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Là-deffus, on bourfilla pour parier'contre, lui
la Comme de cent louis a or. Les deux femmes
fournirent vingt louis , M. Boniface en donna,
auffi vingt , fur lelquels il en avoit cinq de ;
bénéfice , & le coufin en compta dix , en dé-
pofant pour faire la Comme to ta le , une lettre-
de-change de douze cents livres qu*on regarda
comme de l’argent comptant. Cette affaire, à
ce que diCoit M. Bonirace, étoit une fociété
e$ commendite , dans laquelle chaque affocié devait
retirer des profits en proportion de fa mife ;
mais fon entreprife n’eut pas le fuccès qu’ il atten-
d o i t , car quand le coufin eut arrangé les triangles
le Savoyard lui prouva qu’ il n’avoit fait
autre chofe qu’ un parallélogramme oblong, au
lieu de faire un carré parfait comme on en étoit
convenu. Il fit voir qu’on pouvoir faire ce carré
en arrangeant les triangles de cette manière :
Nota. Pour pouvoir Ce rappeller cet arrange*-
ment, on doit confidérer cette figure comme
compofée d’un carré qui eft dans le milieu, &
de quatre grands triangles , ’tels que B C D ,
formés d’un triangle & d’un trapèze. On peut
©bferver aufli, que ce triangle & ce trapèze placés
différemment, peuvent former un petit carré ,.
Çc que par conféquent on peut faire confifter ce
problème à faire un grand carré avec y petits, & c .
Enfuite il empocha l’argent avec froideur &
indifférence j comme fi la Comme qu’il venoit dé
gagner n’eût été pour lui qu’une bagatelle. M,
Boniface^ beugloit de déCefpoir , & Je coufin,
pour le çopfoler, lui dit : vous êtes bien heureux
de ne perdre que quinze louis , tandis que j’en
perds moi-même, cinquante cinq.
. Coquin, lui dis-je, tu fais bien qu’on té rendra
çe que tu as perdu, & que tu dois partager avec
ton complice la dépouille dé ce malheureux ; fans
cela, au lieu de confoler les autres, tu aurois
toi-même befoin.de confolatjon ; mais nous allons
(avoir fi tu as gagné de franc jeu. Là-deffus, je
crie au voieur, les gens de l’auberge arrivent en
foule, & je demande qu’on faffe venir les cavaliers
de maréchauffée pour vifiter nos pafîe-ports,
& Cavoir quel rôle chacun de nous joue dans ce
mondey pn Caura ; m’éçriai-je, fi la lettre-dçë
s e
change dépofée au jeu , valoit autant que de
l’argent comptant, ou fi l’on doit la regaider
^omme de la fauffe monnoie j nous avons eu le
^malheur, continuai-je, de nous trouver encanaillés
à Auxerre, & parce qu’on s*eft apperçu que nous
avions plus d’argent que d’ expérience , on nous,
a fait Cuivre par deux friponnes , qui nous ont
conduit dans ce coupe-gorge, & le tour qu’on
vient de nous jouer eft un de ceux qu’on ne vou-
- lut pas expliquer en notre préfence, parce qu’on,
fe réfervoit d’en fairé ufage contre nous-mêmes.
Mefdames, dis-je aux deux côufines, nous fau-
rons fi vous allez recueillir une fucceffion à Saint-
Germain-en-Laye ; nous verrons fi vous ri êtes pas,
de la bande avec laquelle nous avons Coupe à
Auxerre, & fi comme vous l’avez affuré, c’efi par
un pur hafard que vous yous trouviez en fi mau-
vaife compagnie.
