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puifque cet événement arriva vers l5an 1 170 avant
i ers chrétienne.
4. La lampe du temple de Vénus.
C ’eft S. Auguftin lui-même qui parle de cette
lampe, & du temple de Vénus dans lequel elle
brûîoit. Il dit qu’elle étoit perpétuellement ardente,
& que la flamme étoit fi lolidement attachée
à la matière combuftible, que ni vent, ni
pluie, ni tempête ne pouvoit l’éteindre, quoiqu’elle
fût perpétuellement expofée à l’air & à
l’inclémence des* faifons. Ce Père le travaille mer-
veiileufement à expliquer l’artifice de çettè lampe
inextinguible j & après avoir propofé une idée
allez jufte en partie, favoir, que peut-être on
y avoit employé une mèche d’amiante , il finit
par dire que ce pourvoit bien être un ouvrage des
démons, fait dans la vue d’aveugler de plus en
plus les payens, & de les attirer au culte de l’infâme
divinité adorée dans ce temple.
Voilà donc, fuivant les partifans des lampes
perpétuelles, un feu inextinguible, dont l’ exif-
tence eft bien conftatée par le. témoignage d’un
homme des plus éclairés de fon fiècle, & q ui,
malgré fes lumières, eft obligé de recourir à l’ artifice
des démons pour expliquer ce phénomène.
5. Les lampes deÇaJfiodore.
Le célèbre Caftiodore étoit, comme l’on fait,
un homme aufti refpeétable par fes emplois que
par fes lumières. O r , il raconte lui-même avoir
fait pour fon monaftère de Viviers, des lampes
perpétuelles. Chaque moine avoit peut-être la
fienne. Ecoutons les propres paroles. Paravimus
etiam noctumis vigiliis mecanicas. lucernas confer-
vatrices illuminantium fiammarum, ipfas fibi nu-
trientes incendium , que. humano mmifterio cejfante
prolixe cufiodiant uberrimi luminis abundantijfimam
claritatem ubi olei pinguedo non déficit, quamvis
jugiter fiammis ardentibus torreatur.
Peut-on, dira quelque parti fan des lampes perpétuelles,
fe refufer à un témoignage aufti authentique
, aufti clair & aufti refpectable ?
Tels font les faits principaux qu’ on allègue en
faveur des lampes perpétuelles. Mais nous ne
craignons pas de dire qu’ ils s’ évanouiflent entièrement
au flambeau d’une critique éclairée. En"
e ffet, d’abord à l’égard des trois premiers, quel
fond peut-on faire fur des faits rapportés d’une
manière aufti vague, & accompagnés de circonf-
tances incohérentes ou romanefques ? Il n’eft
aucun de ces faits qui ait d’autres garans que ces
auteurs qui ont vécu long-temps après ; aucun
témoin oculaire de quelque poids, ne dépofe en
avoir été témoin. O r , quand il eft queftion de
chofes qui contredifent les loix ordinaires de la
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nature, au moins faut-il qu’ elles fojent certifiées
par des hommes inftruits, & au-defiiis du foupçon
de crédulité ou d’ignorance.
L’ hiftoire du tombeau de Tulliola date de
l’année 1345’ : c’étoit alors le moment de l’ignorance
la plusL profonde qui ait régné en Europe.
On dit qu’on y trouva un corps. Dans ce cas,
ce n’étoit pas celui de Tulliola; car les romains,
à l’époque de Cicéron, bruloient "leurs corps
morts. Aufti quelques auteurs ont-ils conjecturé,
d’ après quelques circonftances, que le tombeau
dont il s’agit étoit celui de la femme de Stilicon :
mais les chrétiens ne mirent jamais de lampes
dans leurs tombeaux. La circonftance de la lampe
trouvée dans ce tombeau , a conféquemment tout
l’air d’une fiCtion.
