
tUe treüveroit un prétexte pour demander Ton
congé. Avant de la renvoyer * il lui fit choifir
l'ecrècernent une carte qu’elle cacha dans fa main*
& la pria de regarder dans un petit verre d’optique
* ou elle lut lesïVers fuivans :
Fanny, qui , dans ta main , caches le Roi de coeur ,
Ne luis plus lés confcils de ton recélateur j ,
Méprifes des ce jour Ton amitié trompeufe ,
Si tu veux éviter une fin malheurcufe.
. Les autres demoifelles qu’on fit venir fucceflj-
vement, ne firent aucun 'aveu qui mérité de trouver
place ici. Il faut cependant en excepter Miff
Molly qui * dans l’efpèce d'interrogatoire que M.
Hill lui fit fubir * avoua qu’elle avoit envoyé &
reçu plufîeurs lettres athoureufes en Latin.' M.
Hill fut d’abord bien étonné qu’une demoifelle
de quinze ans pût é_çrire en cette langue j mais il
le fut encore davantage* lorfqu’e'Jle alfura qu’elle ‘
Té a i voit fans l’entendre.
Vous écrivez donc * mademoifelle fous la dictée
de quelqu’un ? ■ ,. ■ . .
Non * Monfieur* j'écris fans le fecours de per-
fonne un latin que je compofe moi-même * à
l ’aide d’un petit dictionnaire. »
Mais ce Latin * puifque vous ne l'entendez-
point* ne lignifie rien* & doit être rempli de.
fautes..
je ne fais jamais de fautes en cette langue * &:
mon latin lignifie plus que celui des auteurs du
fiècié d’Augufte * puifque je n’en écris jamais qui
ne foit à double entente.
Vous faites.donc choix d’exprèffions amphibologiques.
je ne peux choifir les termes équivoques * puifque
je ne les connois point.
De grâce * mademoifelle * montrez-moi une de
vos lettres.
'. Je ne peux* monfieur* vous montrer celles que
j ’ai envoyées * niais en voici une que j’ ai reçue ce
’matin.. ' ■ y .. „•_ / ’ ** ‘
L E T T R E A M I S S M O L L Y D R A P E R *
Ouvrière en modes chez Madame Williams *
~ dans le Strand.
Pater pr&deftinatorum qui triumphas in excelfis 3
ametur alloquium tuum , fan&ificetur adjutorium
-tuum * obfervetur venêratio tua r qualiter in alto &
in exilio , ornatum lucis faluberrimum da mifellis
indefiaenter & renïittito nobis omijfa nofira quia nos
garçimus Amulis. nofiris * & ne mortelles producito in
objUnadontm f id relevas oratores tues a deliclo, Cvn*
fervator univçrforum qui-imper as in Aiernùm f benedi*
catur çonfilium tuum * ampligtur documçntum tuum
exerceaturpr&ceptio tuafimul in excelfo , & in terrai
indùmenfum. innocent!a quQtidianum concédé poftular,>
tibus omni die ,& r e fo lv e nobis d d 'icba nofi'ra qualiter
nos compatimur luforibus nofiris 3 & ne bonosproducas
in peccatum fed prsferva Sacerdoces tuos a ûialedic•
tionibus* &,ç. &c. & C,
Ce latin * dit M. Hill* fans être des plus élé-
gïns * me paroit être très-conforme aux règles de
fa grammaire. J'y vois une efpece de thème en
deiix façons fur forai fon Dominicale* mais, je n’y
trouve rien qui vous concerne.
Et moi * répondit Mi fs Molly * j ’y vois très-
clairement que je dois dîner demain chez ma
tante * & que j’y fuis invitée par mon coufin.
A ces mots i'étonnement de M. Hill fut prefque
aulîi grand que celui qu’il avoit caufé lui-même en
entrant chez madame Williams fous un cpftume bizarre.
