
j^i tué une fois d'un feul coiip de “manche à
.balai, quatre faucheurs i dans une prairie, & que,
le même jour , j ’ai mangé à mon fouper quatre
anguilles avec trois iêrpeus ». Ceci parut une
fable. Mais M. H ill, s’adreffant à un vieillard de
la compagnie , lui dit à l’oreille ., que les faucheurs
qu’il avoit tués , étoient des araignées
d’une efpèce qui.porte ce nom , & que les
trois ferpens , dont il venoit de parler , étoient
des muficiens jouant du ferpent dans les concerts
fpirituels j c’ eft avec ces trois-là 3 dit-il tout bas,
que j’ ai mangé quatre anguilles : vous voyez que
nous.en avions une pour chacun.
M. Hill j ayant enfuite prié le vieillard de ne
pas dire le fin m o t , lui demanda s’il croyoit à
J’hiftoire- des faucheurs 8c des ferpens j la chofe
eft fi croyable, dit le vieillard , & en même
temps fi facile, que, je fuis prêt à en faire autant.
On entendit cette réponfe avec la plus grande
furprife ; 8c comme le vieillard avoit la réputation
d’un homme extrêmement véridique , on
fuppofa aufli-tot qu’il y avoit .là-dedans quelque
çhofe d’extraordinaire , fans faire attention qu’il
s ’agiffoitd’un fîmpie jeu de mots.
M. Hill avoua , en riant, que les médailles
avoient été jetées au moule par lui-même, & que
c ’étoit un tour de fon invention pour embarraffer,
dans l’ocçafion, les queftionneurs.
Nombre devine.
Après cela, M. Hill devina ( en apparence)
combien de clefs une dame de la compagnie avoit
dans fa poche 5 pour cela il fit mêler des cartes
par un autre, en retenant dans fa main la.quinte-
majeure en trefle. Faites deux paquets3 dit-il enfuite,
prene\-en un au kafard3 &fous le paquet que vous
çhoifire^ , il Je trouvera autant de cartes de la quinte-
majeure en trejle, que vous ave^ de clefs dans votre
poche.
La dame , à qui on s’adreffoit, voulut aufli-tôt
prendre un paquet, pour favoir, en regardant
les cartes, fi M. Hill avoit dit la v é r ité ; mais
M. Hill l’en empêcha , en difant : « Ne regardez
pas les cartes-, Madame, ayant d’avoir montré
vos clefs 5 car, fi vous faviez trop tôt ce que les
cartes indiquent, vous pourriez bien fouftraire &
cacher une cle f ou deux, pour avoir le plaifir
de dire que je me fuis trompé. »
Alors cette dame fit voir qu’elle avoir trois
clefs ÿ 8c M. H ill, prenant aufli-tôt le paquet de
cartes qui venoit d?être choifî, y pofala quinte-
majeure en trefle. Enfuite il fit fauter la coupe ,
pour faire paffer par-deffous, les trois cartes q u i,
félon fa pronieffe , de.voi.ent. s’y trouver , pour
çorrefppndrç au nombrë 4e clefs qu’ on venoit de
montre?.
Nota. i Q. Que fi la perfonne à qui.on s’adreffe '
avoit dans fa poche^ plus de cinq clefs, il faU,
droit répéter l’opération, pouf faire enfuite une
fomme totale de toutes les cartes de la quinte en
pique, qu’on auroit fait palier à chaque fois fous
le paquet choifi.
Nota. i° . Qu’on peut appliquer ce tour à une
infinité d’objets, & s’en fervir, par exemple,
pour deviner (en apparence) combien une femme
a eu d’ enfans, &c. ( Decremfs. )
Le coureur invifible.
M. Hill parla en ces termes, en préfentant à
la compagnie une petite figure de bois, haute
d’environ quatre pouces. ( fig. 19 , pL 6 , de Magie
blanche , tome V î l l des gravures, )
V o ic i, dit-ilj lejpetit coureur invifible que je
dépêche pour toutes mes affaires importantes,
c ’eft un commiflionnaire fi difcret, qu’il ne divulgue
jamais un mot des fecrets qu’on lui confie}
c’ eft un ferviteur défintéreffé qui n’importune
jamais fon maître , en demandant fes gages} c’eft
un efpion d’autant moins fufpeét, que dans toutes
les compagnies où il eft admis, il palfe pour être
fourd & aveugle.
Enfuite il apoftropha la petite- figure de la manière
fuivante : «« Courage, M. Jean de la vigne,
allez à Dijon me chercher de la moutarde .} palfez
par Venife, pour voir fi le Doge a confommé fon
mariage avec la Mer Adriatique ». ~
M. Hill , ayant porté la- petite figure à fon
oreille, comme pour écouter fa réponfe, la pofa
bientôt fur la table,«1 lui difant: «Vous avez raifon
de me demander votre robe de fo ie , elle vous
procurera les po.liteflfes de ces gens à préjugés,
qui ne - refpeétent que l’habit, 8c qui ne recon-
noiffeot jamais le mérite fous des haillons». Ici il
parut faire une converfation avec la figure, qu’il
reportoit de temps en temps à l’oreille ; enfuite
il la couvrit de fa robe , en lui difant5,111 « Ç’eft
bien parlé, je vous entends} je fais qu’un voyageur
fans argent eft comme un apothicaire fans
lucre ou comme un poète fans un grain 4e
folie >v
Alors il porta deux fois la main dans fon gouffet,
comme pour prendre de l’argent, &_pour en
donner à fa poupée , en nous difant : cc S1
vous ne voyez rien, Meilleurs, n’en 'foyez point
furpris, jé donne de l’argent invifible à Jean
de la Vigne , parce qu’il, va voyager inviu-
blement »} en même temps il fit monter la robe
fur la tête de la petite figure, 8c montrant fes
mains, pour prouver qu’ il-n’emportoit rien > «
retourna enfuite la robe fens deffus-deffous & >el?s
dev.ant-derrière, pour faire voir que le petit nain
étoit parti invifiblement. Enfin, pour ôter tout
fo u lo n fur la préfençe du petit nain , il^ ploya J?