Tout ce que je dis en cette occafion, fut d’autant
mieux accueilli par les gens de l’auberge,
qu’ils furent que je ne parfois pas pour moi-même,
parce que je 11’avois rien perdu : cependant, les
deux côufines trembloient de peur , & lé Savoyard,
qui jufqu’ alors avoit fait le comédien &
jou éle rôle de niais, me dit en bon françois; je
vois bien, Monfieur, que je n’ai pas l’honneur
d’ être connu de vous ; je rends à votre ami, l’argent
qu’il regrette, 3cné nous fâchons pas. Aufli-
tôt il prit fa canne & fon chapeau, & s’efquiva
parmi les huées. Le foi-difant coufin & les prétendues
côufines, le fuivirent de près pour aller’
ailleurs cherchèr des dupes moins-revêches, après1
uo i, l’aubergifte chèz qui nous avions dépenfé!
ix-huit livres, voulut me rendre dix 'écus fur
les deux louis que j’avois dépofé entre Ces mains,
quand on m’ avoit laiffé gagner pour mieux m’attraper
; mais je le priai de diftribuer ce rèfte aux'
Pauvres, ou de le garder pour des voyageurs dans
a détreffe.
Autres tours d'efcamoteur,
Pilferer, Bohémien, grand efcamoteur, fit coudre
& cacheter fur'Ces jambes deux morceaux <fe
drap portant chacun un anneau de fe r , où il fit;
palier une chaîne, comme la repréfente la fig, J >
pl. I , de magie blanche 3 tome V lI I des gravures.
Les bouts de la chaîne alloient aboutir à un ca*'
denas qui tenoit à une colonne ; après quoi, fans
toucher le cadenas, & fans caffer la chaîne il fe
détacha en un inftant, & profitant aufli-tpt de la
furprife où nous étions , il nous régala 4e
anecdote.
Quand j’étois prifonnier de guerre à Calcutta j
nous dit-il d’ un air de naïveté qui en impofa au
grand nombre, on ra’avoit enchaîné au fond d’un
cachot, parce qu’on craignqit une évafiori de ma
part, tant on etoit convaincu de mon adrefTe.a
fubtilifer Jes guichetiers j mais le geôlier, qui>
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dans ce moment, fe croyoit plus fin que moi, fut
bien attrapé ; car il ne m’eut pas plutôt perdu de
vue, que je me trouvai absolument libre des fers
dont il m’avoit chargé.. . . .
Sans doute, lui dit M. Hill, en l’interrompant,
qu’on vous avoit attaché de la même manière que
yous l’étiez ic i , il n’y a qu’un inftant, car fi on
vous avoit enchaîné comme un forçat, vous auriez
ep bien de la peine à vous détacher fans
employer une lime ou de l’eau forte.
Alors M. Hill nous fit voir que pour fe détacher
dans le cas propofé, il n’y avoit qu’à prendre
le chaînon A , ( même fig. 3 , -de Ladite pl. 1. ) le
faire paffer dans l’anneau B , le porter enfuite fur
la tête C & fous les pieds D , ( fig. 4.) & qu’après
cette petite manipulation, il n’y avoit qu’ à tirer
un peu fort pour que la chaîne fe dégageât d’elle-
même des anneaux attachés aux jambes (1).
Mais ce moyen de fe délivrer des fers,'continua
M. H ill, ne peut fervir que quand on eft
enchaîné d’une certaine façon j & heureufement,
pour la tranquillité publique, ce n’eft point de
cette manière qu’on enchaîne les furieux & lès
forçats. .
De quelque manière qu’on les enchaîne, répondit
Pilferer , ils obtiendroient bientôt leur liberté
s’ils pofledoient mon fecret. Alors il s’ attacha
lui-même c omme on attache les galériens. (Voye?
la fig. 1 , pl: 1 de la magie blanche „ tome V I I I des
gravures.)Des négoçians françois & anglois furent
priés de s’ approcher pour vifiter la chaîne, & ils
convinrent tous qu’on rie pouvoit pas mieux enchanter
les'fous de Bicêtre & de Bedlam > cependant,
après s’êtrë couvert d’ un manteau pendant
une demi-minute pour cacher fon opération,
comme dans l’expérience précédente, l’efcamo-
teur parut entièrement dégagé comme la première
fois;’ profitant alors de l’enthoufiafme de la compagnie
pour1 réfuter M. H ill, il lui adreffa ces
mots:
Vous voyez , Monfieur, que je me dégage toujours
avec la même facilité, de quelque maniè/e
que je fois attaché ; & que vous induifez l’aflem-
*>lee en erreur , puifque le moyen que vous indiquez
, rieft point celui dont je me fers.
