
promptement fans être obligé de plonger } mais
j avertis en même tems que le plus beau nageur ,
s’il ne fait plonger , nelt guère plus à l’abri des
accidens que celui qui ne fait rien du tout. Sur
cent nageurs qui de noyerit, quatre -vingt-dixr
huit ne periflent que faute d’avoir fu plonger.
Revenons à mon écolier docile.
Nos corps ne furnagent que parce qu’ils font
plus légers qu’ un égal volume d’eau : fans celav,
tout l’ art du monde n’y- feroit rien , & nous irions
toujours au fond. G’eft ce qui arrive aux noyés-
dont les poumons fe reflerrent., dont le corps fe
flétrit 3 & qui ne reviennent fur l’eauque lorfqu’au
bout de plufieurs jours , l’air contenu dans leur
corps 3 cherche à s’ ouvrir un paflage en tout fens,.
& parfonélafticité, groffit le ca,davre fans augmenter
fon poids.
Mais tous les hommes ne font pas également
.légers par rapport à leur volume. 11 eft des noyés
dont le corps n’éprouve pas la révolution dont je
viens de parler , & qui relient fur l’eau jufqu’à
une décompofition totale. Il eft même des gens
qui fe noyent, fans que leur corps foit entière--
ment couvert d’eau : ceux - ci font charge s ' de'
graine- 5 & de même que là chair pèfe moinstque
1 eau 3 la graifle pefe moins que la chair. Comment
Font-ils donc pour fe noyer 3 direz - vous ?
Hélas ! ils fe trémouffent beaucoup , parce qu’ils
ont peur : s il leur étuit poffible de raifonner , ils
fe tourneroient fur le dos 3 & conferveroient ainft
la .liberté de refpirer.
De plus j il eft des perfonnes qnr, fans paroître
graffes 3 font beaucoup plus légères que d’aiitres
qui font ide leur taille, 5 & chez tous les hommes 3
les jambes feront plus ou moins légères dans l’eau,
relativement à leur fo rm e à leur longueur , à la
capacité'du tronc, à la grofleur de la tête. G’eft
pourquoi les- uns ont befoin de nager dans une
fituation peu inclinée à l’horizon pour- diminuer
le: poids de leurs jambes ■ & de leurs êuiifes -, d autres
de s’incliner davantage pour l’augmenter ,
d’autres enfin de fe tenir entièrement debout. Le
véritable nageur eft celui qui nage dans toutes les
fituations, qui ne fe repofe d’une manière que^ar
une autre , qui 3 ayant beaucoup de chemin à
faire 3 & cr-aignant d’être faifi d’unexrampe-, variera
fés. attitudes pour .donner de l’a&ion aux muf-
clés qu’il lent près de Té roidir. *
- Si mon écolier a le corps tendu , les cuifles &
les jambes ferrées , les talons joints , les pieds
en-dehors , les bras tendus , les doigts de chaque
maiu{ ferrés .les uns contre les autres & bien tendes
, les mains au.niveau de l ’épaule , & la paume
de-s mainy tournée j contre le fond., il aura la légèreté
néceffaire pour fumager : fon corps arrivera
h fleur d^au ; fe_s feftès &Ta fête fe préfente-
ïont .en même tems. t
1 Mais fa tête ne pourra pas fortir toute entière*
le fpeélateur n’en verra que* la moitié. Ce n’eli
pas que la force manque à l’eau pour foutenir le
tout j car j ai vu des gens dans cette fituation porte
r ,un morceau de plomb de trente livres & plus
qu’on leur mettoit fur le dos. C ’eft donc le défaut
d équilibre qui s’oppofe à ce que la tête puiiTe
fortir 5 & cela eft fi vrai , que f i , au liêu de placer
fur le dos le morceau de plomb dont -je parle, on
eji mettoit feulement quelques onces fur une feffe,
le plongeur ne pourrait les foutenir, & enfonce-
roit du côté qu’ on les aurait mifes.
Il ne manque donc à mon écolier qu’ un contre-
ppids pour qu’il parvienne à mettre la tête’W s
de l’eau : il eft necefîaire que ce contrepoids foie
* placé à l’autre extrémité de fon corps , & qn’;l
foit le maître de l’ augmenter ou de le diminuer à
volonté. Ce contrepoids fe trouve dans les jambes
: elles acquerront plus ou moins de pefanteur,
félon qu’il les rapprochera ou lès éloignera de la
ligne'verticale.
