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8°. Ne lifez donc les 1 ivres que pour vous mettre 1
au pair de vos contemporains , & pour favoir n
ce que vous inventez a déjà été inventé par d ’autres
s Pans cette dernière prc c nation , les gens
de génie préfèntent louvent comme nouvelles des
inventions très-anciennes , parce qu iis ne font
pas attention que les idees donj: ils font créateurs
ont pu germeraans d*autres têtes.
o°. Si vous ne pou ez rien inventer, quant
au fon d , foyez du moins inventeur quant à.la
forme , en rajeuniffant les anciens tours par des
circonftances neuves- ? & fur-tout ne unifiez
jamais une féance fans en faire quelqu’ un qui ,
par fes effers , fa complication & fa nouveauté ,
foit impénétrable à la perfpicacité des plus grands
connoiffeurs ; par ce moyen ils vous applaudiront
au moins une fois ; & leur fuftrage , quoique
modéré , entraînera la multitude., qui vous donnera
le fien fans réferve.
ro°. Quand vous ferez des tours dans une compagnie
de gens éclairés, gardez-vous bien de vous
attribuer un pouvoir merveilleux 8 c furnaturel j
cette prétention , trop exagérée , vous feroit
paffer pour un impofteur , & l’on refuferoit de
vous croire dans d'autres cas où vous pourriez
dire la vérité : contentez-vous de faire entendre
que l’effet dont g s’a g i t , dépend d’une caufe
non communej l’extraordinaire , quoique naturel,
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fera auffi amufimt pour des gens d’efprit, que
le merveilleux pour le vulgaire.
i l 0. Ne faites jamais un tour fans avoir préparé
des fubterfuges 8 c des réoonfes çaptieuUs,
pour les argumens folides qu’on pourrait vous
oppofer : je dis pour les argumémfdJcss , .parce
'ùe les objections mal fondées , n’ont pas bèioiii
’être prévues pour être faciles à réfoudre.
i i ° . Profitez adroitement de tous les hafards,
8 c des différent degrés de crédulité qui vous
tomberont pourainfi dire fous la main. T,es hafards
favorables fe préfentent fouvent ; mais il n’y a
que les gens d’ efprit qui fâchent les mettre à
profit.
13°. Si on vous donne, à deviner des tours
dont vous n’avez pas été; térrfoin , tâchez d’en
élaguer toutes les circonftances que la renommée
8 c la crédulité, ont pu y entaffer i mais fi vous
voyez faire un tour qui vous foit inconnu,
ne cherchez pas à le deviner , en fuppofant que
vous venez de voir des effets reels j car puifque
les tours confident toujours en des apparent s
trompeufes vous vous écarteriez du but en cherchant
la réalité.
( Voye% C h a r l a t a n , E sc am o tag e , Farc
e u r , G obelets & c ).
L.
L a m p e s p e r p é t u e l l e s .
Avant que'la phyfîque eût éclairé fur la pof-
fibilité d’un feu a&uel 6 c inextinguible, les fàvans
ont été aflez partagés fur ce qu’on devoiten croire.
Mais de tous les champions des lampes perpétuelles
, aucun n’a fait plus d’efforts pour en
établir l’exiftence , que Fortunio Liceti , dans fon
livre intitulé de reconduis antiquorum Lucernis.
Si l’on èn croit ce favant, rien n’étoit plus
commun "chez les anciens que les lampes perpétuelles
> il en voit par-tout. La lampe de
Démofthènes, celle qui bruloit dans le temple
de Minerve à Athènes, le feu de Vefta à Rome,
tout cela- lui fournit autant de preuves de la
poffibilité d’ un feu inextinguible. On ne peut
s’empêcher de rire d’une érudition fi mal digérée 5
car qui ne fait que ces feux n’étoient appelés perpétuels
, que parce qiie c’étoit un point de religion
de ne les laiffer jamais éteindre, 8 c qu’on
leur fourniffoit un aliment continuel ?
A la vérité , les autres partifans des lampes
perpétuelles, en riant de la bonhomie de Liceti,
s’appuient, ainfi que lu i, de faits plus féduifans.
Les yoici.
I . La lampe de Tulliola.
Sous le pontificat de Paül III , on trouva ,
dit-on ,* le tombeau de Tulliola, cette fille chérie
de Cicéron, à la perte de laquelle il donna tant
de 1 armes. On prétend qu’il y avoit dedans une
lampe a&uellement brûlante§ & qui s’éteignit
auffitpt que l’air- y pénétra.\ -
2,, La. lampe d‘ Oljbius.
Mais c’ eft fur-tout la lampe du tombeau d’Oly-
bius qui fournit aux-partifans des lampes perpétuelles
g n dç leurs forts argumens.
On raconte qu’en 1500, des payfans fouillant
1151 peu profondément à Atefte près de Padoue,
on parvint à un tombeau dans lequel on trouva
ûeux urnes de tèrre l’une dans l’autre. Celle-ci
contenoit, ajoute-t-on une lampe.ardente, fi tuée
entre deux fioles, l’ une pleine d’un or liquide,
1 autre d’un argent fluide.
Sur la grande -urne on lifoit ces vers ;
P lutoni facrum munus ne attingite , fur es ,
Jgnotum eft no bis hoc quod in orbe haut y
Amujemens des Sciences.
Namque elemen'ta gratyt claufit digefia labore,
Vafe fub hoc modico , maximus Olybbus.
Adfit fecundo eufios fibi copia cornu ,
Ne tauti pretium depereat laticis.
La fécondé portoit, à ce qu’on d i t , cette
infeription : '
Abite hinc'3 pejjimi furei y
Vos quid vultis-veflris cum oculis emijjitiis ?
Abite hinc vefiro cum Mercurio
Petafato caduceatoque.
Maximus maximum donum F lutoni hocfacruni
" fecit.
C ’eft à peu près ainfi que Gefner raconte cette
curieufe découverte. Mais voici quelque chofe
de plus-fort. On lit dans Liceti une lettre d’un
certain Maturantius , qui écrit à fon ami Alphène
que ce curieux tréfor eft venu en fa pofTeffion.
« L ’un & l’autre vafe , dit-il , avec les inf- .
s» criptions, la lampe 8 c les fioles d’o r , font
« venus en mes mains, & .je les poffède: vous
» en feriez émerveillé fi vous les voyiez. Je ne
donnerois pas tout cela pour mille écus d’or *>.
Voilà bien le langage d’un homme convaincu
de pofféder la plus précieufe rareté. Je ne fâche
cependant pas qu’elle ait pafifé dans aucun cabinet
connu.
Au refte , il paroît qu’ i c i , comme au tombeau
de Tulliola , un accident empêcha les gens un
peu inftruits d’être témoins du phénomène ; car
on lit dans le- crédule Porta, que les payfans
qui trouvèrent ce tréfor le maniant trop rudement
, la lampe fe brifa entre leurs mains , 8 c
s’éteignit.
3. La lampe de P allas , fils d'Evandre
On raconte encore que, vers l’an 800 de J. C . ,
on trouva à R.ome le tombeau du fameux Pailas ,
fils d’Evandre, tué, comme l’on fait, par Turnus.
On reconnut que c’étoit ce Pailas- par ces'vers :
Filius Evandri Pailas quart lancea Pur ni
Militis. oui dit j more fuo jaçet hic.
1 11 y avoit une lampe ardente, qui devoir
confequemment avoir brûlé près de 2000 ans 3
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