
compter à chaque inftant la durée de fon exif-
tence écoulée, de prévoir à point nommé le renouvellement
de certains événemens-, de certains
travaux ou devoirs > ce dernier , plus heureux
peut-être en cela, puifqü’il jouit du préfent fans
fe rappeler prefque le paffe , & fans anticiper fur
l'avenir, ce dernier, dis-je , ne fauroit dire fon
âge , ni prévoir l'époque du renouvellement de
fcs occupations les plus familières : les événemens
les pl us frappans dont il a été témoin, ou auxquels
il a eu part, n'exiftént dans fon efprit que
comme paftes, tandis que l'homme civilifé les lie
à des époques & des dates précifes qui les rangent
dans leur ordre. Sans cette invention, tout ce que
les hommes ont fait jufqu'à ce moment feroit
comme perdu pour nous 5 l'hiftoire n'exifteroit pas ;
lès hommes enfin, dont la vie en fociété exige
les concours de fes différens individus dans cer7
taines circonftances , ne fauroient y mettre ce
concert néceflaire ;-il ne fauroit enfin exifter de
fociété vraiment civilifée, fans use convention
de compter le temps d'une manière réglée : c'eft-
là ce qui a donné lieu à la naiffance du calendrier,
& des calendriers des diverfes nations.
Mais avant d’aller plus loin, il eft à propos de
préfenter quelques définitions & quelques faits
niftoriques,- neceflaires pour l’intelligence des
queftions qu'on propofera dans la fuite.
. II y a deux efpèces d'années ufitées par les nations
différentes de l’univers : l'une eft réglée par
le cours du foleil, . l'autre par celui de la lune.
La première s'appelle folaire, & la fécondé lunaire.
L annee folaire eft mefurée par une révolution du
foleil le long de l'écliptique, depuis un point
équinoxial, celui du printemps par exemple,
jufqu'au même point 5 & il e ft, comme ©n l'a dit
plus haut, de 365 jours y heures 45? minutes.
L'année lunaire eft compofée de douze lunai-
fons, & fa durée eft de 354 jours 8 heures 44 minutes
3 fécondés. De-là il fuit que l'année lunaire
eft plus courte d'environ 11 jours que l'année fola
ire , & conféquemment q u e , fi une année lunaire
& une apnée folaire commencent le même
jo u r , après trois années écoulées, le commencement
de l’année lunaire devancera celui de l'année
folaire, de 33 jours. Ainfi le commencement
de Tannee lunaire parcourt fucceffivement tous les
mois de l ’année folaire en rétrogradant. L'es Arabes
, & en general les Mufultqans, ne comptent
que par.années lunaires > les Hébreux & les Juifs
n’en eurent jamais d'autres.
Mais les nations plus policées & plus éclairées
•nt toujours tâché de combiner enfemble lés deux
efpèces d'années. C'eft ce que firent les Athéniens
par le moyen du fameux cycle d'or, invention du
mathématicien Méton, dont Ariftophane fit l’objet
de fes railleries : c’ eft ce que font aujourd’hui
les Européens, ou en général les Chrétiens, qui
ont pris des Romains l'année folaire pour rufae«
c iv il, & l'année lunaire des Hébreux pour léut
année eccléfîaftique.
Avant Jules-Cefar, le calendrier romain étoit
dans un défordre inexprimable. Il eft fuperflu d'eiw
trer ici dans des détails fur ce fujet : il fuffit de
favoir que Jules-Géfar voulant y remettre l'ordre
luppofa, d'après fon aftronome Sofigènes, que L
durée dè l'année étoit précifément de 365 jours
6 heures. En conféquence il ordonna que dorénavant
on feroit'trois années de fuite de | j |
jours, & la quatrième de 366..C'eft cette dernière
année qu'on a depuis appelée bjjfextile
parce que le jour ajouté chaque quatrième: année
fuivoit le fîxième des calendes, & que pour ne
rien déranger dans la dénomination des jours fni-
vans, on le nommoit bis fexto calendas..Chez
nous , on- le'met à la fin de février,' qui a alors
29 jours ; au lieu de 28 qu'il a les années communes.