• Les deux mouvemens doivent être faits à-Ia-
fois , celui d’élever la tête , & celui d’ abaifler kj
jambes. Vous ferez ce dernier par gradation, à
; ïmfure que vous fentirez»votre tête s’appefantir.
Pendant cette double opération , vos bras relieront
tendus horizontalement & én avant. Si vous
les abaiflîez , cela fuffiroit pour vous faire perdre
1 équilibré : à plus forte raifon fi vous tentiez de
les fortir de l’eau.
Vous avez la tête à l’air , vos pieds touchent)
la terre mais cela ne fuffit pas. : il faut encore
une petite manoeuvre pour vous relever , la
voici.
Y os-bras forment,- en avant de votre.corps, lin
poids qui vous eft devenu nuifible , & qui vous
fera utile par-derrière : il faùt les y porter, mais
de façon a diminuer leur pefanteur dans leur route,
plutôt que. de Patigmenter.. Vous réuftîrez’pleinement,
fi vous , leur faites décrire fans vous pref--
fer, une.portion de cercle autout de votre Corps ;
obfervant que les mains.neceflent d’ ê.tre tendues,
que la paume foit fixée invariablement contre
terre, que la main foit aufli .élevée que le coude,
& le coüde,auflî élevé que. l’épaule. Lorfqu’ils feront
’àflTez en-arrière pour augmenter’ le çontre-
poids qué forment ÿos jambes, vous tournerez
vos mains comme fi vous vouliez lés joindre der-
. r iè r e jé dos. Les doigts garderont la même dif-
pofition les uns à l’égard des autres'j mais les
mains feront difpoféès de manière que les deux
paumes fe feront face : abaiffez un peu les bras.
Enfuite pliez tes genoux , portez les feffes én-
ar.ri'ere , vous ferez le. .maître de vons re*
drefter.
Cette manoeuvra doit Te faire-la-vec jbeaucoup
de lenteur, pa^pe qu’én agiflant avec précipita
don’, il pourrait arriver que le poids de derrière’
devînt trop confidérable : ce qui expoferoit l’écolier
à tomber à la renverfe, s’il n’avoit foin ,
auâi-tôt qu’ il fe fentiroit chanceler, de rejeter
{ès bras en-avant, en leur donnant unedireétiçm
pliis ou moins oblique.,
. C’eft. ici que l’on commence à éprouver l’avantage
de fàvoir plonger.. Mais mon écolier tombe
t-il à la.'renyerfe ? il s’étend aufli-tôt, met
la main gauche fur lç ventre , élève le bras droit
&la jambé droite, & fon corps fe trouve tourné -
fur le côté droit. Qu’ il rapproche la jambe droite
de la gauche, qu’il étende le bras droit le long
du corps.i & en portant fe bras; gauche en-avant f \
jl.achevera de fe tourner fur lë ventre, s
Enfuite il emploie , pour mettre le nez à l ’air ,
Jes moyens 'indiqués plus haut.
Veut-il, refp.irer fans changer la pofition ren-.
verfée dans laquelle il-, eft tombé ? je le reprends
au moment de fa chute. Qu’ il joigne les talons ,'
écarte la pointe des pieds, .étende le bras de.chaque
côt.é le. long de fon corps , la paume de la .
main tournée contre le fond , &: l ’articulation du
ouce .appuyée contre la hanche 3. qu’ il fe roidilfe
ién :vfoh :côf ps montera au même inftaht : fon
nëz & fa bouche feront au-deftiis de la furface de'
l’eau.- Mais il faut fe garder de foulever la; tête.
Quand il aura’ refpiré tout à fon aife, il pourra
facilement nager dans cette poftùre. Il faut pour
cela que les jambës, pendant le moiîvèment/j - ne
s’écartent guère du plan horizontal. Ce mouvement
confifte à rapprocher les talons des feffês ,
en écartant les genoux, & à roidir les jambes &
les cuifles., en les étendant avec promptitude'. La '
plante des pieds éprouvera une réfiftance en ra'ifon.
de laquelle, le nageur, avancera -fur le; dos. ,
Noiis n’aviqns. encore parlé que du poids " dé
l’ëatt, nou's Venons' d’y joindre, .fa réfiftance.
