
cris pour en demander autant > quand on lui refu-
foit de la viande , il mettoit dans fa bouche de
petits cailloux qu’il avaloit bientôt après 5 fi on
lui jctoit de la viande avant qu’ il eût avalé les
cailloux, il les rejetoit auflî-tot, pour prendre
la viande; maison faifoit remarquer qu’ ils étaient
déjà réduits en pouflière par l’âçrété ae fa falive ,
qu’ on difoit avoir la propriété d’un diffolvant j
au relie , quand ce fauvage fautoit' du haut de Ton
tabouret furie plancher , on entendoit remuer les
cailloux dans fon ventre, parce qu’ il en avaloit
fouvent, fans attendre qu’ils fuffent mis en diffo-
hition dans fa bouche > ce phénomène parut fi
merveilleux, que plufieurs favans fe mirent l’ef-
prit à la torture , & tirent gémir la préffe pour en
rendre railon. Je ne parlerai point ici de toutes les
obfervations fcientinques & des divers fyftêmes
qu’ on vit éclore en cette occafion ; je me contenterai
de rapporter l’ explication la plus fimple ,
parce qu’elle eil la plus vraie.
Le prétendu fauvage Moluquois étoit un rufé
Franc-Comtois, natif d’un hameau , près de Be-
fançon ; il avoit comme les nègres d’Afrique , de
la laine , au lieu de cheveux , & une phyfionomie'
de finge j cette difformité qu’un homme vulgaire
auroit regardée-comme un préfent funefte de la
nature marâtre , lui parut un don du ciel, qui devoir
un jour lui procurer des rentes ; il apprit de
bonne heure à imiter les cris & les geftes des animaux
fauvages > auxquels il relfembloit déjà par
les traits de fa figure ; fe frottant enfuite lelüorps
avec une diffolution d’ écorce de noix, il donna à
toute fa peau une couleur noirâtre & livide , que
le rems feul pouvoit effacer, il eut même dans
cette opération, plus de bonheur qu’il ne s’en
étoit propofé -, car , ne pouvant frotter fes paupières
, crainte de fe faire mal aux yeux , il fut
obligé de laiffer , au milieu de fon vifage , deux
cercles blancs qui le firent regarder des natura-
liftes comme un nègre très-fingulier. Lorfqu’en- ,
fuite il fe montra au public pour de l ’argent , le
monde fe porta en foule chez lu i, & la preffe fut ;
fi grande dans fon fpeétacle à deux fols , qu’il lui
arriva fouvent de gagner dix louis par jour. Ses i
geftes , fes cris , la difformité de fes traits , fa
chaîne qu’ il traînoit avec fracas 5 & fa nudité ,
étoient autant de circonftances qui empêchoient
de foupçonner en lui le moindre^nenfonge. Quant
aux cailloux & à -la viande crue qu’ il mangeoit ,
c’étoit moitié vé r ité , moitié illuiion. Dès qu’ on
lui jetoit un morceau de viande , il lui donnoit
un.coup de dent en grognant, & en avaloit une
très-petite partie ; mais il alloit dépofer le refte
derrière fon pilier, où il prenoit du fang pour
rougir fes lèvres ; il revenoit, ayant dans fa Douche
un morceau de rôti , que les fpeélateurs pre-
noient pour le refte de la viande crue dont il s’é-
foir emparé avec tant d’avidité : cette fubftitution
de la part n’étoit point foupçonnée, parce qu’il
[ »Voit l’apparence d’un animal extraordinairement
carnivore. Le penchant qu’ il fembioit avoir à fe ca-
f cher derrière ion pilier paroiffoit d’autant plus natu*
rel qu’on fait en général que les animaux fauvages
peu accoutumés aux regards de l’homme,& réduits
en captivité, n’ofent manger devant leur maître: la
faim les oblige quelquefois d’accepter le morceau
qu’onleur donne; mais ils l’emportent auflkôtdans
un coin pour le dé vorer en cachette. Tel étoit (en
; apparence) notre. Comtois , quand il palToit <âer-j
rière fon pilier. Sa manière de manger les pierres
étoit un peu différente ; il tenoit fur une aftiette
des -cailloux de différente groffeur j il choififfoit
les plus petits , les plus ronds , & les plus polis,
qu’il avaloit tout entiers , après-avoir fait fem-.
blant de les pulvérifer dans fa bouche j mais il ne
• les digéroit pas mieux que certains Savoyards ne
digèrent les noyaux dé cerife qu’ils avalent.. . .
