à l’expérience de Magdebourg; mais une
jeune fille, que M. Hill avoit regardée jufqu’ alors
comme un enfant fans conféqiience, & dont la
énétration ne paroiffoit point à craindre , fe
aiffa , dans l’inftant même de l’ expérience, 8c vit
que M. Hill allongeoit l’ index de la main gauche
fur le couteau , pour le foutenir, & qu’ il le réti-
roit adroitement, dans l ’inftant où il toumoit le
dedans de la main vers le c ie l , pour faire voir
qu'àuparavant le couteau n’étoit foutenu par rien*
(fig. 10, ibid. ^
Nota. Que pour rendre cette expérience digne
d’attention , il faut tourner rapidement le dedans
de la main, tantôt vers la terre, tantôt vers le ciel,
comme dn^s les fig. 8 6* 9; mais, crainte de 1 ailler
tomber le couteau par terre, ou de lè jetter maladroitement
au vifàge de quelqu’un, il faut, en
prenant la première de çes deux pofitions, le foutenir
avec le pouce de la main droite , jufqu’à ce
que l’index de la main gauche vienne au fecours;
de même, quand on paffe de la première pofition
à la fécondé , il faut, avant d oter l’index de la
main gauche, mettre un.feul inftant à la place,
le pouce de la main droite. Toute cette manipulation
fuppofe une petite adreffe q u i , n étant
point foupçonnéedu IpeCtateur, l’empêche decon-
noître la vérité ; tandis que les apparens efforts, que
l’on fait pour ferrer le bras, femblent démontrer
qùe la roideur des nerfs fert à quelque chofe dans
cette opération.
La petite rufe de M. Hill fut bientôt dévoilée,
& auffî-tpt tout le monde avoua d’un commun
accord que l’attra&ion 8c la preffion de l’air ne
jouoit aucun rôle dans cette expérience » cependant
M. Hill fputint que fon index n’avoit aucune
part à T opération ; 8c, pour prouver qu’elle étoit
entièrement fo idée fur la roideur des nerfs, il la
répéta, en ferrant fon bras vers le coude,comme
dans la fig. 1 1 , ibid.
Ç)n v.oyoit ici que l’index de la main gauche
nefervoit à autre chofe qu’à ferrer le bras droit,
: 8c que ce doigt étoit d’ ailleurs trop éloigné du
I couteau , pour lui fervir de ifoutieh; c’ eft pour-
' quoi l’ indifférence des fpedateurs fe changea tout-
' à-coup en admiration, 8c la jeunedemoifelle,
qui n avoit pu retenir fon flux de bouche dans le
tour précédent, fe trouva dans ce moment réduite
au filenbe. Heureufement pour M, Hill,
: elle ne favoit pas qu’ il avoit gliffé dans fa manche
un fécond couteau pour foutenir le premier, ƒ#.
i 11 . ibi d. : .
C e dernier tour plut beaucoup à la compagnie,
parce qu’ il fut fait avec la plus grande adrelfe
| par un homme qui favoit faifir l’à-propos ; ce-
i pendant ilt étoit trop fimple pour échapper à l’at-
: tention des fpe dateurs éclairés; e’eft pourquoi
M. Hill chercha à les diftraire ,• en difant qu’il
alloit manger une douzaine de couteaux pour ion
| deffert. <* Ne croyez pas , dit-il, que je cherche a
vous faire illufion : j’ai un eftomat d’autruche, &
vous verrez bientôt que je digère le fer & l’actfr.
i cç Ayant eu autrefois'le malheur de faire naufrage
dans un voyage aux ifles Philippines, je fus
; jeté par les.; Va.gtre's.dkns une île défêrtè , ou )®
me trouvai réduit à brouter de l’herbe & à boire
de l’eau de la mer > cette boiffon donna à toutes
mes humeurs, 8c fur-tout à ma falîve Sc à mon,
fuc pancréatique , la propriété d’un véritable dif-
folvant : j’ai vécu quinze jours fans manger autre
chofe que des cailloux ,’ 8c c’ eft pour cela
que l’academie des fciences, après un mûr examen
, m’a donné le nom de Lithophage, ou mangeur
de pierres ??. M. Hill prononçoitces paroles
5’un air grave, comme s’il eût dit des vérités in-
conteftables , 8c en même tems il tenoit dans fes
mains un couteau qu’ il portoit à fa bouche comme
pour l’avaler : cependant il le retiroit un inftant
après , en attendant, pour l’avaler, qu’il eût fini
fon difcours : enfin il ceffa de parler , 8c aufli-
tôt il reporta le couteau à fa bouche , 8c lui donna
pluheurs coups de poing pour l’enfoncer comme
un clou ; dans ce moment le couteau difparoît,
M. Hill fouffre desjiouleurs affreufes., fes yeux fe •
b ignentjde lrrmes, fon teint p â lit, fa gorge s’enfle,
8c il fait entendre une voix rauque qui ref-
femble au râle d’ un agonifant. La jeune demoiselle,
qui avoit indifcrettement révélé un des fe-
crets deM. Hill, crut que le couteau l’empêchoit
de refpirer , 8c lui préfenta un verre d’eau , en
lui difant : buveç , monfieur le couteau ni appartient ;
mais je le perdrai fans regret , s*il ne vous étouffe
point. M. Hill qui jufqu’alors avoit joué fon rôle
en vrai comédien , fut ü frappé de cette naïveté
à laquelle il ne s’attendoit point, qu’ il ne put
continuer jufqu-’à'la fin ; c’ eft pourquoi il tirade
fa poche le couteau qu’on croyoit dans fon gôfier,
& partit d’un éclat de rire , qui fe communiqua
à toute la compagnie, excepte à la jeune caufeufe
qui venoit de montrer un peu plus de crédulité
que de pénétration.
