
fen t, & l*on ne parvient pas plus à devenir nageur
en en faifant ufage, qu*t>n n’y parviendroit
en fe promenant dans une barque.
Vo ic i la manière qui me paroît la plus sûre ,
la plus commode, la moins coûteufe, & la feule
capable de mettre un homme d’une conformation
ordinaire en état de nager feul au bout de
huit jours. Je ne me donne pas pour en être
l'inventeur ; le petit nombre de combinaifons
qu'on peut faire fur cette matière , eft fans doute
épuifé depuis bien des fiècles.
Enfilez à une corde grolfe comme le petit doigt,
8c loûgue de deux pieds & demi, plus ou moins ,
un morceau de liège coupé en rond, & qui ak
un pouce & demi de diamètre fur neuf à dix
lignes d’épaifTeur ; qu’un autre morceau d’un diamètre
plus confidérable vienne après ; que celui-ci
foit fuivi d’un troifième, & ainn de fuite jufqu’à
ce que vous ayez formé une efpèce de cône
ou pain-de-fucre de cinq à fix pouces de hauteur
fur neuf à dix pouces de bafè.
- C e cône fera arrêté à fon foramet par un double
noeud que vous ferez à l’extrémité de la corde,
& à travers lequel vous planterez une cheville
ue vous aiïujettirez avec de la ficelle pour plus
e folidité.
L ’autre extrémité de la corde fera’garnie d’un
autre cône difpofé comme celui-là.
Etendez cette corde fur l’eau, & mettez-vous
deffùs en travers; vous vous fendrez furnager
au point que ce ne feroit qu’avec effort que
vous parviendriez à mettre le vifage dans l’eau.
Cependant, fi vous êtes mince, il faudra raccourcir
la corde : & dans tous les c a s , vous
la difpoferez de manière que vos lièges ne flottent
pas trop près des aiflelles, ce qui pourroit
gêner le mouvement de vos bras.
Ici vous avez un feul accident à craindre ,
mais il eft fi grave, que le plongeur le plus exercé
ïfauroit que de foibles refîburces à y oppofer.
La corde peut abandonner la poitrine, gu fier le ;
long du ventre, s’ arrêter à la naiflance des cuiffes; !
la tête plonge ; le tronc la fuit; les jambes demeurent
fufpendues, & la mort fe préfente.
J’ai vu des maîtres imbécilles faire faire cette
culbute à leurs écoliers , pour avoir le plaifir de
les relever un inftant après. Si l’ on fe perfuade
u’«n accoutumera un homme à l’eau en le traitant
e la forte, on fe trompe lourdement ; il eft
certain au contraire qu’il n’y auroit pas de moyen
plus afliiré de la lui faire prendre en horreur.
Voici le remède. Préparez deux anneaux de
cordes qui aient le double de la grandeur dont vous
auriez befoin pour y faire entrer vos bras jufqu’aux
épaules. Fixez ces anneaux à la corde principale
aveç de la ftçelle, en laiffant entre deux
la largeur néceflaire pour affeoir commodément
votre poitrine. Avant de vous abandonner à l’eau
fur cet*<inftrument, yous aurez foin de paffer un
bras dans chaque anneau jufqu’à l’épaule.
Pour ménager la poitrine des dames, je leur
fais paflfer fur le dos la corde principale, &S©
fabrique les anneaux avec de fortes tireffes de
laine garnies de velours ainfi l’articulation de
l’épaule eft la feule partie de leur corps qui éprouve
quelque frottement, & encore ce frottement
x eft-il prefque infenfible : j'appelle cela nager h
la lîfiere. Je ne fais fi les grecs ou les romains
ont connu ce moyen de-faciliter au beau fexe
un exercice aufli utile qu’agréable : mais je me
fais bon gré de le lui avoir fait connaître dans
ce fiècle.