On nomma cette forme d'année, tannée
Julienne , & le calendrier qui l'emploie , le calendrier
Julien.
Mais Jules-Céfar fe trompoit, en regardant
l'année folaire comme étant de 365. jours 6 heures
precifes j elle n'eft que de- 3-65 jours 5 heures
49 minutes ; d’où il fuit que l'équinoxe rétrograde
continuellement, dans l'année Julienne,
de 11 minutes par année 5 ce qui donne précifément
3 jours dans 400 ans.. De-là eft venu
que, le concile de Nicée ayant trouvé l’équinoxe
du printemps au 21 Mars, cet équinoxe,
après environ 1200 ans écoulés , c'eft-à-dire
en i jo o , arrivoit vers le 11. C'eft pourquoi
le pape Grégoire X I I I , voulant réformer cette
erreur , fupprima en 1582 dix jours de fuite,
en comptant, après le 11 d'oélobre, le 2r du
même mois j & par-là il ramena l'équinoxe du
printemps fuivànt au 21 mars ; enfin, pour faire
qu'il ne s’en écartât plus, il voulut que , dans le
mite,. on fupprimât trois biflextiles dans 400 ans.
C'eft par cette raifon que l'année 1700 n'a pas
été biflextile, quoiqu'elle eut dû l'être fuivant le
calendrier Julien : lés années 1800 , 1900 ne le
feront pas non plus, mais l’atvzooo le fera : les
années 2100, 2200, 2300 ne le feront pas, mais
feulement 2400 : & ainfi de fuite.
Tout cela eft fuffifant & plus que fuffifant pour
l'année folaire 5 mais la grande difficulté de notre
calendrier vient de l’annéè lunaire, qu'il a fallu
y lier. Car les Chrétiens, ayant pris leur origine
chez les Juifs, ont voulu lier leur fête p r in c ip a le
& la plus augufte, celle de Pâques, avec l'année
lunaire, parce que les Juifs célébroient leur pâque
à une certaine lanaifon, favoir le jour de la
pleine lune qui fuivoit l’équinoxe du p rin tem p s.
Mais le concile de Nicée établit à cet égard, pour
ne pas faire concourir la pâque des C h r é t ie n s
avec la pâque des Juifs, que'les premiers la célé-
Wroient le dimanche après la pleine lune qui
tomberoit ou le jour de l’équinoxe du printemps,
ou qui viendroit immédiatement aj>ies.
De-là eft née la néceffité de fe former des périodes
de lunaifons propres à trouver toujours avec
facilité le jour de la nouvelle ou pleine lune de-
chaque mois, pour déterminer la lune pafchale.
Le concile de Nicée fuppofa l'exaétitude parfaite
du cycle de Méton , ou du nombre d or ,
fuivant lequel 235 lunaifons égalent precifement.
19 années folaires, Ainfi, après 19 années , es,
nouvelles & pleines lunes euflent dû revenir les
mêmes jours des mois. Il étoit aifé,. d'apres cela,
d’affigner à chacune de ces années la place des
lunaifons ; 8t c'eft ce qu'on fit par le moyen des
| épaâes, ainfi qu'on l’ expliquera dans la fuite.
Mais, dans la réalité, 235 lunaifons font moin-
! dues que 19 années folaires Juliennes, d'une heure
j & demie environ} d'où il arrive que , dans 304
F ans, les nouvelles lunes rétrogradent d'un jour
vers le commencement de l'année, & conféquem-
[ ment de quatre dans 1216 ans : telle eft la caufe
par laquelle, vers le milieu du feizième fiècle , les
[ nouvelles & pleines lunes avoient anticipé de
quatre jours fur leurs places anciennes 5 enforte
\ onr l'on célébroit fréquemment là pâque contre
Grégoire X I I I entreprit d’y remédier par une ,
règle ftable, & propofa le problème à tous les mathématiciens
de l’Europe 5 mais ce^ fut un médecin
& mathématicien Italien, nommé Aloifio L ilio ,
qui en vint à bout le plus heureufement, par une
nouvelle difpofition d’épa&es, que l’églife a adoptée.
