
habit j 8c de permettre qu’on y mît la maitvs
. mais il ne jugea pas à propos d’employer cette
. réponfe , ce qui fit croire pour un moment qu’il
étoit pris au trébuchet. Cependant cet homme,
pétri ae rufes , ne manqua pas de reffources j il
tendit un piège qui lui réufiit parfaitement} il
éluda la difficulté par une défaite 3 que .la plupart
des fpectateurs regardèrent comme une réponfe,
triomphante : il exifte 3 dit-il 3 un moyen bien
fimple & bien certain de vous prouver que^ je
n’elcamote point la boürfe où font les écus j c’eft
d’y fondre de la c ire, d’y faire apppfer le cachet
de plufieurs perfonnes, & de faire vérifier ces
cachets avant & après l’opération, pour démontrer
que c’eft la même bourfe, qui', fans avoir
aucune ouverture, peut fe trouver.tantôt pleine*
. 8 c tantôt vuide. On accepta la propofition. Pilferer
palïa pour un moment derrière la toile, &
: reparut bientôt apres avec une bourfe pleine d’écus
contlruite eh apparence comme la première} on
y pofa deux cachets} Pilferer la couvrant d’un
chapeau, en tira fucceflivement quinze écus de
6 liv. qu’i l jettoit un à un fur le théâtre à me-
fure qu’il les ôtoit. Quand il eut fini, on vérifia
les cachets, & il fut généralement reconnu que
Ja bourfe qui étoit actuellement vuide, étoit la
même que celle où étoient auparavant les écus
de 6 liv. On fut fi occupé à vérifier les cachets,
.qu’on ne porta aucune attention fur le point effen-
t ie l, qui faifoit, dans ce moment, le vrai noeud
de l'affaire.. Quoique la bourfe reffemblât extérieurement
à celle dort on avoit examinéles coutures
, elle en était cependant bien différente.
'Une de fes douze coutures étoit faite de façon
qu’on pouvoit facilement en écarter les bords :
quand on pinçoit le drap pour tirer d’une certaine
manière, deux fils dirférens qui la formoient, cédant
alors à l ’effort des doigts , préfentoient une
'efpèce de petite grille à barreaux parallèles, à
travers lefquels on pouvoit faire paner un écu de
6 liv. Une autre manière de tirer les morceaux
de drap rapprochoit les bords de la couture,
tk faifoit difparoître les fils..
Cette conftruftion étant connue de beaucoup
de perfonnes, le Bohémien s’imagina que ce tour
ne produiroit pas beaucoup de furprife , 8 c -qu’il
étoit neceffaire de porter l’attention des fpeélateurs
fur un nouvel o b je t} il s’en tira par une rufe nouvelle
qui prouve en même-temps combien cet
homme étoit fécond en reffources,il parla lui-même
du moyen qu’ il ver.oit d’employer} 8 c quoiqu’ il s'en,
fût réellement fervi, il fit croire qu il n’èn avoit
jamais fait ufage : Je fais, dit-il hardiment, qu’on
vend des livres où l ’on explique la^ manière de
faire dès coutures qu’ on peut ouvrir Bc fermer
à volonté} mais les auteurs dé ces fortes d’ouvrages
ne cpnrioiffent point les vrais fecrets de
mon art} je n’ai jamais employé de ftratagêmës
auffi greffiers que ceux qu’ils prétendent enfeigner
aü public. V o ic i, continua-t-il en montrant une
bourfe de trico t, une pièce qu’on ne loupçon-
nera fûrement pas d’être mal eoufue} je vais m’e»
fervir pour faire le même tour, & vous conviendrez
bientôt que je n emploie point les faufles
coutures pour tirer les écus d’une bourfe } mais
ajouta-t-il, je fais attention qu’en exécutant le
tour , avec une bourfe que j e fournirai moi-
même , on m’accufera peut-être d’y avoir fait
quelques préparatifs : qu’ on me fourniffe donc une
bourfe telle qu’ on jugera à propos} qu’ on préfère
fi l’on veut un bas de foie ou de laine : quelqu’un
en tiendra l’embouchure bien ferrée, tandis que
j’en tirerai un écu. Alors on lui donna un bas de
foie dans lequel il mit un écu. Il en lia fortement