Si l’on vouloit faire nager à la lifière un individu
chargé d’ une boffe ( car il eft bon de tout
prévoir, afin que le public ne foit pas étourdi
des prétendues découvertes de certains perfec-
tionneurs ) , on fubftitueroit à la corde un morceau
de bois courbé en arc, aux deux bouts duquel
on attacheroit les anneaux & les pains-de».
fucre.
Pour vous préparer à vous porter en ayant,
vos bras doivent être pliés, & vos mains bien
tendues ; la paume tournée contre le fond ; elles
feront rapprochées de forte que les deux pouces
& les doigts qui les fuivent ( index ) fe toucheront
mutuellement par le bout. Ayez les coudes
au niveau des épaules , & les mains au niveau
des coudes ( i ) ; & que vos mains foient rapprochées
de votre corps, de manière que la main
droite forme en dehors un angle rentrant d’environ
141 degrés avec l’avant-bras droit, 8c réciproquement.
Qae vos talons fe touchent, ou à-peu-près,
& qu’ils foient rapprochés de vos feffes ; que
vos genoux foient éloignés l’un de l’autre le plus
qu’il fera poflible.
Tenez-vous prêt à chaffer vigoureufement de
la plante des,'pieds Peau qui fe trouvera dans
leur dire&ion, & retenez bien ceci :
Comme fi un même reffort faifoit partir à 11
fois vos pieds & vos mains, que vos bras & vos
jambes fe déploient au même inftant. Vos mains
fe porteront en avant & à la hauteur des épaules,
& ne cefferont de fe toucher même lorfque vcs
bras feront déployés dans toute leur longueur.
( i) J’infifte fur ce précepte , parce que c’eft celui
dont les écoliers fe reffoüviennent le moins dans
l’aétion. L’habitude où nous fouîmes de porter les
mains à terre pour nous retenir lorfque nous faifons
une châte, me paroît être la caufe de ce mécanifme
qui, à la moindre peur, difpofe les. membres d’u*
écolier comme pour marcher à quatre pattes.
Cet élan, auquel vos membres feuîs doivertt
»voir participé, vous a fait avancer en raifon de
la promptitude que vous y avez mife. Il ne faut
pas vous hâter de raffembler vos membres, parce
que votre mouvement fubfifte encore, quoique
la caufe qui t a produit ne fubfifte plus. Attendez ,
pour changer de pofture , qu’il foit prefque fini :
ce que vous connoîtrez à l’augmentation de votre
poids, qui vous fera un peu enfoncer.
Alors vous difpoferez vos membres comme ils
étoient avant de faire l’ élan ; mais il faut tirqr
parti de ce nouveau travail, en l’employant 'à
avancer encore : vos cuiffes, vos jambes, ni vos
pieds ne peuvent vous fervir pour cela; vos bras
ic vos mains y fuppléeront.
Eloignez d’abord très-lentement vos mains l’une
de l’autre, obfervant de tenir les bras bien tendus ;
&, lorfque les mains feront éloignées erttr'efles
d’environ deux pieds & demi ( ï ) , inclinezrles
de forte que le côté du petit doigt de chacune
foit un peu plus élevé que celui du pouce. Mettez
alors de la vigueur à la continuation du mouvement
de vos bras : vous avancerez. Vos mains
n’ont pas encore ceffé d'être au niveau des épaules;'
mais, lorfqu’elles feront diamétralement oppofées,
il faudra que1 l’extrémité des, bras , fans qu’ ils
céffent d'être tendus, pénètre pin* avant dans
l’eau à jnefure que vous âggrantffrez la portion
de cercle qü’ ils décriront. Ici le. mouvement doit
être rapide ; car ce n’ eft que par la réfiftancë
de l’e a u , non-feulement que vous continuez
d’avancer, mais, encore .que vous yous foutenez
fans faire la culbute (2). Cependant, fi tous vos
mouvemens ont :été bien ménagés , vous aurez
du.temps de refte pour plier vos bras, les rapporter
devant votre poitrine ( obfervant de leur
faire reprendre, ainfi qu’aux mains, leur pofi-
tion horizontale pendant ce trajet). Se vous élancer
une fécondé fois, .
