
verfez-y de l'eau diftillée en affez grande quantité
pour empêcher que la liqueur brûle ou ne corrode
le papier , quand vous l'emploierez avec la
plume ou avec le pinceau : vous aurez les mêmes
effets que fi vous employez la diffolution de la
mine de cobalt préparée avec le fel marin : ce que
l'on écrira avec cette encre fympathique neparoî-
tra que lorfqu'on expofera ce papier à une chaleur
modérée, ou aux rayons d'un foleil très-ardent,
& le s caractères feront d'une couleur verte, fem-
blable à ceux qu'on pourroit former avec le vcrd
d'eau qui fert a laver les plans. C e qu'il y a de
particulier dans cette encre , c’ eft qu'auffi-tct que
le papier eft refroidi, & qu'il a pu erre pénétré de
l'humidité ordinaire de l'a ir , les caractères que
la chaleur avoit fait paroître difparoiffent entièrement
ce qui peut fe répéter un grand nombre
de fois, pourvu qu'on ne chauffe pas trop fort le
papier 5 attendu que fi par une tropgrar.de chaleur
l'écriture prend une couleur de feuille morte ,
elle ne difparoitra plus : ainfi , par exemple , on
pourroit avoir une gravure repréfentant l'hiver,
enluminer tî>us les objets , excepté la verdure,
& peindre , avec l'encre fympathique verte tirée
du fafre aux endroits convenables , des feuilles
& terraffes , obfervant de mettre l’encre plus foi-
ble aux arbres , les plus éloignés j cette préparation
faite , on met l’eftampe dans un cadre fous
*erre , & on la couvre par derrière d'un papier
qui foit feulement collé fur la bordure du tableau, j
En préfentant ce tableau à un feu modéré , ou en j
l'expofant à la chaleur du fole il, les feuillages, i
verdures & terraffes peints à l'encre fympathique j
deviendront d'un tres-beau verd î & ces verds
feront même de différens tons , fi l’on a artifte-
ment enluminés certains endroits avec une couleur
jaunâtre : l'hiver fe transformera tout-à-coup
en un très-beau printems j mais ce tableau refroidi
reprendra fon premier é ta t , & cet amu-
fement pourra fe répéter plus d’une fois.
Encre fympathique faline.
Un particulier vendoit, il y a quelques années
dans les rues de Paris , de petits papiers fur lef-
quels étoient écrites différentes devifes avec une
encre invifible. lin e s'agifloit pourfair^ paroïtre
cette encre & ppur rendre l'écriture très-lifible ,
que de mouiller le papier avec de l'eau commune 5
alors l’écriture fe manifeftoiten cara&ères de couleur
grife rembrunie, & quand on interpofoit le
papier entre l'oeil Sc la lumière , ces caractères
paroiffoient tranfparens.
Dès que les chymiftes ont eu connoiffance de
cet effet, ils n’ont pas eu de peine à trouver comment
on pouvoit le produire. Ils ont bientôt imaginé
que cette encre ne pouvoit être autre ehofe
que quelque matière faline fort avide de l'humidité.
M. Macquer ayant fous fajnain uhe diffolu-
I tien de nitrc a bafe de terre calcaire ( qui eft un de
ces fels fort avides d'humidité) , en a fait l'effai
qui a très-bien réuffi. M. Cadet, chimifte , a
etendu beaucoup l'expérience en faifant voir
qu’un grand nombre d'autres liqueurs falines
telles que les acides minéraux , vitriolkjues,
nitreux & marins affoiblis par l’eau, l'alkalî fixe
végétal & liqueur , & même le vinaigre diftillé
font toutes auffi propres à produire le même effet.