Le public ne voyoit jamais manger les gros cail-
. loux j mais en voyant avaler les petits , il fuppo-
foit naturellement que les gros auroient leur tour,
& qu’étant mis fur la même aftiette , ils dévoient
avoir la même deftination. Lorfque, pour compléter
l’illufion, le Lithophage , après avoir mis
un caillou dans fa bouche , faifoit femblant de le
cracher pour le faire voir en pouflière j ce n’.étoit
point la poudre du même caillou j ce n’étoit même
pas toujours de la pierre pulvérifée qu’il faifoit
voir : c’étoit tout Amplement les débris d’une boulette
de poudre grife qu’il avoit cachée auparavant
dans une breche faite à fa mâchoire par un arracheur
de‘dents.Cefait, auquel je n’ ai point ajouté
un iota , peut être attefté par plufieurs témoins
oculaires , qui l’ont examiné avec affez d’attention
, & affez fouvent pour s’ affurer de la vérité.
( Decremps ) .
Moyen, de, défaire un double noeud fans le toucher.
M. Hill fit un double noeud à un mouchoir & le;
* dénoua , ou parut le dénouer fans y toucher j
voici par quel moyen :
Après avoir commencé le noeud comme dans
la fig, 1 y, p l 6 de Magie blanche,onle ferre un peu,
en tirant foiblement les deux bouts fupérieurs A
& B j enfuite on continue de ferrer bien fort,
en tirant vigoureufement le bout B & la partie
C , premier coin du mouchoir j & comme cette
extrémité B & la partie C appartiennent à un
feul & même coin du mouchoir , elles ne peuvent
être ainfi tiraillées fans perdre la route tor-
tueufe qu’ elles avoient commencé de prendre
dans le noeud, pour ne fuivre alors que la ligne
droite. Cependant la partie D , q u i, avec l’extrémité
A , -forme, le fécond coin du mouchoir,
fa it, autour du premier coin , une efpèce de
noeud coulant, que l’on peut faire gliffér facilement
avec le pouce & l’index de la main droite,
dans l ’inftanc où on l’enveloppe avec le. milieu
du mouchoir. Pour que la compagnie ne penfe
point qu’il y ait un noeud coulant, on commence ,
quand on veut exécuter ce tou r, par faire-deux
0 j trois noeuds bien réels & bien ferrés 5 on les
'enveloppe dans le milieu du mouchoir., & on
fe vance de pouvoir les défaire fans y toucher,
,en défiant les plus adroits d’en faire autant. Si
quelqu’un accepte le défi , on lui prouve alors
fon imprudence , en lui faifant voir que , pour
défaire cés noeuds , une main ne lui fuffit pas >
in .is G tout le monde convient de la difficulté
ou de rimpoflibiiité , on apoftrophe quelqu’un
de la compagnie , en difapt : « Vous croyez
sj peut-être , Moniteur , que le noeud n’y eft
ss déjà plus j je vais vous prouver le contraire. «
Alors on defferre foi-même les noeuds, & la.difficulté
qu’on a à y paTvenir,prouve q u e , dans
je premier cas , ce n’étoit pas un noeud fimulé.
L’efpèce de noeud coulant que l’on fait enfuite en
recommençant le tour , relfemblant extérieurement
au premier noeud qu’on vient de défaire,
eu , aux yeux du fpedtateur , un véritable noeud
gordien j il n’eft donc pas étonnant que celui
qui le défait en un clin-d’oe il , & d’un coup de J
pouce:, dans l’inftant même où il par oit l ’envelopper
dans le milieu du mouchoir , obtienne ;
les applaudiiiemens de toute une compagnie , j
loriqu’ènfuite il fe vante de le défaire fans y
toucher, & qu’ il fe contente de faire fecouer
le mouchoir pour faire difparoître toutes les traces
du faux noeud coulant.
.. Tour de VEcu fur une table.
Après ce tour *, M. Hill mit fur une table un
petit écu , qu’il couvrit d’ un mouchoir, & le
-fit palier invifiblement, & au grand étonnement
de la compagnie , dans un gobelet à travers
la table.