Malgré les efforts que j’ai faits pour me rendre
intelligible, je ne me flatte pas d être entièrement
compris- à la première Ieéfure : mais
j’efpère qu’en me lifànt avec attention une fécondé
fois , on entendra facilement tout ce qui
n’aura pas été entendu la première. Cependant,
fi l’on ne trouvoit pas mes explications egalement
claires , il ne faudrait point fe rebuter pour
cela. Il fiiffira d’en avoir compris quelques-unes
pour être en état de fuppleer foi-meme les antres
avec un peu d’attention,. puilqu elles portent:
toutes fur un petit nombre de principes fimples
& faciles à retenir; favoir, que nos corps font
plus légers que l’eau ; que nos corps-ne font pas
(1) Pour nn homme de cinq pieds fix pouces.
(1) J e fuppofe dans cet inftant qü’oa n a pas de lieges,
& qu’on veut nager dans une fituation horifonralc.
par-tout également légers ; qu’il faut donner aux
parties les plus légères un poids capable de les
tenir en équilibre avec les plus pelantes ; que
les différentes parties de notre corps ne peuvent
acquérir cette variété de poids que par la di-
verfité de leur pofition, ou par la refiftance de
l’eatu
En s’exerçant à la. lifière une heure par jour,
il faudra retrancher à chaque fois une portion
égale des deux cônes', pour lès diminuer de
volume en raifon des forces au’ ort aura acquifes.
I/homme le plus ftupide fur l’eau, e’eft-a-dire,
le plus craintif, nagera fans aucun fecours avant
la quinzaine.
Ceux qui auront d’abord préféré de plonger ,
pourront également s’exercer à la lifière, lorf-
qu’ils voudront commencer à nager. Mais j’ ai
vu des perfpnnes qui n’avoient pas befoin de
cette reflburce, & qui, après avoir plongé quatre
ou cinq jours au plus, eflayoient leurs forces
en fortant la tête de l’eau, & ne les eflayoient
pas en vain. 11 eft vrai que fattribuois une partie
de leurs fuccès à la confiance qu’elles avoient
en moi.
Lçrfque vous ne ferez plus^ a la lifière, vous
vous accoutumerez à donner à vos membres divers
mouvemens pour vous faire avancer. On
nage en chien. , on *nage en grenouille , qn coupe
Peau 3 on nage en griffon , on nage à. coups
de poings,, on nage a coups de pieds > & c . Je
vous ai fait nager en grenouille. Mes leçons
vous feroient inutiles pour nager autrement ; il
vous fiiffira de regarder un nageur une fois : mais
fouvenez-vous que celui qui ne nage que d un©'
manière eft bientôt fatigué^ & que celui qui
plonge ne l’eft jamais.
Jufqu’ici j’ai fuppofe que vous nagiez dans une
eau morte 'r mais ,lorfque vos forces vous le permettront,
ne négligez pas de vous exercer dans
les eaux courantes. C ’eft-là feulement qu’on peut
déployer?.toutes les reflources dont on aura be-
foin dans k s grands dangers. Le philosophe qui
vouloit apprendre à fon difçiple a traverfer 1 Hefe
Iefpont dans les canaux de fon jardin, n’etoit
pas nageur.
Je ferois graver beaucoup de planches & dô
figures, qu’elles n’enfèigneroient point comment:
on peut garder rur l*eau certaines pqftur.es-. Le s
moyens qu’on y emploie dépendent du poids du-
corps , de fà conformation , du poids de i eau,
de fa profondeur , de fa rapidité de fon agitation
; en-forte que lé plus habile nageur emploie
d’autres moyens fur la Seine, fur le Rhin ,
fur le Rhôue & d'ans l’Océan. Mais îl ne faut
pas croire que la découverte de ces- différent
moyens exige de profondes réflexions le nageur