
atteindra à unYon trop grave ou trop aigu , entonne
tout naturellement i’ o&ave ou la double
oétave au déifias. ou au deffous.
-Maintenant, que les vibrations de deux Tons fe
farfîent enforte que trois de l’ un répondent à une'
de l’autre,. vous aurez le rapport le plus fimple
après ceux ci-deffus. Qui ne fçait aufli que , de
tous les accords, le plus flatteur à l ’oreille eft
celui de la douzième bu de l ’oétave dé la quinte ?-
I l furpaffe en agrément la quinte même, dont le
rapport, un peu plus compofé, eft celui de 2 à 3.
Après la quinte, vient la double octave de la
t ie r c e , ou la dix-feptieme majeure, qui eft ex-,
primée par le rapport de 1 à 3. Cet accord eft
aufli, après celui de la douzième, le plus agréable
; & lî on l’abaiffe de la double oaave pour
avoir la tierce même, il fera encore confonnance,
îe rapport de 4 à 5 , qui l’exprime alors, étant
affez. fimple.
Enfin la quarte exprimée par \ , la tierce mineure
exprimée par f , les fixtes, tant majeures
que mineures , exprimées par £ 8c j , font des
confonnances par la même raifon.
Mais, paffé cék rapports, tous les autres font
trop compofés pour que l’ame puiffe, ce femble,,
en appercevoir l’ ordre : tels font l’ intervalle du
ton, tant majëur que mineur, exprimé par J ou
à plus forte raifon celui du demi-ton, tant majeur
que mineur, exprimé par ou | | : tels font encore
les accords de tierce 8c de quinte, pour peu qu’ils
foient.altérésV car la tierce majeure,- par exem^
pie , hauffée d’un comma , eft exprimée par f | ,
& la quinte , ' diminuée de la même quantité , a
pour expreflion ~ : le triton enfin, comme àf'ut à
fa - Sf j eft une des plus defagréablês diffonnances 5
aufli eft-il exprime pat- 11
Voici pourtant une objeélion très-forte contre
ce raifonnement. Comment, dira-t-on, le plaifir
des accords peut-il co n fie r dans la perception
des rapports, tandis que le plus fouyent l’ame
ignore qu’ il exifte de pareils rapports entré les
fons ? L’homme le plus ignorant n’ eft pas moins
flatté d’un concert harmonieux, que celui qui a
calculé tous lès rapports des parties. Tout ce
qu’on a dit ci-deffus ne feroit-jl pas plus ingénieux
que folide ?
Nous ne fçaurions diffimuler que nous fpm-
me,s portés à le penfer.,r 8c i f nous, femble que
la célèbre expérience de la réfonnançe du corps
fonore.,_ fournit une raifon plus plaufibîedu plaifir
des accords : c a r , puifque tout fon dégénère
en fimple b ruit, lorfq&’il n’eft pas accompagné de
fa douzième & de fa dixrfeptième majeure, indépendamment
de Tes oétaves >3 rî’eft-il pas.évident
quq^toutes les fois qu’ on joint, à uttfon fa douzième
©ü fa dix-feptième majeure , ou toutes deux
enfemble, on ne fait qu’imiter le procédé de la
nature, en donnant à ce fon, d’une manière plus
développée 8c plus fenfible, l’accompagnement
qu’elle lui donne elle-même , 8c qui ne fçauroit
manquer de lui plaire, par l’habitude que l’organe
a contra&ée de les entendre enfemble? Cela eft
fi vrai , qu’il h’y a que deux accords primitifs ,
la douzième 8c la dix-feptième majeures, & que
tous les autres, comme la quinte , la tierce
majeure, la quarte., la fixte :, èn tire leur origine.
On fait auffi que ces deux accords primitifs
font les plus parfaits de tous,. & que c’eft l’accompagnement
le plus gracieux qu’on puiffe donner
a un fon , quoique , pour la facilité de l’ exécution,
dans le clavecin par exemple, oh leur
fubftitue la tierce majeure & la quinte elle-même,
cp i, avec l’o&a ve, forment çe qu’on nomme
1 accord parfait j mais il n’eft parfait que par
repréfentation, 8c le plus parfait de tous feroit
celui qui .‘au fon fondamental 8c à fes oétave^
joindroit la douzième 8c la dix-feptième majeures
: auffi Rameau l’ a-t-il pratique 3 quand il l’a
p u , dans fes choeurs, entr’autres clans un de
Pygmalion. Nous pourrions étendre davantage
» cette id é e , mais ce quev nous ayons d i t , fuffira
pour tout leéteur intelligent.
