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étoit bon', puifqu’un paquet contenoit7 cartes
& l ’autre tout uniment des fept.
C e tour ne doit pas fe recommencer deux fois!
devant les mêmes perfonnès , parce qu’ il devien-
droit faftidieux.
Mais en général , toutes les fois que vous ferez
un tour devant une compagnie , il ne faudra
jamais le recommencer.
Manière, de changer une carte qui efi dans la main
d’une perfonne , en lui recommandant de la bien
couvrir
f Vous découperez un trois de pique bien nettement
; cette carte étant découpée à jour , vous
prendrez un as de carreau que vous poferez ' fous
votre trois de pique découpé , en obfervant que
votre as de carreau Toit bien hermétiquement
couvert parle pi que , qui fe trouve au milieu du
trois découpé : vous pafferez légèrement un bâ
ton de: pommade fur les endroits découpés ; puis
vous-verferez doucement fur cette carte de la
Îioudre de ja y e t , qui s’ attachera facilement fur
es endroits enduits de pommade , & formera par
ce moyen un trois de pique , fur ce qui auparavant
étoit un as de carreau.
Vous prendrez dans votre main un as de'carreau
, derrière lequel vous poferez en fens contraire
un trois de pique.
La perfonne qui aura dans la main le trois de
pique préparé , le fera voir à tout le monde ;
vous montrerez à votre tour Tas de carreau, que
vous tiendrez dans la v ô tre , & vous direz à cette ,
perfonne de pofér la carte fens-defifus-deffous fur
le tapis qui couvre la table ; vous lui ferez pofer
la main déifus la carte , & vous lui demanderez fi
elle eft bien fûre que ce foit un trois de pique qui
foit fous fa main. Sur fon affirmative, vous la plai-
Tanterez & vous lui direz, en lui pouffant la main
fous laquelle eft fa carte, qu’elle fi.- trompe , &
que c*elt un as de carreau qu’elle tient. Le mouvement
que vous lui ferez faire , en lui pouffant
la main , fera relier fur le tapis la poudre de jayët
qui formoit un trois de pique fur fon as de carreau
i elle fera fort étonnée de ne trouver ..réellement
qu’un as de carreau, tandis que vous lui fe-]
xez le tour, en retournant votre main, où l’as
de pique & le trois de carreau feront dos à dos,
vous montrerez le trois de pique & ferez accroire
a la compagnie que vous l’avez efeamoté à la
perfonne fans qu’elle s’en apperçoive.
C e tour doit être fait leftemeut, pour que l’on
ne puiffe découvrir la petite fupercherie dont
vous faites ufage. (PiN£XTi ).
Façon de préparer la poudre de jayet pour le tour ci-
dejfus.
Vous pilerez dans un mortier de cuivre votre
1 ja y et, déjà concaffé avec un marteau ; quand il
i fera bien broyé , vous le pafferez dans un tamis
! açrès quoi il faudra encore le paffer au travers
, d une mouffeline.
Vous mettrez dans une petite boîte cette pou-
dre très-fine : quand vous voudrez vous en fer-
vir ,.vous en prendrez une pincée , foit. avec les
doigts , foit avec un peu de papier i vous la répandrez
fur votre carte: elle ne s’attachera qu’aux
endroits touchés par le bâton de pommade & elle
s’enlevera facilement par le frottement qui aura
lieu furie tapis lorfque vous pôufferez la main de
la perfonne qui là tiendra couverte, & fans que
la carte foit maculée. ,
Manière de faire pajferune carte d’une main dans une
autre'.
Vous prendrez deux as, l’ un de pique, & l’autre
de coeur 5 vous appliquerez fur celui de pique
un point de coe u r , & fur celui de coeur un point
de pique": ce qui fe fera facilement par le moyen
d’une carté de coeur & d’une de pique , que vous
dédoublerez & découperez; enfuite ’avec dextérité
, pour que le point foit bien net ; vous frotterez
légèrement, foit avec,un peu de favon , ou
de pommade bien blanche ,• le deffous de votre
pique & de votre coeur découpé 5 vous poferez
le'point de coeur fur l ’as de pique, & le pointée
.piqué fur l as de coeur; vous aurèz, foin de les
couvrir bièn hermétiquement, & de faire tous
ces préparatifs 'avant de commencer vos expériences.
v Vous féparerez votre jeu de cartes en deuxpa-
uets , & vous poferez fous chaque paquet vos
. eux as ainfi préparés ; vous prendrez enfuite
de la main droite Te paquet fous lequel fera l’as
de coeur, & d e la gauche celui où fe trouvera fas
de pique.
Vous ferez voir à toute l’afTemblée que fis de
coeur efi: à droite , & 1 as de piqué à gauche;
quand tout le monde en fera convaincu , vous di-
rëz( : meilleurs & dames, je vais commander à
l’as, de coe u r , qui ëft à droite, de paffer à gauche,
& ,à l’âs de-pique , de prendre fa place; vous
®uvez même propofer de vous faire attacher les
ras de droite & de gauche, pour empêcher qu’ils
ne puiffent fe joindre ni communiquer.
Tout le. fecret confifte donc , lorfque vous
faites votre commandement, de faire un mouvement
& de frapper du pied ; pendant ce mouvement
& frappement de pied , vous pafferez avec
dextérité le petit doigt fur chacun de vos as pour
enlever & faire toucher fans qu’on s’en appel?
