
ifèft pas moins certain que c’étok la gamme |
dont les Grecs faifoient ufage dans le genre
chromatique. Gn ne fait point , au refte , fi
les Grecs avoient des morceaux de mufique con-
lidérables dans ce genre, ou fi , comme nous,
ils n’en faifoient ufage que dans des paffages ou
des traits de chant fort courts ; car nous ayons
auffi un genre chromatique , quoique dans une
acception différente. Cette tranfition de demi-
tons en demi-tons eft moins naturelle que la
fucceffion diatonique ; mais elle n’en a que plus
d’énergie pour exprimer certains fentimens particuliers
: aulïi les italiens, grands cotoriftes en
mufique, en font-ils fréquemment ufage dans
leurs airs«
Quant à l’enharmonique g re c , quoique regardé
par les anciens comme le genre le plus
arfait , c’eft encore une énigme pour nous.
_ our en donner une idée , quon prenne le
figne * pour celui du dièfe enharmonique, c’eft-
à-dire, qui élève la note d’un quart de ton j
l ’échelle enharmonique étoit f i , f i * , ut , m i* 3
fa , la , où l’on voit qu’ après deux quarts d e x
ton du ƒ à Y u t , ou du mi au f a 3 on palfoit au
mi ou au la. On ne conçoit guère comment il
pourroit y avoir des oreilles affez exercées pour
apprécier des quarts de ton , & , en fuppofânt
qu il y en e û t , quelle modulation on pourroit
faire avec ces fons. Cependant il eft très-certain
ue ce genre fit, pendant long-temps les délices
e la Grècé ; mais fa difficulté le nt enfin abandonner
, en forte qu’il ne nous eft pas même
parvenu de morceau de mufique grecque dans
le genre enharmonique, ni même dans le chromatique
, tandis que nous en avons dans le
diatonique.
Nous croyons cependant devoir remarquer ic i,
que cet enharmonique grec n’eft peut-etre pas
auffi éloigné de la nature qu’on l’a penfé juf-
qu’ic ij car enfin M. Tartini,. en propofantl’u-
fage de fa feptième confonnante, qui eft un
fon à très-peu de chofe moyen entre le la &
le fi bémol, ne prétend-il pas que cette intonation,
la , f i bb j fi b , re , re ,fib , fi bb , la ,
eft non-feulement (importable , mais pleine d’ agrément.?
( Le double bb indique ici le quart
de ton. ) M. Tartini fait plus, car il affigne à
cette fucceffion de fons fa bafe f a , u t , f o l ,
f o l , u t , f a , en chiffrant Y ut de ce figne by-3.
qui fignifie feptième confonnante. Si cette prétention
de M. Tartini trouve des fe&ateurs,
ne peut-on pas dire que voilà l’enharmonique
grec retrouvé ?
Il nous refte à dire un mot des modes de la
mufique grecque. Quelque obfcure que foit cette
matière , fi nous en croyons l’auteur de YHif-
tvire des Mathématiques , qui s’appuie de certaines
tables de Ptolémée, ces modes ne font autre
chofe que les tons de notre mufique , & il en
donne la comparaifon fuivante. •
Le dorien étant pris hypothétiquement pouf
le mode d’a r , ces modes, les uns plus bas que
le dorien , & les autres plus hauts, étoient :
L'Hypodorien, . . . répondant au fol.
L ‘Hypop h rygi en , . . . . . . . la bémol.
L’Hypopkrygien acutior , . . la.
L ’Hypolydien ou Hypo&olien , . , f i bémol.
L'Hypolydien , acutior . ., . pl
e Dorien
L ’Jafiien ou Ionien 3 . . . <, , ut diéfe.
L 'E o lie n ,............................ «
Le Lydien . . . ». . .
L ’ Yperdorien ............................. L’ Yperiafiien ou Mixolydien , .• .B fdU diefe..