On raconte des chofes fort extraordinaires de
l’eftet de. la mufique ancienne. C ’eft ici le lieu,
de les faire'connôître, à caufe ,de leur fingula-
rité. Nous le? difcute*rons enfuite, & nous montrerons
que la mufique moderne peut aller , à
cet égara, de pair avec l’ancienne.
On dit donc’"qu’Agamemnon partant pour la
guerre de Troye , & voulant eonferver fa femme
dans la continence, lui laiffa un muficien Dorien,
q u i, pendant affez long-temps , par l’effet de fes
,airs, rendit vaines les entreprises d’Egifte pour
s’en faire aimer j mais ce prince s’ étant apperçu
de la caufe de cette réfiftance , fit tuer le muficien,
après quoi il n’eut guère de peine à triompher
de Clitemneftre.
On raconte q u e , dans un ; temps poftérieur,
Pythagore compofoit des chants ou airs pour
guérir les paffions violentes | & ramener les hommes
à la yertu & à la modération : ainfi, tandis
qu’un médecin préfcrit une potion pour la gué-
rifon corporelle d’un malade, un bon muficien
pburroit prefcrire un air pour déraciner une
paffion vicieufe.
Qui ne connoît enfin l’hiftoire de Timothée,
le furintendant de la mufique d’Alexandre? Ua
jour que ce prince êtoit à table, joua un air
dans le mode,phrygien, qui fit une.telle imp'reftion
fur lu i, que déjà échauffé par le vin , il courut
à fes armes , 8c alloit charger:,les convives, fi
Timothée n’eut prudemment palfé auffi-tôt dans
le mode fous-phrygien. Ce mode calma la fureur
de l’impétueux monarque, qui revint prendre
placé a tablé.. C ’ëft ce Timothée qui effuyà
à Sparte l’humiliation de voir en public retran-
cher quatre des cordes qu’ il avoit ajoutées à fa
lyre. Le févèré Spartiate penfa que cette, innovation
tendoit à amollir les moeurs , en introduisant
une mufique plus étendue 8c plus figurée.
Cela prouve du moins que les grecs étoient dans
la perfüafion que la mufique avoir fur les moeurs
une influence particulière, 8c que le gouvernement
devoit y avoir l’oeil.
Eh ! qui peut douter que la mufique ne foit
capable de produire cet effet ? Qu’on s’interroge
foi-même, 8c qu’ on confulte fes difpofitions lorf-
qu’on a entendu un air grave 8c majeftueux, un
air guerrier , ou biên un air tendre joué ou
chanté avec fentiment ; qui ne fent qu’ au tant
les premiers femblent élever l’ame , autant le
dernier tend à l’amollir 8c à la difpofer à la
volupté ? combien de Clytemneftres ont cédé plus
encore au muficien qu’à l’amant ! Divers traits
de la mufique moderne la mettent à cet égard,
en parallèle avec l’ancienne.
En effet, la mufique moderne a eu aüfïi fon
Timothée , qui excitoit & calmoit à fon gré
les mouvement les plus impétueux. On raconte
de Çlaudin le jeune, célèbre muficien du temps
de Henri I I I , ( vbye% le journal de Sâncy ) que
ce prince donnant un concert pour les noces du
duc de Joyêufe, Claudih fit exécuter certains airs,
qui affermèrent tellement un jeune feigneur, qu’il
mit l’épée à la main , provoquant tout le monde
au combat} mais, auffi prudent que Timothée,
Claudin fit paffer fur-le-cnamp à un air,apparem-r
ment fous-phrÿgien, qui calma le jeune homme
emporté*
Que dirons-rious.de Stradella, des afTaffins duquel
la mufique de ce fameux eompofiteur fît tomber
une fois le poignard ? Stradella avoit enlevé
à un Vénitien la maîtreffe, 8c s’étoit fauvé à
Rome : le Vénitien gagea trois fcélérats pour
l’ aller affaffiner 5 mais heureufement pour Stradella,
ils avoient l’oreille fenfible à la mufique. Guettant
donc le moment de faire leur coup , ils entrèrent
a Saint-Jean de Latran, où l’on exécutoit un
oratorio de celui, qu’ils dévoient tuer : ils en
•furentfi affermés, qu’ils renoncèrent à leur proi
f c , & allèrent même trouver le muficien, à qui
sis firent part du danger qu’il couroit. Il eft^vrài
flue Stradella n ien fut pas toujours quitte à auffi
^n^che ; d’ autres fcélérats gagés par le
Vénitien & qui apparemment n’avoient point
f oreille, le pôignadèrent ~peu de temps après
a Gènes. Cela s’eft paftfé vers, 1670.
