
l ’échiquier ; toutes les portes de la commode
turent ouvertes pendant quelques inftans, pour
nous faire voir qu’il n’y avoit dans l’intérieur que
des rouages , des leviers , des cadrans , des relï'orts.
L ’automate n’avoit pareillement dans ion eftomac
que des fils de fe r , des cordes & des poulies 5 le
tout fut traîné fur quatre roulettes dans diftërens
coins .de la chambre , pour nous prouver que la
machine n’avoit aucune communication avec les
appartemens voifins. Après cette obfervation 3 il
nous parut évident que l’automate ne fe remuoit
que par fes propres refforts, mais fes mouvemens
nous femblèrent bientôt être l’effet dès raifontte-
mens les plus profonds 8 c les mieux combinés. Il
gagnoit prefque toujours la partie contre les meil-.
leurs joueurs} & pour cela il eft confiant qu’ il
étoit obligé de faire à chaque inftant de nouvelles
combinaifons 3 & de prendre quelquefois un chemin
très-irrégulier j pour furprendre fon adverfaire
dans la marche arbitraire qu’ il avoit adoptée.:
« M. Hill ne pouvant rendre raifon d’une opération
fi merveilîeufe, M. Van-Eftin lui en donna
aufli l’explication. L’automate joueur d’échecs eft
mis en mouvement par un nain, habile joueur, !
caché dans la commpde ; vous ne pouvez le
voir , continue - 1 - i l , lorfqu’on ouvre les por- .
tes , parce qu’alors il a les jambes 8 c les cuiffes J
cachées dans des cylindres ■ creux qui femblènt !
deftinés à porter des roues & des leviers 3 le fefte
de fon corps eft dans ce moment, hors de la commode
, & fe trouve caché fous les jupons de l’automate
: quand on a fermé les portes de la commode
, on tourne une manivelle , fous prétexte
de monter les refforts de la machine ce qui produit
un bruit a {fez confîdérâbie 3 les roues 8 c les ;
cliquets que l’on entend, donnent en même temps
à cette expérience un air de vraifemblance & de
myftèré , & permettent au petit nain de changer
de place & 4e rentrer dans la commode fans être
entendu. »>
« Tandis qu’on promène la machine de part 8 c
d’autre fur les roulettes, pour prouver qu’elle eft !
bien ifoiée, le petit nain ferme la trappe par ou il
a palfé 5 enfuite on lève les jupes de l’automate ;
on fait voir jufques dans fon eftomac, pour prouver
qu’ il n’y a aucune fupercherie, 8 c le tout fe termine
au grand étonnement des fpeéhteurs, qui
attribuent à de fimples refforts, ce qui ne peut
provenir que d’ un cerveau bien organifé. »
•c II refte à favoir,_ dit M. H ill, comment le
nain caché dans la commode peut çonnoïtre le jeu
de fon adverfaire. ?»
« Il y a plufieurs moyens, répondit M. Van-
Eftin ; i®. on peut mettre dans chaque pièce du I
jeu un morceau de fer aimanté 5 & fous chaque
café de l’échiquier une petite aiguille de bouftole
biee feafible, afin que par fon agitation elle marque
la café qui vient d’être occupée ou abandonnée*
a0, on peut donner mentalement un numéro i
chaque café , pour la diftinguer de toutes U
autres & exprimer ce numéro à- la perfonne cachée,
foit par la pofition 8 c le nombre des doigts
qu’ on lui montre , foit par la prononciation de
certains mots ; on peut faire un échiquier demi,
tranfparent, qui, fervant de delfus à la commode
laifle l’intérieur dans l ’obfcunté, afin qu’il ne
puiife. être vu de perfonne, & qui cependant y
lai fie entrer allez de lumière pour que le nain puiflg
voir de-là tout ce qui.fe pâlie au-dehors. «
** Quand au moyen employé pour donner à
1 automate les mouvemens nécefl’aires, on voit
que fon bras & le levier intérieur qui le fait mouv
o ir , doivent être' confidérés comme un panto-
graphe,‘dont une extrémité fe meut en tout fens
pour delfiner un tableau en.grand, tandis qu’on
promène l’autre extrémité pour lui donner ces
mêmes mouvemens en petit, en lui fàifant parcourir
les traits d-un tableau en miniature. »
Automate jouant de la fiute au commandement, quoiaue
bien ifolé , au milieu, d'un jardin ,* nouvelles tables
fur lefquelles xrn fa it mouvoir des machines a
volonté, fans bafcuies , fans f l d‘drchal & fans
aimant. .