l’embouchure, qu’il donna d’ailleurs à tenir à
une perfonne de la compagnie} cependant l’ayant
couvert d’un chapeau, comme il avoit couvert la
bourfe dans les deux tours précédens, il en-tira
l’é cu , & fit remarquer un inftant après qu’il n’a-
voit pas fait la moindre ouverture dans le pied du
bas' où il avoit d’ ailleurs attaché particulièrement
Téçu en lé liant avec un peu de ficelle. ( Voye[
la fig. 7 , même pl. z , de Magie blanche. )
L’adrefîè, avec laquelle ce tour fut exécuté, &
le difeours qui fut prononcé en même-temps,
paroiflbient réunir tous les fuffrages. L orfqu’un
de fpeélateurs qui étoient à côté de M. Hill lui
demanda s’ il poürroit bien expliquer le dernier
tour qu’on venoit de faire trois fo is } M . Hill lui
,répondit q u ’il* n’a v o it pas vu .faire trois fois le
meme tour. Excufez-moi, dit le voifin , puisqu’on
a tiré trois fois des écus d’une bourfe ou
d’un bas de foie. Pardonnèz-moi, répliqua M. Hill,
puifque dans le premier de ces trois- tours on n’a
rien tiré de la bourfe, & qu’on a feulement fubfti-
tué une bourfe vuide à une bourfe pleine. Quant
à l’expérience du bas de fo ie , on n’a pas pu en
tirer un écu, puifqu’il n’y en avoit point. Cependant,
dit le voifin, j’ai vu mettre l’écu de'6 liv.
j dans le bas de fo ie , & quand on a eu attaché le
bas par l’embouchure , l’écu paroiffoit y être
encore par la forme. ronde qu’ il donnoit a la
artie du bas qui lui fervoit d’enveloppe. Je fais
ien, répondit M . H ill, qu’on a commencé par
mettre l’écu de 6 liv. dans le bàs} mais je fais
auffi qu*après l’en avoir fait fortir, en fecouant
le bas comme par mégarde 8c : par diftraélion, on
s’ eft contenté de faire femblint de l’y remettre 5
& qu’on a réellement mis alors une longue ai*
guille ployée en rond:, qui donnoit à fon enveloppe
la même forme qu’auroit pu lui donner
l’ecu de 6 liv. Cette aiguille ainfi ployée a paffe
en tournant entre les fils , & n’y a pas IaifTé
de traces de ïbn paffage que fi elle avoit été bief1
droite, (fig. 8 , Même pl. 1 . ) jj
Le fai leur de tours laiffant tomber l’écu
liv. qu’il tenoit ferré entre la naiffauce du-pouce
& celle du petit d oigt, a fait voir q uil n’y
plus rien dans le bas,tout le monde a cru 8 c croit
encore que l’écu étoit forti par un trou infiniment
petit. Cette explication parut très-fatisfaifante &
tiès-judicieufe à tous ceux qui l’entendirent} mais
comme elle ne. fut entendue que d’une douzaine
de perfonnes , le grand nombre fe retira tout
émerveillé, & crut pofitivemént que fi Pilferer
n étoit pas un peu forcier, il avoit au moins découvert
dans la nature de nouvelles loix incop^
nues à toutes les académies.
Moyen de fe faire lier les pouces & de fe délier en un
inftant 3 & prétendue métamorphofe d'un verre en
morceaux de papier.
Pilferer, efeamoteur, fe fit lier fortement les
deux pouces avec une jarretière, 8 c Faifant couvrir
d'un chapeau fès mains ainfi attachées , il fit
voir auftî-tô't fa main droite dégagée de la main
gauche, qui feule reftoit fous le chapeau verfant
enfuite du vin'dans un v erre, il prononça ces
mots : Quand j ’ai les mains bien garottées 3 je commence
toujours par déboucher une bouteille pour boire
un coup a là fanté de celui qui m a lié. . . . .
Immédiatement après avoir bu , il porta gravement.
fes regards vers Je plafond, 8 c parut
faifi cfétonpement, comme s’il avoit apperçu
quelque phénomène très-fingulier_} toute l’ af-
fëmbiée levant alors lés.yeux, «il faifit ce moment
pour jeter en l’air le, verre dans lequel il Venoit
de boire ; mais ce verre parut alors métamorphofé
en papier, car on ne vit defeendre que des morceaux
de cartes.