On peut employer la réfiftance de l’eau avec fuc-
cès, pour fe - relever Ibrfqu’ôn eft plongé fur le
ventre. Je reprends mon écolier à l’inftant où f a ’
tête étoit à moitié dans l’eau.
Inclînëz Vos jambes-vers le fond, mais léhtè-
ment & en pliant les reins. Eloignez un peu' lés
coudes, en rapprochant les mains l’une' d e l’autre
-('mais que la pofition horizbntale fubfifte toujours
) : donnez à yos mains la forme qu’elles :
prendroiént, fi vous les appuyiez fur un globe’def
fept „ a .huit .pouces de. ,,diamètre. 3^.en.,.,0bfervaiit.
neanmoins de tenir les doigts bien ferrés les ,uhs
contre les autres. Preflez avec, vigueur. & d’un
feul coup l’eau qu’elles'rqricpntrerpnt dans .leuî1’
chemin, comme fi yous, vouliez : v laTaice .paÉer; <
entre vos cuifles, & faites un faut par-deffus p le s 1
jambes écartées; L ’appui fera plus que fuffiùht
pour vous remettre debout.-
Paflbns à laN manière Ample d’apprendre â
nager.
La plupart de ceux qui te mêlent de donner des
leçons , prétendent qu’il eft eflentiel de ne pas
chercher un appui dans un corps léger, fous prétexte
que lorfqu’on eft parvenu à déployer Tes
propres forcés , on enfoncé trop dans l’èau , &
que cela fé convertit en habitude. Il ne faut que
.réfléchir un moment pour reconnoîtreTabfurdité
de cette prétention. Ce n’ eft point une erreur de
leur p art, c’eft une petite fupercherie qui leur
rapporte de l’argent. Ils dirigent leurs écoliers plusieurs,,
mois de fuite, plufieurs années même , en
leur tenant la main fous le menton , fous le ventre
, ou enfin en les attachant à une corde qu’ils,
tirent par un bout : delà vient peut-être que des
gens d’efprit qui n’ont jamais pu réuflir a nager,
en prenant de ces fortes de leçons, fe font per-
fuadés que la natation efl un an rempli de difficultés.
Mais tous les appuis ne font’ pas également
sûrs, & toutes les manières de Ten fetvir ne font
pas également bonnes.
Les bottes de jonc empêchent les bras de fe
mouvoir avec facilité. *
Les yeflies font fujettes à crever. Les calebaffes
ou bouteilles de pèlerin, ont aufli leur inconvénient
î la chaleur1 du foleik dilate l’air qu’elles
; contiennent r, le bouchop faute , & l’eau y pé-
Inètre; 4 a^ eur5 3 un choc peut les cafter, de
•mêmequf les:boîtes;de fer blanc QU d’autre métal.
; J’ai été. témoin de plufieurs accidens occafionnés
ar toutes ces, machines à vent. On verra plus
as qu’ il faudroit encore les rejetter, quand meme
; elles ne feraient .pas dangereufes.. "
\ Je ne .connois1 que le liège qui puifle être em-
fployé par les commençàns. Les uns s’en font une
)double cuiraflé; qu’ ils attachent par les côtés avec
‘des cordes-: d’autres fe fervent d’une feule planche
.quiJleur couvre, la poitrine & le ventre : d’autres
‘mettent la planche par derrière, & laiflent le
»devant à nud. Cette maniéré eft moins mauvaife
; que la précédente. J’ai vu un jeune homme q u i.
|s’ëtant cuir^fle; par-devant, s’avifa de fe tourner
(fur le dos ; tous les efforts qu’ il fit pour fe mettre
fur’ le vëntrè fiîrent vains, & il feroit péri s’il
n’eût été! fëcoüru.
• On fe fe r t, le long du Rhône & ailleurs, de
-veftes de toiles piquées.de liè g e , & fixées par
une bande qui paffe entre les cuifles, ou fimple-
merit.de epreelets fabriqués avec des bouchons
de. grofleur inégale / dont on fait une efp.èce de
tiflii avec de la ficelle : ces.inftrumens font com-
.rriodés pour aller fur l ’eau, & je fuis fort aife
iqu’on''les .ait fait connoître à Paris} mais je ce
voudrôis pas qu’on lui eût donné un nom grec.
’ Cependant leur utilité fe borne au moment pré