L ’Hypermixolydien, . . . ■ K
Mais on pourroit faire cette queftion: Si la différence
des modes chez les grecs ne confiftoit que
dans le plus ou le moins de hauteur du ton de la
modulation, comment expliquer ce qu’on nous raconte
des cara&ères de ces différons modes, dont
l’un excitoit la fureur, & dont l’autre la calmoit,
& c ? Cela donne lieu de croire qu’ il y avoit
quelque chofe'de plus > peut-être , indépendamment
du différent ton, y avoit-il un cara&ère de
modulation propre. Le phrygien, par exemple ,
qui probablement droit fon origine du peuple
de ce nom, peuple dur & belliqueux, avoit un
caractère mâle & guerrier j tandis que le lydien,
qui venoit d’un peuple mou & efféminé, portoit
un caractère analogue, & conféquemment tout-
-à-fait propre à adoucir les mouvemens excités-
par le premier.
Mais en voilà affez fur la mufique grecque $
paffons à la mufique moderne.
§. II.
De la Mufique Moderne.
Tout le monde fçait que la gamme ou l’échelle
diatonique moderne, eft repréfentée par ces fons,
ut, re, mi, f a , fo l, la , f i , ut, qui complettent
toute l’étendue de l’o&ave. Il faut ajouter ici
que, de fa génération développée par M. Rameau,
11-fuit que de Y ut au re, il y a un ton majeur
j du re au mi, un mineur} du mi au fa , un
demi-ton majeur $ du fa au fo l , un ton majeur,
ainfi que du fol au la } enfin du la au f i un ton
mineur, & du f i à Y u tun demi-ton majeur.
On conclud de-là, qu’il y a dans cette échelle
trois
trois intervalles qui ne font pas entièrement juf-
te s , fçavoir,‘la tierce mineurè du re au f a : en
effet, n’étant compo(ee que d’un ton mineur &:
d’un demi - ton majeur , elle n’ eft que dans le
„rapport de 27 à 32, qui eft un peu moindre, favoir
d un 80=, que celui de 5 à 6 , rapport jufté des
fons qui compofent la tierce mineure.
Pareillement la tierce majeure de fa à la eft
trop haute, étant compofée de deux tons majeurs, '
au lieu qu’elle doit être compofée d’ un ton majeur
& d un ton mineur, pour etre exaélement dans
le rapport de 4 à j . La tierce mineure de la à utf
eft enfin altérée, par la même raifon que celle
de re à fa.
Si cette difpofition des tons majeurs & mineurs
étoit arbitraire, ils poùrroient fans doute être
arrangés de manière qu’ il y eût moins d’intervalles
altérés : il fuffiroit pour cela de faire mineur
le ton de ut à re, & majeur celui du re au
mi : on pourroit auffi faire mineur le ton du fo l au
la , & majeur celui du la au fi. Car on trouvera,
énumération fa ite , qu’ il n’y auroit plus, par ce
moyen, qu’une feule tierce altérée j au-lieu qu’il
y en a trois dans l’autre difpofition. De-là font
venues les difputes entre les muficiens fur la distribution
des tons mineurs & majeurs, les uns
voulant, par exemple, que de l’«Àau re il y eût
un ton majeur, les autres voulant qu’ il fût mineur.
Mais la génération harmonique de l’échelle
diatohique , développée par M. Rameau , ne
permet pas cette difpofition, mais uniquement la
première : c’eft celle qui eft indiquée par la future
; & , malgré fes imperfections que le tempérament
corrige dans l’exécution, ' elle eft préférable
à la première des échelles grecques, fort
defe&ueufe, en ce qu’elle ne comprenoit pas toute
l’ étendue de l’oétave : elle vaut mieux auffi que
la fécondé, attribuée à Pythagore , mi , . f a , fo l,
& c . parce que fa défînence eft plus parfaite, &
porte à l’oreille un repos qui n’eft pas dans celle
de Pythagore, à caufe de fa chute fur la tonique,
annoncée & précédé par la note f i , tierce de la
quinte fo l 3 dont l’effet eft fi marqué pour toutes
les oreilles muficales , qu elle en a retenu le nom
de note fenfible.