Quand on fe fert de papier un peu fort & bien
collé , 8c que les liqueurs falines qu'on emploie
font fuffifarnment aftoiblies : par exemple , d’une
once d'eau forte commune , mêlée avec trois onces
d'eau, l'écriture fe feche bien , devient ab-
folument invifible, & ne fe déforme point lorsqu'on
la fait paroître en mouillant le papier ; elle
s'efface enfuite à mefure que le papier fe feche,
& peut fe reproduire & difparoîtrè ainfi deux eu
trois lois. Voilà donc une ncuvelle efpèce d'encre
de fympathie plus commode même que celle
qu'on connoifioit déjà , en ce qu'elle fe peut préparer
avec un grand nombre de liqueurs fort communes
, & en ce qu'elle n'a befoin, pour produire
fon e ffet, ni d'être chauffée , ni d'être aidée
d’aucune vapeur ou liqueur particulière comme
les anciennes , mais de l’eau feule qui eft toujours
fous la main de tout le monde.
Encre fympatkique tirée du bifmutk.
Ce n'eft autre chofé qu'une diffolution de
bifmuth dans l'acide nitreux j on écrit avec cette
diffolution des caraCtères invifibles j expofe-t-on
le papier à la vapeur du foie de foufre , qui
eft un mélange d'alkali fixe & de foufre , l'écriture
paroît de .couleur noire. Ces vapeurs font
fi déliées & fi aCtives , qu'elles peuvent même
produire leurs effets à travers un volume entier
de papier. On écrit fur une dés feuilles de la
tête d’un in-folio avec cette diffolution de bifmuth
; on met fur la dernière Feuille de ce livre
un papier imbibé de la diffolution du foie de
foufre $ les vapeurs pénètrent à travers toutes
'les feuilles du liv r e , & font paroître au bout
de quelque temps l'écriture qui étoit invifible
fous des traits noirs très-biéh marqués.
Au refte , il eft aifé de faire plufieurs encres
fympathiques d’après lé rapport que peuvent avoir
entre elles plufieurs fubftances.
En général les diffolutions de fe l , les acides,
tels que le jus de citron , d’oignons, & c , deviennent
en quelque forte encres fympathiques j
lorfqu'on s’en fert pour écrire fur du papier > &
qu'on l'approche du feu , les fels fe défichent
, fe calcinent, fe brûlent, fe réduiint
en charbon qui fait paroître l'écriture de couler
noire.
Nous ne parlerons point ici de diverfes difiolutlons
métalliques, telles que le fer ou le plemb
dans le vinaigre , le cuivre ou le mercure dans
de l’eau-forte , l'étain dans l’eau-régale, l'émeri
& certaines pyrites dans refprit-derft-j. De telles
encres.fympathiques ont le défagrément de ronger
le papier , de manière qu'au bout de quelque
temps les caraCtères fe trouvent à jour , ^de
même que s'ils avoient été formés avec des em-
porte-pièces.
Il peut donc y avoir une infinité d'encres fym-
patiques, dont plufieurs ont été même rapportées
dans différens articles de ce Dictionnaire j mais
nous nous garderons bien d'inférer ici toutes celles
ui fe trouvent dans les livres de recette, les procé-
és font, pour la plupart fi mal décrits, & d'autres
font fi peu vraifemblables qu'ils ne méritent pas
notre attention. C'eft dans les bons livres de Pnÿ-
fique & de Chimie que l'on trouve différents
moyens de former une écriture invifible, & de la
faire paroître quand on Je veut. Voici différents
procédés curiéüx que nous en avons extrait.
i°. Ecrivez fur du papier un peu fort avec
une diffolution de vitriol de Mars nouvellement
faite dans l’eau commune , à laquelle on a ajouté
un peu d'acide nitreux, & laiffez fécher l'écriture.
Quand vous voudrez rendre lifible ce qui eft
écrit fur le papier , vous pâfferez deffus avec un
pinceau de poils doux un peu d'infufion de noix
de galle auffi nouvellement faite, & qui n'ait
point bouillie. C'eft avec ces deux liqueurs mêlées
énfemble qu'on fait l’encre commune : quand
elles font réunies de quelque manière que ce
foit, elles produifent au noir. La première en
fe fâchant fur le papier y a dépofé des parties
de vitriol qui font néceffaires à l'autre pour
rendre l’écri ture apparente. Si au lieu d’infufion de
noix de galles on faifoit ufage de liqueur faturéê du
bleu depruffe, l’écriture paroîtroit d'un très-beau
bléuT ' u ^ g g i
1 • Mettez un peu d’encre commune dans le
fond d un verre à boire j verfez deffus quelques
goûtes d’eau-forte, & remuez un peu le mélange j
le noir de l’encre difparoîtra , & la liqueur ref-
tera claire comme de l’eau pure : écrivez avec
cette liqueur décolorée ; laiffez fécher l’éCri-
ture, elle difparoîtra abfolument ; vous la ferez
teparoitre en partant deffus avec un pinceau , un
peu d huile de tartre par défaillance , parce que
cette dernière drogue abfôrbèra l’acide de l’eau
torte qui a éteint la couleur noire de l’encre.