Cependant voici comme M. Hill. expliqua ice
tour.
l ll Cependant il eft bon de foutenir & même de
pouffer .un ^eu ^ 11 Pour éviter les frottemens.
our bien comprendre cécte explication, il ne fuffi-
01c Pas de lire-couramment le difcoiirsi- & uc-jetcr-
un coup-d oeil, rapide. fur la figure,; il faut lire pofé
ent, & pratiquer enfuite pas à pas ce. qui eft anno cé.
aiis ce cas-ci, il Tuffit de s’exercer à d’étacher des
friachés comme dans la figure 1 pl, x de la
Magie blanche.
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L arganeati attache aux jambes & coufu fur un
morceau de drap, étoit formé d’ une pièce de fer
reployée fur elle-même, de manière que fes deux
extrémités fe touchant immédiatement, & s’ap^
fuyant même l’une fur l’autre, ne préfentoient
A/r R aucune. ouverture j cet arganeau, ajouta
M. H ill, ne diffère-que par la grandeur de ces
petits anneaux d acier qu on voit quelquefois au
bout des chaînes de montre pour y fufpendre des
breloques; un léger effort fuffit pour en écarter
les extrémités 3 quand on veut en dégager un
Çaehet ou une caffolette , & b ien tô t après fon
élafticité naturelle .lui fait reprendre fa première
forme ; c’eft'par ce fécond moyen que fe faifeur
de tours a pu fe déchaîner fans employer le pro-
c e ÿ dont il s’eft fervi la première fois. On ne
s eft pas apperçu, de cette tricherie, continua
M. H ill, quand on a vifité la chaîne, i r . parce
qu’on ne la foupçonnait pas , & qu’on ne pouvoit
chercher un. moyen dont on n’avoit pas l’idée
dans eëb ipftant j i ° . parce qu’il y a des anneaux
u bien f a i t s q u il faudroit un microfcope pour
-appercevoir la petite fente que laiffent entr elles
les deux extrémités rapprochés.
Secrets pour tirer eu apparence des écus d’une tourfe
Jans L’ouvrir.
L ’efçamoteur fit voir une bomfe dans laquelle
étoient des écus de 6 livres , qu’il faifoit lonner
en la tfeçouant-ll propofa d’en tirer ces écus fans
ouvrir la bourfe;’
Ilia fit alors^ manier par différentes perfonnes,
& 1 on vit qu’elle étoit ’formée de douze morceaux
de drap , fi bien coufus par-tout , qu’on
n’appefcevoit aucune ouverture; cependant, un
inftant après ; en la tenant dans fes mains, qu’il
couvrait d'un chapeau, il ôta les écus, & fit ob-,
ferver que la bourfe étoit auffi bien fermée qu’au-
paravant. M. Hill en examina les coutures, &
n y vit aucune efpèce de fupercherie ; une per-
fonne de la compagnie nous dit qu'il n’y avoir,
dans ce tour„ qu’un'peu d’efcamotage ; que Pil-
fèrer avoit mis fubtilement dans la poche la première
bourfe où étoient les écus pour y fubftituer
une bourfé vuide parfaitement femblable, & que
tous les fpeéhteurs prenant celle-ci pour la première
, on s’imaginoit naturellement que les écus
en étoient fortis, quoiqu’ils fuffent toujours dans
la même ; au refte,'ajouta la même perfonne ea
parlant à Pilferer, pour achever de le cdrivainc
re , la première bourfe & lês écus font aéhiel-
lement dans la poche droite de votre habit ; car
c’eft- là que^ vous avez porté rapidement là
main fous prétexte de prendre de la poudre d«
lympathie.
La meilleure manière- de réfuter cette objection,
étoit pour le Bohémien de faire voir qu’ il
n’avoit aucune bourfe dans la poche droite de fer}