çoiye, les points de: pique & de coeur qui y
tiennent par les moyens ci deffus indiqués ; tk
vous faites voir à la compagnie , que les cartes
ont exécuté votre commandement en paffant. dé
gauche à droite , & de. droite à gauche fans que
vos mains fe foiènt communiquées.
- C e to u r .fa it p rom p t em e n t & fù b t ilëm e n t pa -
roîtra fo r t f ih g u li e r , q u o iq u ’ i l fo i t f o r t fimple ;
( P lN E T T l ) .
Tours 6’ avantures d’ efeamoteurs. ,.
M. Decremps raconte ainfi quelques tours &
aventures d’efeamoteurs.
Jerômé Sharp & quelques autres voyageurs
entrèrent dans une auberge pour s’y repo-
fër ; nous nous mîmes a table y mais le fouper
étoit à peine commencé , qu’un étranger vint
nous prier d e l ’admettré à notre compagnie. C ’é-
toit une éfpèeë dé fou , richement couvert, qui
écorchoit le françois ; il nous dit en langage fa-
voÿard, que fan père l’avoit envoyé à' Lyon
pour y recevoir le montant d’une lettre de change
, & qu’après - l’ avoir reçu y il avoit pris la
route dè Paris au jie u d e celle de Chambéry,,
pour aller paffer agréablement une quinzaine ae
jours de Ta jeuneffe: cependant ,.ajoutartTl, mon
bon homme de paire fer a pas content de ça , mais at-
tendrai qu’i l efi mort pour aller chercher fa réprimande.
Il continua de parler fur le même ton , en af-
fefiant de dire plufîéurs fois que les françois
étoiènr aufii dénués d’efprit que d’argent , &
qu’il' falloir aller en Savoie pour voir des gens
riches, & de bons lurons.
Vous êtes donc bien riche , vous-même, lui
dit un des voyageurs , pour nous regarder tous
comme des miférables.
Il répondit, en tirant un gros étui de fa poche,
qu’il étoit le plus pauvre de la Savoie , mais
qu’il tenoit dans fa main un rouleau de cinquante
doubles louis.
Alors, je lui dis qu’ il étoit un imprudent, de
montrer ainfi fon or à des hommes qu’il ne con-
noiffoit point, & que s’il continuoit fes fanfaronades,
il pourroit tôt ou tard rencontrer des
gens mal-intèntionnés, qui lui joueroient quelque
mauvais tour.
Il répliqua qu’ il avoit toute confiance en nous,
parce qu’il croyoit voir fur notre phyfionomie ,
que nous n’avions pas plus de mauvaise intention
que d’efprit, & plus d’efprit que d’ argent. '
Piqué de cette impertinence ”, je lui dis qu’on
pourroit bien avoir autant d’argent que lu i , mais
pu on fe garder oit bien de le faire voir ; qiiant à'
vÆ r e J * îe cro*s ie Peux V0l*s
r< o L 4 -p l
Me fereiç. plaifir, dit le favoyard , vende^-moi
\ en y tant feulement pour deux louis*
Dans ce moment, nou's étions au deffert, & je
mis un macaron fous chacun de nos chapeaux, en
difant .* je parie de manger ces trois macarons , &
de les faire (trouver un inftant après, tous enfem-
b le , fous celui des trois chapeau* que vous
voudrez.
Impoffible dit le favoyard, d’un ton de mépris
, & je parie -un bouton de mon habit contre
deux louis ,, que vous fere£ pas ça.
' Je n’ ai rien à parier , lui d is -je , contre un de
vos boutons., & je: rie donne pas mon efprit à li
bon marché. I»
Quoi , dit môn homrne , à fi bon marché ; apprenez
monfieur le françois, qu’un bouton de
mon pays, vaut autant que tout ce que vous
avez fur le corps ; & donnant auffi-tôt un coup
de eouteàu à .un de fes boutons, il en tira un double
louis d’or-, qui lui fêrvoit de moule.
Je fus; aufii. fürpris de fon ôftentàtion , que ch®-
qué de fes fotrfes, & pour lui donner une bonne
leçon de prudence & de modération, i'acceptai
fon pari, fans cependant exiger qu’il mit au jeu.
Un inftant après, je pris fuccefïivement les macarons
je les mangeài l’un après l ’autre, en
laiffant les chapeaux fur la table ; . maintenant ,
lui dis-je , fous quel des trois chapeaux voulez*
vous que je faffe trouver les trois macarons?
Sous le mien , rrie réporidit-il.
Alors je pris Ton chapeau, & je le mis fur ma
tê te , en difant que les trois macarons étoient
deffouS.
Vous avez raifon , me dit-il, en me donnant l#
doublé louis , je nel’aurois jamais deviné.
Sur le refus que je fis d’ accepter cet argent,
fous prétexte que j’ avois parié à*éoup fur , il me
pria a’obferver que j’avois tort, en alléguant pour
fes raifons , qu’il gagnoit plus que m oi, puifque.
je lui apprenois pour une modiquefomme un tour
fu b til, qui devoit lui fervir à attraper tous les
gens d’elprit de fon pays.
Alors, je pris le double louis, & jè le donnai
à l’ aubergifte , en lui difant que ce feroit pour
payer la dépenfe fie la compagnie , tant pour ce
. jou r, que pour le lendemain.
Cependant le favoyard, continua fes impertinences,
& propofa un pari pour me vendre de,
l’efprit à fon tour. Pour ce la , îl traça un grand
carré fur la; table y av ec . dé la craye ; enfuite, il
en prolongea les quatre co té s , comme dans la'
figure i tç 3 fuivante. - : • : ........... • ;
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