Voilà en quoi confifte toute la reformation
du calendrier. On nomme ce nouvel arrangement,
le calendrier Grégorien. Il commença a avoir lieu
en 1582 dans l'Italie, la France , l’Efpagne, &
autres pays catholiques. Les états d'Allemagne,
même proteftans, ne tardèrent pas de l'adopter ,
du moins en ce qui concerne l'année folaire > mais
ils-le rejetèrent en ce qui concerne l'année lunaire,
& préférèrent de faire calculer aftronomiquement
le jour de la pleine lune pafchale ; ce qui fait que
nous ne célébrons pas toujours la pâque en même
temps que les proteftans Allemands. Les Anglois'
ont été les plus opiniâtres à rejetter l’année Grégorienne,
& à-peu-près par le même motif qui a
fait long-temps exclure de leurs pharmacopées le
quinquina, parce qu’on le devoit aux Jéfuites :
mais ils ont enfin fenti qu’ on devoit prendre le bon
& l’utile de toutes mains, même ennemies, &
ils fe font conformés à la manière de compter du
refte de l’Europe. C ’eft en 1750 feulement que ce
changement fe fit. Avant cette époque, 8c depuis
1700, quand nous comptions le 21 d’un mois, ils
comptoient feulement le 10. Dans la fuite des fiè-
cles ils euffent eu l’équinoxe du printemps à N o ë l,
enfuite l’hiver à la S. Jean. Les Rufles font les
feuls peuples de l’Europe qui tiennent encore au
calendrier Julien. Leurs papas ne haïflent pas
moins.les prêtres Romains, que les Anglois un
Jéfuite.
Après cette petite expofition hiftorique, nous
allons parcourir les principaux problèmes du calendrier.
P R O B L E M E. , |I.l
Çonnoître f i une année , efi bijfextile , ou de 3 6 6
, jours ;, ou non.
Divifez le nombre qui marque le quantième
de l’ année par 45 s’il ne refte rien, l’année eft
biflextile 5 s’il refte quelque chofe , ce reliant indiquera
quelle année court après la biflextile. On
propofe, par exemple,, l’année <1774. Divilez
1774 par 4 , il reliera 2 : on en conclura que
l’année 1774 eft la fécondé après la biflextile.
Il y a néanmoins quelques limitations à cetté
règle.
i° . Si Tannée eft une des centenaires, & eft
poftérieure â la correélion du calendrier par Grégoire
X III, ,c’eft-à-dire à 1582, elle ne fera
biflextile au’ autant que le nombre _ des fiècles
qu’elle déligne fera divifible par 4 : ainfi 1600 ,.
2000,2400, 2800, ont été ou feront biflextiles >
mais les années 1700, 1800, 1906 , 2100, 2200,;
2300,, 2500-, 2.600y 2700, ne doivent pas être
biflextiles : on en a vu plus naut la raifon.
. 20. Si l’année eft centénaiire, & précède 1582 ,
fans être néanmoins au-delfous de 474, elle a été
biflextile.
30. Entre 459 & 474 , il n’y a point eu de bif-
fextile.
40. Il n’y en a point eu dans les fix premières,
années de 1 ere chrétienne.
yo. Comme la première biflextile après l’ère
chrétienne fut la feptième, & qu’elles fe iuivirent
régulièrement, de quatre en quatre ans, jufqu’à
; 4C-9 5 lorfque l’année donnée fera entre la 7 e & la
4y9e, il faudra ôter 7 du nombre de l’année, &
divifer le refte par 4 : fi le reliant eft zéro, l’année
fera biflextile ; linon, le refte de la divifion montrera
quelle année après la biflextile étoit l’année
propofée.fcSoit, par exemple, l’année donnée la
148e : ôtez 7 , relieront 141, qui, divifés par 4 ,
laiflent 1 .pour refte : ainfi la 148e année après
J.' C . fut la première après la biflextile.
Du Nombre d’or, & du Cycle lunaire.
Le nombre d’o r , ou le cycle lunaire, eft une
révolution de 19 années folaires, au bout def-
quelles le foleil 8c la lune reviennent, à peu de