F A R
^obe, & la tortilla jufqu’à ce qu’el'e fut réduite
au volume ordinaire d’une petite noix.
Ce tour eft ordinairement employé pour attirer
les curieux, par ces guérilfeurs ambulans ,
qui vendent de l’orviétan dans les foires & les
marchés. Les moyens en font fimples, 8c l’exécution
en eft fi facile, qu’il ne demande aucune
airelle des mains} mais aufli il n’amufe guère que
par le grand babil de i’opérateur.
M. Hill imitoit fi bien Je ton , l’accent 8c l’éloquence
verbeufe des charlatans, qu’on l ’au-
roit pris lui-même pour un bateleur , s’il avoit
pu fe défaire de fes manières extrêmment honnêtes
, pour endoffer un habit galonné d’ori- '
peau. •>; - ;
» Meflieurs 8c dames , difoit-il , y a - t-il,
quelqu’un parmi vous qui fente des douleurs,
des vapeurs , des fadeurs ? Avec mon baume je
m’en moque. Etes-vous afthmatique , colérique
ou famélique ? Avec mon baume je m’en moque.
Etes-vous poffédé d’ une paralyfie , de F hydrophobie
ou, de la métromanie ? Avec mon baume
je m’en moque. Y a-t-il ici des mâchoires fans
dents, des hommes fans coeur , des femmes fans
têtes, ou des têtes fans cervelle ? Avec mon
Baume je m’en moque. Tous ceux qui achèteront
de mon baume , recevront de -moi un joli pré-
fent, pour fe réjouir à peu de frais. Je leur
donnerai ».
Une chanfon burlefque ,
Dont le plan eft grotefque;
Un couplet gigantefque,
D’un langage tudefque;
Un récit romanefque,
D’un ftyle pédantefque,
Sur un air foldatefque*
Ici, M. Hill interrompit-fon difcours, pour
porter fixement fes regards étonnés vers le toit
de la maifon voifine } tout le monde fe mit aux
renetrés pour appercevoir l’objet de fon attention
, cependant on ne vit, rien } mais M. Hill
fembloit toujours regarder quelqu’ un , & faire
une converfation par ligne } enfuite , donnant
a entendre que fon petit coureur , Jean de la
vigne 3 fe promenoit fur les toits , il lui dit :
Te voilà, malheureux, tu rôdes fans chemife,
Au lieu de t’habiller pour aller à Yenife.
Viens ici tout-à-l’heure, ou je te magnétife.
Enfuite il fit reparoître dans fes mains la petite
Bute, q u i, bientôt après , s’évanouit comme
auparavant. *
Ce tour confifte dans la conftruétion de la figure
Amufemens des Sciences,
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de bois. Cette figure fe divife en trois parties
qui tiennent enfemble par des chevilles , ffk
lo i b i d ) .
Lorfque ces trois parties , réunies enfemble ,
comme dans la figure 19 y font couvertes de la
petite robe , comme dans la fig. z i ibid, le fai-
feur de tours peut facilement les détacher l ’une
de 1 autre, & en mettre deux dans fa poche *
quand il fait femblant de prendre de l’argent,
pour en donner au petit voyageur : le fpe&ateur
voyant toujours la tête de la poupée, ne penfe
pas que le tronc vient d’en être féparé , parce
que la robe de foie cache aux yeux cette amputation
} lorfqu’enfuite on met cette tête dans un
petit gouffet caché dans les plis de la ro b e , on
peut retourner cette robe de toutes les façons1,
fans que la tête paroiffe} la ployer enfuite pour
la réduire à un très-petit volume , 8c faire enfin
reparoître la tête , qui annoncera aux fpe&a-
téurs la préfençe de la figure entière.
Monorime.
M. H ill, après avoir fait difparoître fa poupée
pour la dernière fois , fe promena dans la chambre
en gefticulant & en prononçant cés mots :
Avez-vous quelque refte
Du virus de la pefte,
Meflieurs, je vous proteftc
Que mon talent célefte
Guérira d’un feul gefte
Votre poifon funefte.
Une dame de la compagnie , frappée de ce
que M. Hill employoit fouvent la même rime,
lui dit , par -une efpèce de défi : « Ce feroit
un beau tour , moniteur, f i, pour nous diftràire
fur vos opérations , vous pouviez faire un mo-
norime d’une centaine de vers ».
Cent vers , répliqua M. H i l l ç ’eft trop peu }
le moins que je puiffe en faire fur la même rime ,
c’eft une grplie , cfeft-à-dire, douze douzaines :
ce qu’il exécuta fur le champ.
Coup de tête contre une porte.
Après ce tour de force, M. Hill dit : Voulez-
vous mefdatnes, que je vous enfeigne mon fecret
pour faire des vers impromptu} c ’eft de fe bien
frotter le front, non avec 1 a main, comme faifoit
Horace } mais en donnant de grands coups de
tête- contre un mur. Alors M. Hill fe donna trois
ou quatre coups de^tête contre une porte, & mit
aufli-tôt fa main au front comme pour appaifer la
douleur occafionnée par la violence des coups.
C e c i n’étoit qu’ un jeu . comme les autres tours j
V 'Y V