Que dirons-nous du tombeau d’ Olybius, de fa
lampe , & de fes deux fioles, remplies l’ une d’or,
l’autre d’argent fluides ? Ce furent- des payfans qui
trouvèrent cette double urne. Suivant Jes uns,
ils manièrent la lampe renfermée dans la fécondé
urne fi mal-adroitement, qu’ ils la. brifèrent. Cependant
Maturantius prétend l’avoir en fa pof-
feflion. ‘Quel homme a vu cette lampe brûler ?
Où font les' témoignages qui conftatent que ces
payfans l’ont vue en cet état: & ces témoignages
mêmes feroient-ils bien admiftibles ? Une vapeur
exhalée d’un lieu clos depuis plufîeurs fiècles,
peut facilement en impofer à des hommes grofliers
& ignorans.
Que fignifie encore cette infcription ? Ou
trouve-t-on qu’ il foit queftion de feu perpétuel?
Un don faCre à Pluton eft-il néceflairement une
lampe ardente ? A tout prendre ,: fi la découverte
de ce tombeau a quelque réalité, on pourroit
feulement penfer que c’étoit celui de quelque
fouffléur d’un fiècle peu reculé 5 car d’ailleurs
on fait que les romains ne fe doutèrent jamais de
chimie : il n’a jamais été queftion parmi eux de
chercher- à tranfmuer les. métaux. Si cette folie
. eût exifté alors , on en trouveroit certainement
des traces chez leurs écrivains j mais tout gardent
/le plus- profond filencé^fur cela. Cette folie nous
a été amenée par les arabes , avec quelques con-
noifîances folides de- chimie.
O r , fi les romains ne connoifloîent pas la chimie
, comment veut-on qu’ils aient fait des lampes
perpétuelles , qui feroient le chef-d’oeuvre de
cette fcience?
L ’hiftoire du tombeau de Pallas, fils d’Evandre,
mérite à peine d’être réfutée. Quel homme fera
aflez imbécille pour croire que*es vers cités ci-
deftiis foient du temps d’Enée ? Il ne faut qu’avoir
vu le langage des douze tables, pour juger combien
l’ancienne langue des romains, & conféquemment
celle du temps des rois 'd’A lb e , reffembloit
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peu au latin de ces vers, tout plats & mauvais
qu’ils font.
Quant à la lampe du temple de Vénus , qui
caufe tant d-’embarras à S. Auguftin , remarquons
que ce père ne dit nullement qu’on ne lui fournit
pas un nouvel aliment. C e qui paroît l ’intriguer
principalement, c’eft que ce feu étoit inextinguible
au vent & à la pluie. Mais cela n’a rien de
merveilleux, puifque nos épiciers font aujourd’hui
des flambeaux qui ont cette propriété. Tous les
livres'de chimie enfeignent à faire un pareil feu.
D’ailleurs, en admettant que cétte lampe fût perpétuelle
comme inextinguible, qui ignore combien
les prêtres payens étoient impofteurs, &
combien d’artifices ils pouvoient mettre en oeuvre
pour, faire couler dans cette lampe un aliment
nouveau?
Les lampes de Caftiodore ne font pas plus em-
barraflantes : c’étoient des lampes q ui, femblables
à celles de Cardan, fe fourniftbient elles-mêmes
d’huilé , au moyen d’un réfer voir. Aufti Caftiodore
fe fert-il uniquement du mot prolixe 3 qui fignifie
feulement que ces lampes duroient long-temps,
plufîeurs nuits, par exemple, à la différence des
lampes ordinaires, de ce temps, qui avoient fréquemment
befoin qu’on y verfàt de l’huile. Voilà
certainement tout ce qu’a voulu dire Caftiodore,
Toutes ces réflexions n’avoient pas échappé à
divers auteurs raifonnables, tels que M. Aréfi,
eveque , auteur dés fymbola feu emblemata facra ,
M. Buonamici, phyficien contemporain de L icéti,
& fur-tout M. Ottavio Ferrari, auquel eft: dû lé ;
curieux & favant ouvrage de veterum lucernis fepul-
cralibus. Tous ces auteurs, & fur-tout le dernier,
battent en ruine lé bon Licéti ,• ils font voir fort
au long le peu de folidité de tous les faits allégués
à l’appui des lampes p e r p é tu e lle s& les
circonftances abfurdes ou contradictoires dont ils
fourmillent ; ils tournent même en ridicule la
crédulité & la bonhomie de ce favant, q u i, par
un excès incroyable de pédantifme, trouye jufcjue
dans la lampe du tombeau de l’enchanteur Merlin j
décrit par l’Ariofte, une preuve de l’exiftence des
lampes perpétuelles.