On alloit lui faire quelques obfervations fur
cette dernieré circonftance , lorfque , préfentant
a fon voifin fes deux mains bien attachées comme
auparavant, il lui dit : Je; vous prie, mônfieur ,
dénouez bien vîté Cette jarretière , car mes deux
pouces font tellement ferrés, du’après avoir fënti
la plus vive douleur, je crainarois que la circulation
du fang né fût arrêtée, ce qui pourrolt produire
la gangrené , _ dégénérer en fphacele , &
caufer la mort. Les idées de mort 8 c de gangrené
achevant d’ abforber l’attention de la compagnie,
empeçherent dé voir le moyen groffier qu’ il venait
d employer dans ce «dernier tour. Quand on eut
dénoué la jarretière , fon empreinte, qui paraif-
iwt bien marquée fur les deux pouces | caufa
cependant la plus grande furprife, en démontrant
aux plus incrédules qu’on venoit de défaire des
noeuds bien réels & bien ferrés } d’ ailleurs il
n étoit guère pgflîbje de fupppfer que c’ ét-oitdes.
noeuds fimulés, parce que celui qui les avoit faits
etanp un peu i’antagqnifte du fajfeprde tours ,
ae devait pas être d’ intelligence avec lui , 8 c
n et.Qit. guère propre à lui fervir de çompere.
n a t0.ut cela que la rapidité avec laq
ie P les trois derniers tours "yenoipnç de fe
JÏMufçmens <jes Sciences,
fuccéder, h-avoit laiffé à perfonne le tems de
réfléchir.
L’efcamoteur après avoir reçu les louanges les
plus exagérées, voyant que perfonne ne pro-
pofait aucune difficulté , il crut q ue , pour mieux
triompher, il devoit demander des obje&ions.
Explication.
Mais M. Hill profitant de l’invitation de Pilferer
, donna à la compagnie Vexplication du tour
qui venoit de produire un fi grand effet.
On commence , dit M. H ill, par fe faire attacher
avec un ruban de fil le pouce de la main
gauche ; quand on a fait faire un double noeud ,
on prend la partie du. ruban tournée vers la
main dtoite } on la fait pafler entre l’ index &
le poucë de cette dernière ✓ main pour prier la
même perfonne de bien lier les deux pouces
enfemble par deux autres noeuds} & dans l’ inf-
,tant où on lui préfente les deux mains ainfi rapprochées
, quatre doigts de la jnain droite s’entrelacent
dans cette partie du ruban qui doit lier
le. fécond pouce : par ce moyen , quelque ferrés-
que foient les deux-noeuds qu’ on fait fur ce
dernier, on peut toujours le dégager en lâchant;
ce qu’on a retenu avec lés quatre autres doigts ,■
8 c qu’on cachoit adroitement en tenant la main
droite dans la main gauche. Voye[ les fig. 3. 4.
S- ph 2. , de la magie blanche, tome VIII, des
gravuré’s.
On fent que par le même moyen, on peut
donner a la main droite fà première pofition ,
pour qu elle paroifle attachée à la main gauche
comme auparavant. Quant à la métamorphofe du
gobelet, continua M. H ill, c’eft ici le plus fimple
& le plus facile de tous les tours d’efeamotage 5
on fait avec le bras droit deux mouvçmens ,
1 un vers la terre comme pour prendre l’élan ,
8 c 1 autre vers le ciel comme pour jeter le gobel
e t } on profite du premier*de ces mouvemens
pour lâcher le gobelet fur une ferviette qu’on
tient fur fes genoux , 8 c l’ on emploie le fécond
a jetér vivement vers le plafond , des morceaux
de cartes qu 011 tenoit cachés dans les deux petits
doigts de fà main, 8 c qu’on avoit pris un inftant
avant de verfer à boire. Lorfqu’.on,fait le fécond
mouvement, le fpe<âateur eft déjà frappé des.
tours précédens , : 8 c voyant dans cet inftant un
tour auquel il ne s’attendoit point, il n’eft pas
étonnant qii’ il foiç un peu plus crédule qu’ à l’or-?
dinaire } d’ailleurs , comme il vient de voir le
verre dans la main du faifeur de tours , 8 c que la
rapidité des cartes dans leur afeenfion' ne lui
permet pa§ de les diftinguer , il croit naturel-*
lement, dans fa première idée , qu’on a jeté le
yerre en 1 air j mais comme, les cartes defçen-,
dëpt epfùite 3yçc alfez de lenteur pour qu’oa
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