M. Hill avoit profité de l’ inftant où il tenoit fes
mains appuyées fiir le bord de la table, fig. 13 ,
pl. 6 , ibid3 pour laiffer tomber le couteau fur fes
gènoux , couverts d’une ferviette-, 8c les fpec-
tateurs ne s’étoient point apperçus de cet escamotage
; i° . parce que la plupart c ro y o it, d’après
le difcours qu’il venoit de prononcer , qu’il pou-
voitle manger 8c le digérer; i° . parce qu’ ils étoient
confirmés dans cette idée par les contorfions. 8c
les grimaces dont on étoit témoin , 8c qu’on at-
tribuoit aux fouffrances de M. Hill , caufées par
h groffeur du couteau arrêté au gofier ; 30: parce
que les plus incrédules , quoique perfuadés que
le couteau feroit efcamoté , ne furent pas faifir
1 inftant où fe fit cé tour de paffe-paffe , tant ils
furent diftraits par les circonftances.
Pour faire ce tour , il eft un moyen plus fiibtil
8c plus impofant, .e’ eft d’avoir deux morceaux de
bois représentant les deux extrémités d’uri couteau
fermé , 8c attachés enfemble par un fil d’ar-
chal, tourné en fpirale 3 fig. 14 3 ibid..
On laiffe tomber fur fes genoux un vrai couteau
qu on a fait femblant de vouloir manger, 8c on
prend à fa place ces deux morceaux de bois , qui
repréfentent un couteau entier, quand on les tient
dans les deux mains, comme dans la fig. 13. Le
faifeur de tours en les portant à fa bouche , les
rapproche l ’un de l ’autre , 8c par ce moyen il les
cache facilement dans fa main droite. Alors il
tient cette main fermée , fous prétexte d’enfoncer
le couteau dans le gofier, en donnant des
coups de poing fur la main gauche, qui eft appliquée
fur les levres, ( pour cacher l’abfence du
couteau dans la bouche ). Le fpe&ateur, qui a
pris c,es deux morceaux de bois pour un vrai couteau
, ne peut guère s’imaginer qu’on cache le
tout dans une feule main, 8c fe trouve naturellement
obligé de croire que ce corps eft entré dans
la bouche du faifeur de tours ; les contorfions 8c
les grimaces achèvent l’ illufion.
U homme fauvage , mangeur de pierres.
Je crois devoir dire un mot ici d’un fauvage ,
mangeur de pierres , que j’ai vu , il y a fept ans ,
à la foirejde Caen, en Baffe-Normandie. On voyoit
à la porte de fa lo ge, un tableau qui repréfentoit
fy figure hideufe , avec une infcription qui invi-
toit les curieux à le. voir pour deux fols , j’entrai
av,ec un de mes amis , 8c je trouvai une efpèce
d’orang-outang accroupi fur un tabouret, où il
tenoit fes jambes croifees comme un garçon tail-
-leur à l’ouvrage, • La couleur noirâtre de fa peau
annonçoit qu’il étoit né dans un climat brûlant 8c
lointain , 8c fon conducteur difoit l’avoir trouvé
aux ilÉtes Môluques. Cependant il paroiffoit infen-
fible à la fraîcheur de la zone tempérée, puifque
fon corps étoit toujours nu depuis la tête jufqu’auK
hanches , où il avoit une chaîne qui lui fer voit de
ceinture. Cette chaîne, longue de 7 à huit pieds,
étoit attachée à un pilier , ,8c lui permettoit de
rôder tout autour, fans s’approcher des fpedta-
teurs, dont il étoit d’ailleurs féparé par une barrière
; fes geftes étoient ménaçans, 8c fes regards
effroyables ; fa mâchoire inferieure ne ceffoit de
tremblotter que lorfqu’ il pouffoit des cris aigus 8c
perçans, qu’on difoit être les fymptômes d’une
faim canine. Quoiqu’ il mangeât quelquefois des
pierres , çette nourriture n’ étoit guère de fou
goût ; il préféroit ordinairement de la viande crue
8c fur-tout des coeuiÿde boeufs, q u i, feuls , à ce
qu’on prétendoit, pouvoient entretenir dans fes
entrailles cette chaleur naturelle à laquelle il étoic
habitué dans fon pays natal, 8c que la température
de notre climat ne pouvoit guère lui donner. Dès
qu’on lui jetoit un morceau ,i l tâchoit de le happer
à la volée , comme un chien affamé ; il ne s’en
étoit pas plutôt emparé, qu’ il menaçoit de donner
des coups de griffes à quiconque voudroit le reprendre;
cependant il s’enfuyoit auffi-tôt derrière
fon pilier, pour être moins expofé au rifque de
perdre fa proie ; un inftant après il revenoit avec
fes mâchoires enfanglantées, 8c ne finiffoit de
manger fon morceau, qu’en recommençant les