Pour faire ce tour , il fubftitua au premier écu
qu’il avoit montré_a la compagnie. , un autre
■ écu attaché d’avance à un f i l , au bout duquel I
étoit une épingle pliée en crochet , fig. 16 , pl.
6 de Magie blanche , tome V I I I des gravures.
Ayant accroché l’épingle fous le mouchoir , H
tenoit fa main gaüche à fix ponces au-deffus de i
la table, eh pinçant l ’écu fubftitué -, dont on
Voyoit la forme à travers le mouchoir „ tandis
que l’autre main tenoit, fous la table , le premier
écu fur le bord d’un verre 3fig> 17 » ibid.
Laiffant alors tomber l ’écu de fa main gauche ,
fur une aftiette, qui étoit fur la table,il lâcha pref-
que dans le même inftant l’écu de fa main droite,
dans le gobelet. Le fpeélateur, ayant l’oreille frappée
par la chûte d’un écu fur l’affiette,,& entendant,,
immédiatement après, le fon d’un é cu , tombant
dans un Verre, s’imagina naturellement que c’étoit ;
Jè même écu > d’où Hf conclut qu’il av oit traverfé
la table 8c Taffiette , par des moyen* merveilleux
& furnaturels. Les piüs incrédules, qui , jufqu à
ce moment, avoient au moins douté du tau ,
Lurent obligés de bannir leur fepticiime , br de
crier merveille comme les autres, loriqu'iL vu . nt
que M. Hill prenoitle mouchoir par deux bouts,
pour faire voir , en le fecouant , qu'il n'y avoit
aucun écu ni dans le mouchoir , ni fur l'alliette s
ils ignoroient que l'é cu , tombé, fur l'alfiette,
tenoit au mouchoir par un fil -, ils ne faiioicnc
pas attention qu'on l'avoit foulevé doucement 8e
très-délicatement , pour l'empêcher de fonner
une fécondé fois, & qu'en fecouant le mouchoir,
on ne le montroit que .d'un côté , pour cacher
l'é cu , qui pendoit par, derrière , &c.
M. Hill métamorphofa enfuite l'écu en une
médaille par le premier moyen que nous avons
indiqué pour la fubftitution de la jarretière ( fe .
10 , i l i l 3 pl. q. de Magie blanche ). Un des
fpeélateurs s'apperçut de l'efcamotage, & voulût
faire part à M. Hill de ce qu'il avoit vu. Pour
leidiftraire d’une obfervation trop bien fondée
M. Hill le pria d’examiner avec beaucoup d'attention
l’empreinte de cette médaille , 8c de plufieurs
autres toutes pareilles.
Puifque vous êtes fi pénétrant, dit M. Hill ,
devinez en quel fiècie 8r en l'honneur de qui
elles ont--été frappées. Le fpeéiateur, les examinant
de près , n'y trouva aucune infeription 5
elles étoient polies 8ç feus aucun bas-relief d'un
côté , 8c la figure qu'on voyoit de l'autre étoit
prefque. régulière ; les médailles , au lieu d'être
rondes, comme les autres , avoient l.i forme d'tia
quadrilatère oblong , dont les angies étoient cependant
un peu arrondis {fig. 18 , pl. 6 , de Magie
blanche. )
Elles étoient noire? , 8c , parmi lès métaux
doct elles étoient compofées 3 il y avoit à-peu-
près un cinquième d'argent. Ces circonftances
déconcertèrent un peu le fpeélateur , qui avoua
fon incapacité, j cependant, pour donner à-en tendre
qu'il avoit autant de pénétration qu'un autre
il ajouta cpi’ il défioit le plus favant antiquaire dé
dire d’où vendient cés médailles. ' . ' '/
Jé ne fuis ni favant ni antiquaire répliqua M.
Hill , 8c cependant je vais vous dire d’ou elles
viennent : elles viennent d'une île fauvage , où
j'ai féjourné quelque temps fur la côte d’Afrique.
Quelqu’un'ayant donné à entendre à M. Hill
qu’il n’avoit jamais été fur la côte d’Afrique ,
& qu’il ne lui étoit point arrivé autant d’aventures
qu’il vouloit bien le donner à entendre dans
certaines pccafions ; il répondit qu'il avoit fait
au contraire, des chofes extraordinaires & incroyables
, dont il n’avoit jamais fait aucune
mention : « Pir exemple dit-il, je fuis bien fur
que vous ne me croirez pas, fi je vous dis que