Il n’eft perfonne qui ignore' l ’hiftoire de la ta-
î ^ntu^- Le remède à la morfure de cét infeéfe
eft la mufique. Çe f a i t , au refte, qui a paffé
autrefois; pour certain , eft aujourd’hui contefté.
Quoi qu’il en fpit le ben père Schot nous a tranfmis
dans fa Murfurgia curiofa, l’air de la tarentule
, qui m’a paru affez plat, ainfi que celui
qu’il donne comme employé par les pêcheurs
Siciliens pour attirer les tnons dans leurs filets.
Il eft vrai que les poiffons ne font probablement
pas grands connoiffeurs en mufique.
On raconte divers traits de perfonnes à qui la
mufique a confervé la v i e , en opérant une forte
de révolution dans leur constitution. J’ai connu
une femme qui, attaquée depuis plufieurs mois
de vapeurs,& opiniâtrement renfermée chez elle,
avoit réfolu de s’y biffer mourir. On la déter-
-mina , non fans_grande peine, à voir une répré-
,fentation de la Serva padrona : elle en fortit prefi
que guérie , 8c abjurant fes noirs projets, quel-,
ques repréfentations de plus/la. guérirent entièrement.
Il y a en Suiffe un air célèbre, appelle le ran^
des vaches, qui faifoit fur les Suiffes engagés au
fervice de France , un effet fi extraordinaire^,
qu’ils ne manquoient pas de tomber dans une
mélancolie mortelle quand ils l’avoient entendu :
auffi Louis XIV avoit-il défendu fous des peine?
très-graves , de le jouer en France. J’ai oui parler
a un air écoffois , auffi dangereux pour cefix
de cette nation.
La plupart des animaux, jufqu’aux infeétes , ne
font pas infenfibles au plaifir de la mufique. Il n’eft
peut-être aucun muficien à qui il ne foit arrivé de
voir des araignées defeendre le long de leurs fils
pour s’approcher de l’ inftrument ; car j’ai eu plu-
lieurs fois cette'fatisfa&ion. J’ ai vu un chien qui, à
un adagio d’une fonate de Sennaliez, ne manquoit
jamais de donner des marques d’une attention
8ç d’un fentîment particulier, qu’il témeignoit
par des hurlemens.
Croirons-nous néanmoins le fait rapporté par
Bonnet, dans fon hifioire de la mufique ? 11 raconte
qu’ un officier, ayant été mis à la baftille, obtint
la^ permiffion d’y avoir un luth, dont il touchoit
très-bien. Il n’en eut pas fait ufage pendant quatre
jours, que les fouris fortant de leurs trous 8c
les araignées defeendant du plancher par leurs
fils , vinrent participer à fes concerts. Son aver-
fion pour ces animaux lui rendit, d’abord cette
vifîte . fort déplaifante , 8c lui fit fufpendre cet
exercice ; mais enfuite il .s’y accoutuma tellement
, qu’il s’en fit une forte d’amufement.
Le même auteur raconte avoir vu en 1 £88 ,
dans une maifon de plaifance de milord Portland ,
en Hollande , où il étoit en ambaffade, une écurie
où il y avoit une tribune, qu’on lui dit fervir
a donner une fois la femaine un concert aux chevaux
; 8c on lui ajouta qu’ils y paroiffoient fort
fenfibles. C_eft pouffer, il faut en Convenir, bien
loin l’attention pour les chevaux. Peut-être, &