. Terminons ceci par quelques réflexions fort
juftes de M. Ferrari, qui fe préfentent aflez naturellement.
Si le fecret de fe procurer un feu perpétuel
& inextinguible eût été connu des anciens,
un fecret aufti utile eût-il pu refter dans la profonde
obfcurité qui le couvre ? Nous admettons
que le fecret fe lut perdu faute de connoiflances
puyfîques &; chimiques : mais feroit-il -poflible
que Pline, qui a dénombré les inventions les plus
communes comme les plus belles, n’eût rien dit
de ce feu perpétuel & fi merveilleux ? Comment
Jutarque., faifant mention de la lampe de Jupiter
Ammon, parce qu’elle brûloit un an entier, com-
dis-je., Plutarque auroit-il gardé le fîlence
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fur des lampes en comparaifon defquelles cette
première n’étoit qu’une méprifable & vile bagaq
telle ? Eerfonne ne fe le perfuadera.
, Difons donc que l ’hiftoire & la faine critique
s oppofent à ce qu’on penfe qu’une pareille invention
ait jamais exifté. Nous allons voir comment
elle s’ accorde avec la phyfique.
Examen de la pojfibilité phyfique de faire une lampe
perpétuellement ardente.
Après avoir démontré le peu de folidité de toutes
les preuves de fait alléguées en faveur des lampes
perpétuelles, il nous refte à difcuterjeur poifibilité,
d’après les principes de la faine phyfique.
Pour avoir une lampe perpétuelle , il faut
avoir,
1c Une mèche qui ne fe confume point \
Un aliment qui ne fe confume point, ou une
fubftance qui, après avoir fervi d’aliment au feu ,
puilfe retourner dans le vafe fans avoir perdu fa
qualité inflammable ;
30. Il faut qu’une flamme puifîe fubfifter longtemps
dans un lieu abfolument clos & de fort
petite dimenfîons car tels étoient les tombeaux
dans lefqtiels on dit qu’ont été trouvées ces lampes
perpétuelles,.
Or toutes ces chofes font impcflibles , ' ainfî
qu’ on va le voir dans les paragraphes fuivans.
§. I. Impojfibtlité d'avoir une mèche perpétuelle :
Hifioire de l'Amiante.
Nous n’ignorons point toutes les belles propriétés
qu’on attribue à l’amiante , & qui font en
partie fondées. Ç Voye% l'article A m iant e ).
Nous ne contefterons même pas qu’on ne puiflfe
faire une mèche de. très - longue durée au moyen
de l’amiante j mais ce que nous riions, c’eft qu’el-le
fût perpétuelle : car , quoique l’on vante l’incom-
buftibilité/de l’amiante , cette propriété n’eft pas
abfolue : nous voulons dire qu’à la longue le feu
anéantit l’amiante comme tout autre corps. Il eft
bien vrai qu’un linge d’amiante, jette dans le feu ,
en eft retiré fain & entier , mais pas abfolument :
on remarque qu’ il-perd quelque peu de fon poids,
& ainfî à chaque fois qu’ on l’expofe au feu. Il fe
détruiroit donc à la, lorigae, & peut-être même
dans un temps aflez court, comme dé quelques
jours de fu ite , fi l’on ne faifoit autre chofe que
le faire rougir & le laifler refroidir , ou fi ori le
laiflfoit tout ce temps dans un feu très-vif. Ainfî ,
une mèche d’amiante fouffriroit de même au bout
d’un temps une entière deftruêtion.
On a tenté de faire des mèches avec des faif-
ceaux de fils d’or trait, de la plus grande fineffe,
M mm m z