MilfMolly fouferivant à fa demande* fatisfit
fa curiofité *.en lui montrant par quel art une per-
fonne qui ne fait pas le latin* peut écrire en
cette langue des lettrés à double fens* dont le
myllère ne peut êtrepénétré par aucun latinille*
ni même par ceux qui lavent le même fecr.et* lorsqu'ils
n'ont pas la cfef particulière de la perfonne
qui en fait -ufage.
Voici préfentement l'explication de tout le
merveilleux rapporté dans cet article * iQ. L’opération
que fit M. Hill en devinant d’abord chez
madame Williams que fa montre .étoit en gage*
n’étoit qu'un tour préliminaire, fait par collufion
! avec la maîtrelfe de la maifon pour perfu^der aux
filles de boutique qu'il étoit pofilble de découvrir
une chofe volée/; & pour arracher plus facilement
l'aveu dé fa faute à celle qui étoit coupable:
M. Hill ayant reçu la montre de madame Williams
pour la mettre en gage de fon confente-
ment* il lui fut facile de faire croire qu'il la
voyoit avec fa lu ette chez le prêteur fur gage »
d'une autre part * madame Williams Te plaignant
comme fi la montre lui eût été v olé e , & M. Hill
' faifant femblant de ne pas connoître Mde Williams*
toutes les circonflanees concouroient à infpirer
aux ouvrières la crédulité dont on avoit befoin
dans ce moment. M. Hill auroit pu fans doute
faite croire qu’ il découvtoit les chofes volées, en
faifant le tour des trois bijoux par les nouveaux
moyens >indiqués dans cet ouvrage 5 mais il
crut obtenir le même effet avec mojns de peine
• & plus de certitude * en priant madame Williams
de lui fervir de commère dans ce premier tour.
20. Madame Williams* dans l ’entretien qu’elle
avoit eu avec M. Hill * avant qu’il vînt chez elle,
lui avoit enfeigné le nom & dépeint la figure
de quelques-unes de fes ouvrières ; par ce moyen
M* Hill poüvoit les appeller par leur nom en entrant
dans la boutique* quoiqu’il les vît pour la
première fois * ce qui * joint à la Angularité de
fon coftume * & à l’opération qu’il venoit de
faire fur la montre * achevoit de perfuader qu’il
étoit un véritable devin.
50. Pour prouver qu’ il pouvoit lire dans tous
les coeurs* M. Hill faifôit voir quatre bougies à
travers une pierre très-maffive * en faifant ufage
Tune lunette conftruite fur les mêmes principes
que celle qui Ter t à voir à travers une muraille* Sé
qui eft décrite à l’article combinaifon magique fur
un vers latin * &c. (fig. l , p l. 1 * de magie blanche 3
Cùme V I I I des gravures ).
40. Le tableau qui repréfentpit en grand la
boutique de madame Williams n'étoit autre chofe
qu’une petite eftampe enluminée* groffie par une
bonne loupe * dans une boîte d’optique préparée
d’avance j les figures qu'on y remarquoit étoient
des morceaux de papier blanc découpés * formant
des portraits à la Silhouette * fort refîemblans.