On nouspréfenta, lur une table, un-automate
jouant de la flûte ; nous crûmes d’abord qu’il y avoit
des tuyaux d’orgues cachés dans fon eftomac, que
les fons ne provenoient pas de la flûte même, &
que l’automate ne remuoit fes doigts que pour
tromper nos yeux; mais nous fumes bientôt dëfa-
bufés. On nous fit voir qu’une chandelle allumée,
qu’on approchoit de Ja bouche de l’automate,
s’étéignoit par le vent qui en fortoit 5 que la flûte
donrioit toujours le même fon quand on empechoit
les doigts de fe remuer, 8 c que le fon étoit plus
ou moins aigu, félon que le doigt de l’automate
qu’on tenoit levé étoit plus ou moins près de fa
bouche : jufques-là, ce n’étojt pas plus merveilleux
que le fameux Auteur de Vaucaufon : mais
voie; quelque çhofe de bien fingulier. M.'Vafr
Eftin nous fit voir douze ariette? fur des feuilles
volantes , & les roula pour les inférer dans 'autant
d’étuis , qui furent mis dans une efpèçe de faç à
ouvrage. Vous avez remarqué, nous d it- il,que
ces douze ariettes ne fe reflemblent aucunement j
vous allez en choifir une au hafard, & cependant
l’automate jouera auffitôt celle que vous aurez
choifie. Je mis la main dans le fac, & j’en tirai un
étui où étoit cette ariette du maréchal-ferrant:
« Je voudrçis bien vous obéir maman, s»
M. Van-Eftin fit obferver ,pour la fécondé fois
que la mufique des autres ajiettes étoit différente,
oc que j’aurois p u , par hafard, en choifir unç
autre : auffitôt, à notre grand étonnement, W
machine joua l’air que j ’ayois choifi.
I v j jqjil crut d’abord que ce Auteur 3 comme le
ioueûr d’échecs, avoit dans fon corps-quelque
main caché, qui jouoit à volonté , félon le befoin,
! & nous raconta à ce propos l’hiftoire d’un mufi-
[cien, oui, du temps de Louis X IV , gagna 24000
[livres a la foire Saint-Germain, à Paris, en faifant
[ voir une épinette qui jouoit au commandement,
& dans laquelle il avoit caché un petit enfant.
| 3VI. Van-Eftin, pour nous détromper fur ce point,
[nous fit voir l’intérieur de l’automate, ou .nous
[napperçûmes que desiroUaçes, des barillets, des
i ténor ts, des foufflets : ce n’ eft pas tou t, continua
M- Van-Eftin > choififfez la minute ou la fécondé
là laquelle vous voudrez que la flûte commence à
fc faire entendre, & elle commencera précifément
[dans ce même inftant. Cette fécondé expérience
[ayant compiettemjent réuïfi,, M. Hill d it , que cet
effet proyenoit d’ une perfonne cachée derrière là
[ tloifon, qiie cette perfonne, d’intelligence ayec.
IM. Van-Eftin, tir.oit à l ’inftant requis des çptjdpns
de renvoi, pour faire avancer ou reculer .un aimant
caché dans la table, 8 c que ce minerai, ,par
fon attraction, pouvoit, au gré dé la perfonne
l cachée, faire partir une détente de, fe r ., 8 c permettre,
par ce moyen un mouvement d’horlogerie
, qui étoit l’ame de l’ automate, d’ aller fon-
F train a l’inftant defiré.
[ M. Van-Eftin nous fit voir que la table n’avoît
[ aucune communication avec les chambres voifiriés,
[ & qu’il n’ÿ avoit aucun aimant naturel ou artificiel,
[ ni dans la table, ni fur lui. Il porta-auftitôt la ma-
L chine au milieu du jardin, 8 c revenant fur la porté'
f.du falon, qui.étoit au rez-dè-chauflee j il nous
pria de venir auprès de lu i, 8 c de fixer encore un
f autre inftant pour entendre un air de flûte à notre
volonté. Jechoifis la troifième minute, à partir
du moment où nous étions. M. Van-Eftin prit fon
l violon, 8 c après avoir préludé un inftant, il joua
[ le charmant menuet de Zélindor, que l’automate
. répéta à Tinftant que j’avois chôifi.