On reconnoît dans la mufique deux modes proprement
dits, dont les caractères font bien marques
aux oreilles douées de quelque fenfibilité
muficale : c eft ce que 1 on appelle le mode majeur
& le mineur. On eft dans le mode majeur, quand,
l’échelle diatonique, la tierce de la tonique
eft majeure : telle eft la tierce de Y ut au mi. Ainfi
la gamme, ou l’échelle diatonique ci-deffus, eft
dans le mode majeur.
neure , on eft dans le mode mineur. Ce mode a
fon echelle comme le majeur. Prenons la pour
tonique j 1 échelle du mode mineur en montant
Amufemens des Sciences.
eft la y f i , ut-, re, ml, fa , fo l, %, la. Nous di-
fons en montant, car c’eft ici une Angularité du
mode mineur, que fon échelle eft différente en
defcendant qu’en montant. En effet; on doit dire
en defcendant, la , fo l, fa , m i, re, ut, f i , La.
Si le ton étoit en ut, l’échelle montante féroit, ut,
re, mi b , fa., f o l , la b, f i , ut; & en defcendant
, ut, f i b , la b ,. fo l , fa , mi b , re", ut. Voilà
pourquoi, dans les ajrs en mineur , f fans que le
ton ait changé, on rencontre fi Couvent des d'ufes
ou des bémols accidentels, ou des béquarras qui dé-
truifent bientôt leur effet, ou celui de ceux qui
font à la clef. C ’eft une de ces Angularités dont
l’oreille avoit fait fentir la néceffité aux muficiens,
mais dont M. Rameau a le premier développé la
caufe, qui réfide dans la marche de la balle fondamentale
»
Ajouterons-nous à ces deux modes un troifieme,
propofé: par M. de Blainville , fous le nom de
mode mixte, & dont il enfeigne la génération &
les propriétés, dans fon Hifioire de la. Mufique ?
Son échelle eft j mi , f a , f o l , la , f i , ut, re, mu
Je me borne à dire que je ne vois pas que les muficiens
aient encore fait beaucoup d’accueil à ce
mode nouveau, & j’avoue n’être pas affez verfé
en ces matières pour pouvoir dire s’ils ont tort
ou raifoa. a ■ - v 1
Qùoi qu’il en fo it , le cara(ftère*du mode majeur
eft la gaieté & le brillant j le mineur a quelque
chofe de fombre & de trifte, qui le rend
particulièrement propre aux expreffions de cette
éfpèce.
^ La mufique moderne a auffi fes genres, comme
l’ ancienne. Le diatonique eft le plus commun,
comme il eft auffi celui qui eft le plus clairement
indiqué par la nature ; mais les modernes ont auffi
leur chromatique , & même à certains égards ,
leur enharmonique, quoique dans des.fens un peu
différents de ceux que les anciens attachoient à
ces mots.
La modulation eft chromatique , lorfque l’on
pafle plufieurs demi-tons de fuite, comme fi l’on
difoit, f a , mi, mi b, re, ou fo l , f a ,% , fa , mi.
Il eft affez rare d’avoir ainfi plus de trois ou quatre
demi-tons conféçutifs. On. trouve néanmoins,
dans un air du fécond ,a£be de la Zingara, ou la
Bohémienne 3 intermède italien, une oétave prel-
que entière de Y ut au re inférieur, toute en demi-
tons ; ce qui fait dix demi-tons confécutifs. C ’eft
le plus long paffage chromatique que je con-
noiffe.
M. Rameau trouve l ’origine de cette progref-
fion dans Ja marche de la Baffe fondamentale
qui, au lieu d’aller de quinte en quinte, ce qui
eft fon mouvement naturel, marche de tierce en
tierce. Mais il faut remarquer ici que, dans l’exactitude,
il ne doit y avoir dans le premier .paffage