3 •. Ecrivez fur un morceau de papier blanc
^eÆ ^pais avec vitriolique affaibli par
une ruffifante quantité d’eau commune pour l’em-
O j corr°der trop promptement le papier,
yuand cette écriture fera feche, elle ne fe verra
\ ma*?‘ paroîtra fous une couleur rouffe
au . tunie dès que vous la préfenterez un peu
u > parce que l’acide concentré par la chaleur
brûlera le papier dans tous les endroits où la plume
de l’écrivain aura parte.
4°. Faites une forte diffolution d'or fin par
l’eau régale, & affoibli.ffez-la enfuite en y mêlan»
cinq ou fixfois autant d'eau commune diftillée.
Faites à part une forte diffolution d’étain fin
par l'eau-régale, & mêlez-la avec partie égale
d'eau commune diftillée 5 écrivez fur du papier
blanc, & en vous fervant d’une plume neuve ,
ce qui vous plaira avec la première de ces deux
liqueurs j laiffez fécher l’écriture fans l'expofer
ni au feu ni au foleil $ pendant plufieurs heures ,
après,vous ne verrez aucune marque fur le papiér :
mais fi avec un pinceau ou avec une très-petite i. éponge fine vous partez légèrement de la fécondé
liqueur fur le papier é crit, fur-le-champ les caractères
prendront une belle couleur purpurine. Vous
ferez difparoîtrè ces caraCtères en les mouillant
avec de l'eau-régale pure } & quand le papier
fera feché, vous les ferez reparoître une fécondé
fois , en pafî’aht deffus le pinceau chargé de diffolution
d'étain.
y°. La diffolution d'or par l'eau régale, celle
d'argent par l'ëfprit de nitre , quand êlles font
affaiblies avec une fuffifante quantité d'eau commune
bien pure, peuvent fervir à former fur le
papier des caractères qui difparoiffent en fe fe-
chant, & qui pourroiént refter invifibles pendant
plufieurs mois fi on les tenoit renfermés dans
un livre , & qu’on ne les exposât que rarement &
pour peu de temps au grand air j mais ils deviennent
apparents en moins d’une heure fi on les
expofe au foleil ou au feu.
6 ° . Ecrivez avec du lait , de, la biere forte
ou quelqu'autre liqueur graffe ou gluante., telle
que le fuc vifqueux de certains; fruits, de certaines
plantes , qui n'ait point de couleur, &
jettez fur le papier quelque poudre fine & colorée
, en remuant un peu afin qu’elle s'étende
par-tout,* foufflez demis ou fecouez le papier
pour faire tomber ce qu’ il y , a de trop , Té*
criture en retiendra autant qu'il en faut pour
k rendre apparente. De la cendre bien brune ,
ae la , pouflîere de charbon tamifée, & c , feront
bonnes pour cet effet.
70. Sur un papier blanc , mais lâche & peu
collé , tel que celui qu'011 nomme vulgairement
papier d’office, formez des caractères avec une
forte diffolution d’alun de roche que vous laif-
ferez fécher. Quand vous voudrez rendre cette
écriture lifible, vous étendrez le papier écrit
fur une affiet-të, & vous verferez deffus de l'eau
claire jufqu'à la hauteur d’un travers de doigt.
Le fond du papier en fe mouillant.deviendra b is,
& l’écriture reftera blanche comme le papier l'é-
toit avant d'être mouillé, ce qui la rendra très
apparente.