Je vois bien, dit M. Hill, que ce n’eft point
par l’aimant que la merveille s opère 5 mais voici
comme je la conçois.
Tartini, de d’Alembert, de Rouffeau , 8 c de
Muffchenbrock, que lorfqu’on fait réfonrier une
cor.de à violon dans un lieu où font idépofés plu-
| heurs de ces inftrumens, toutes les autres cordes
^ui font tendues à l’uniffon de la première , font
. e?tendre le même fon, fans qu’on les touche : cela
i V^nt , fans doute, de ce que l’air agité par les
vibrations de la corde touchée1, produit dans les
i autres des vibrations fimilaires & d’une fréquence
parfaitement égale. Ce principe une fois bien-éta-
13 Ie- Pgux fuppofer qu’il y a dans 1?automatê'une
corde tendue à l’uniffon de votre chanterelle ;
ans ce cas,*vous ne pouvez donner à celle-ci un
Etuitl coup d'aichet, fans produire dans la premièr.
e un frémiffement affez fenfible pour déplacer
une détente, 8 c par ce moyen laifler partir le volant
qui fert de modérateur au mouvement d’horlogerie
, caché danis la machiné.
Je conviens, dit M. Van-Eftin, que le moyen
dont vous parlez., pourroit produire quelques
effets. Vous me donnez même là une idée que je
pourrai appliquer à diverfes machines ; mais pour
vous prouver que ce n’ eft point là le moyen que
j’emploie, je vais répéter l’expérience, fans jouer
du violon., Auffitôt M. Van-Eftin fe contenta d’avancer
fa.main vers l’automate, pour lui faire
ligne de jouer ; cet ordre muet fut fuivi d’une
prompte obéiffancé : nous entendîmes un a i r , qui
fut fuivi d’un fécond} & d e plufieurs autres,jûf-
qu’ à ce que nous priâmes M. Van-Eftin de donner,
par lignes, un ordre contraire.
Nous étions tous dans l’admiration, 8 c M. Hill
dit, que l ’induftrie humaine n’avoit jamais rien
inventé de lî.étonnant. ,
Cependant, répliqua M. Van-Eftin 3 l’effet qui
vous étonne, dépend d’une très-petite caufe 5 8 c
vous celfèrez de l’admirer, quand je vous aurai
fait çonnoïtre ma fupercherie.
? ans K fie l’automate, eft un petit ferin
qui, fans,être vu de perfonne, voit tout qui fe
prefénte a travers la matière demi-tranfparente ,
qui forme, le front de la figure., & à travers le
verre qui forme fes yeux : le moindre ligne de ma
part, le fait changer de place de droite à gauche ,
& vice ver fa. Un exercice de deux mois a fuffi pour
lui donner cette habitude , 8 c je n’ ai pas eu tant de
difficulté à réuffir fur ce point, que de l’accoutumer
à faire, le mort au milieu d’une traînée de
poudre à laquelle on met le fieu à prendre lui-,
même une mèche allumée pour tirér un coup de
canon} c’eft en changeant ajnfi.de place, qu’ il
produit dans la 'machine l’effet que vous avez
attribué aux vibrations d’une corde.
Cela fuffit, dit M. Hill, pour éxpliquer comment
l’automate peut jouer à l’ inftant defiré} mais
je ne vois pas que le ferin puifle lui faire jouer
un air choifi au hafard,
C e c i, répondit M. Van-Eftin, eft encore l’effec
d’une fupercherie dé ma part. Je vous ai effedi-
veinent mpntre douzè ânettes differentes; mais
je les ai mifes dans un fac , partagé en-deux parties
égales , par une toilq qui fémble lui fervir de
doublure. La partie dû fac où vous avez mis la
main, ne cpntenqit aucune de ’ ces ariettes 5 mais
il y. avoir à leur p lacé,' cjquzè fois la même'
arkttë , dans;douzé étuis1'dîfFéjeni : par ce moyéhy
il fie m’a-pas été difficilé & J,côrihôitréi If avancé^ •
c?elle qüe'vbùs-'deviez tirer dit fac ; & dé m o n te r
là macnine potüfaire joùsr èelîç-U de préférence aux autres. :