. yQ. Il étoit facilè à M. Hill de noircir à fon
gré le portrait en blanc de M iff Radegonde j pour
cela.il n’av.oit qu'à tirer un cordon pour fecouer
une houpe chargée de poudre noire.,
6°. La greffe boule qu’on voyoit monter. &
defeendre le long d'un mur* n’étoit qu'une boulette
d'ivoire * groffie par un verre d’optique, &
defeendant en zi g zag fur un carton incliné : on
ne voyoit pas diréêtement la boule à travers le
verre* mais feulement fon image* dans un miroir
incliné, placé au fond d’une boîte. Par cette conf-
truélion , la boule * quoiqu'elle allât de droite à
gauche , & de gauchè à droite., paroilfoit aller
de haut en bas & de bas en haut 5 il n'eft pas facile
de démontrer verbalement, ou avec, des figures
deffinées, par quel art on peut produire cette filii-
fion : pour une pareille explication, il faudroit
avoir fous les yeux la machine elle-même j cependant
nous allons effayer de communiquer ici'notre
idse en peu de mots’ aux lecteurs intelligens qui
voudront bien donner toute leur attention;
}Suppofez un petit carton incliné comme le toit
d une maifon 5 concevez que-ce plan incliné eft
tourne * par exemple * au midi * & qu'on y trace
une efpece de rigole en zig zag , qui Te porte en
defeendant du levant au couchant & du couchant
au levant; fi on pofe une balle de plomb, ou une
boulette d’ivoire , à l'extrémité fup.érieure de
cette rigole * elle roulera *-en fuivant la pente de
gauche à droite & de droite à gauche, jufqu'à ce
qu elle -foit parvenue à l'extrémité inférieure de
la rigole : maintenant fuppofez un miroir placé
verticalement vers la partie occidentale de ce
pian incliné méridional 5 fi au lieu de regarder la
ouïe elle-même* vous regardez fon image dans
a Blace, elle vous paroîtra aller du levant au ccuchant
* quand elle ira du couchant aii levant * &
v i c e verscî * mais fi au lieu de pofer la glace verticalement*
vous l’inclinez à l'angle d'environ 45
degrés * & que vous portiez votre oeil au point
nécefiàire pour voir l’image de la boule dans la
glace * cette boule paroîtra monter & defeendre,
quoiqu'elle aille toujours en defeendant du-levant
au couchant* & du couchant au levant* Sic.
Une machine conftruite d'après, ces principes,
& dans laquelle on fait paroître deux balles alternativement*
( foit en employant un’ compère caché,
foit à l'aide d'un mouvement d’horlogerie),
produit le plus grand étormement & donne une
apparence de mouvement perpétuél.
7 ° . Il fut facile à M. ITiîl de deviner la carte
choifîe par Miff R.adegonde * en lui faifant tirer
une cartê fo r c é e 3 ou, en lui donnant à choifir fur
un paquet de cartes cômpofé d'as de coeur : les
vers que M. Hill fit lire à cette occafionMans une
boite d'optique * étoient écrits depuis un inftanc
fur un carton percé à jo u r avec des emporte-
pièces * recouvert enfuite d'un papier tranfpa-
rent* & placé avec des lampes, au fond d’une
boîte* par un compere caché derrière la clôifon.
Pour faire voir* avec une lunette* la carte
qu'on venoit de cacher dans un porte-feuille* M-
Hill employa lé ftratagême quë voici; il mit atx-
fond d’une lunette ordinaire* à tuyau démi-tranf-
parent* une carte en miniature, pareille à celle
qu'on venoit de choifir ; cette carte groffie parle
verre de la lunette.* fembloit être la même que
telle qmon venoit d'envelopper ; & l'on no pouvoir
la voir ainfî fans croire que la îunëtté fervoir
à découvrir les objets le.« plus cachés.
8e*. Miff Molly Draper, pour écrire Tes lettres:
en latin * fans favoir cette langue * employoit le
vocabulaire cirjoint * & en fanoit- l’ufàge fuivant :
elle commençoit par écrire à part & en peu de
mots* ce qu'elle vouboit dire, foit en français*•
foit en anglois ; enfuite * au lieu de la première
lettre qui entroit dans-fon difeours, elle prenoit *
dans la première colonne du vocabulaire, le mot
-latin correfpondant à c.ette lettre ; au- lie u de la.
fécondé lettre de fon difeours * elle prenoit* dans
la fécondé colonne * le mot correfpondant ; elle"
exprimoit de même la troifième & la quatrième
lettres par des mots de la troifième & delà quatrième
colonne * & ainfî de. fuite.
Ce vocabulaire eft fait avec tant d’art*, qu'erî
prenant ainfî un mot quelconque de chaque colonne,
on forme toujours un difeours latin; &r
ces mots confervent à-peu-près le même lèns T
quoiqu'on les combinent ainfî d'autant delmanières
que les lettres de l'alphabet pour former les mots
&: les difeours de toutes les,.langues pofîîbles
mortes ou vivantes ; Il feroit dimciîe de concevoir
le nombre de ces combinaifons ; l'imagina—