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quels le chandelier étoit appuyé auparavant. Ces
volumes , dit P ilferer, ne font peut-être des
livres qu'en apparence > au lieu d'avoir été faits
à l’imprimerie & chez, le relieur, ils pourroient
bien avoir reçu l’exiftenee dans la boutique d'un
ferblantier j ce fer oit alors une fîraple boîte de
fer-blanc , formant une lanterne lourde > dans
laquelle il y auroit une lampe allumée , qui pro-
duiroit l'effet de la chandelle. M. Hill , quoi-
qu'attaqué par fon foible , ne fut pas encore
vaincu j il ata d'abord les volumes & fe garda
bien de les montrer de près, ou de les ouvrir ,
pour en faire voir les feuillets ; enfuite il pofà
lui même le canif fur un grand gobelet d'argent,
& fans y mettre ni plomb ni épingle , & fans
approcher la chandelle ni la lanterne fourde, il
fit fauter le canif pour la feptième fois. Perfo’nne
n’ayant pu pénétrer ce myftère -, M. Hill nous
dit qu’Ü venoit d'employer trois fois le même
agent j & que cette dernière'fois, au lieu de
faire ufage d'une lanterne fourde, il avoir mis
tout Amplement une lampe dans la patte du gobelet
; qu'un très-petit morceau de fuifi, attaché
au bout du can if, commençoit-a fondre par la
plus légère chaleur, & que la chute de la ‘première
goutte faifoit perdre au canif fon équilibre
& le laiffoit tomber au dehors. Fig 11 mime
planche .2 de magie blanche.
M. Hill prit un autre verre-, & âpres -avoir
fait remarquer qu'il n'y avoit aucune lampe, il
appuya fur fes bords le même canif , fans y
ajouter aucune matière capable d'entrer en fu-
fion par la chaleur ; il ne manqua point de faire
obferver qu'il fe mettoit à tous égards dans l'im-
poflibilité d'employer aucun des procédés dont
nous avons parlé jufqu'ici $ cependant il nous
dit que le canif fauteroit à la deuxième , troisième
ou quatrième minute, félon nos defirs. On
choifit la troifième minute , & le canif fauta ,
dans ce moment, comme on l'avoit demandé j
Pilferer , pour expliquer ce tour , eut recours à
l'aimant qu'il prétendit être caché dans un chandelier
voifin , & ne put rien imaginer de plus
vraifemblable pour rendre raifon de cette expérience
, avec les circoriftances qui l'accompa-
gnoient j mais M. Hill le fit bientôt défifter de
fes prétentions , & prouva que le magnétifme
n'y entroit pour rien , en nous donnant l’explication
que voici. ( Voyer fig. 12 ‘pl. x de magie
blanche ). J’ai mis , dit-il , près le v e r ré , un
chandelier de tôle , qui porte ,'darts fa partie A ,
du fable coulant, qui s'échappe par le trou B ,
pour defeendre dans la partie G. A tnefure qu’il
arrive dans la partie inférieure , le petit tas augmente
dans cetce'partie ; & quand il eft monté
jufqu’au trou D , le fable fort du chandelier par
cette ouverture ; & tombant fur la lame du canif,
lui fait perdre l'équilibre , ce fable arrive plus ou
moins tard au-paffage-D, -parce qu’én-hauffant ou
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baiffant le fond E de deux ou trois crans , félon
le befoin , la capacité du creux qui reçoit le
fable, fe trouve remplie plutôt ou plus tard dans
la même' proportion.
Cette explication , bien différente de celle
que Pilferer avoit voulu donner par l'aiman caché
dans le chandelier , attira à M. Hill des
applaudiffemens d'autant plus mérités, qu'il ne
failoit pas fes tours pour éblouir le peuple, &
pour avoir fon argent, mais feulement pour avoir
le plaifir de les dévoiler à fes amis , & de faite
voir que l’admiration aveugle qui ne veut jamais
attribuer des effets merveilleux , en apparence,
à une très-petite caufe , eft toujours-iule de l’ignorance
& de la crédulité.
M. Hill ne voulant pas épuifer la matière en
démontrant tous les moyens poflibles de faire le
même to u r , fe contenta de l'exécuter pour la
neuvième fo is , mais d'une manière qui lui pre-
cura la plus grande fatisfaétion. Il remit un canif
fur le bord d'un v e r re , dit qu'il tomberoit au
bout d'une minute, & après avoir affuré qu'il
defioit le plus rule de dire lé fin m ot, il èntr'ou-
vrit une armoire , où il remua quelque chofe
qu’on ne pouvoit pas bien diftinguer, parce qu’il
fembloit vouloir fe cacher, Cependant Pilferer
crut voir une machine électrique > il fe félicita
de l'avoir appercue , & s'imagina qu'à laide
de quelques conducteurs cachés derrière la te*
pifferie, on éleCtrifoit le canif pour le faire fauter
à terre. Ravi d'avoir découvert un moyen
que M. Hill fembloit vouloir cacher , il s'écria
aufli-fôt que le canif fut tombé à terre : c'étoit
bien la peine d'annoncer comme incompréhen-
fible , un tour que vous faites par l'éleCtricité.
Par l'éleCtricité , dit M. Hill , en faifant fem-
blant d'être embarraffé ! Oui fans doute, dit
Pilferer, ceux qui connoiffent le fluide ëleCtri-
que , favent bien que cet agent a comme l’aimant'la
vertu d’attirer & de repouffer ; & ceuk
ui, fans être Phyfîciens,ont éprouvé la commotion
ans l’expérience de Le yd e , ou qui ont feulement
vu le carillon éleCtrique , ne peuvent douter
que l’éleCtricité n’ait la force de faire tomber
un canif mis en équilibre fur le bord d’un verre.
Je fais , répondit M. H ill, que cela eft pofli*
ble î mais, je penfe q u e ’vous ne prétendez pas
conclure de la poffibilité. à, la réalité. Je ne prétends
pas tirer une pareille conclufion , répliqua
Pilferer j mais après avoir affuré que la chofe
eft poflible, je fuis prêt à parier qu’elle eft réelle.
Vous rifqüeriez de faire un tel pari „ dit M.
Hill ! vous voyez bien que je n’ ai ni conduéteui)
ni machine éleCtrique. Les conduCteurs 3 M
Pilferer , peuvent etre cachés entre le mur &
la tapifferie, & la machine éleCtrique peut être
dans votre armoire. M. H ill, faifant encore feffl'
blant d’étr'e embarraffé , dit qu’il n’y avoit che?
lui aucune ptachine éleCtrique -fortit poüf
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in> moment^de la chambre , fous'prétexte d’aller
quérir quelque choie. Pilferer profita de.l’oc-
cafiou pour regarder promptement dans l’armoire
par un trou qui fembloit deftiné à donner de
l’air aux objets qui s’y trouvoient renfermés.
Rapperçut une forme de machine éleCtrique avec
tout fon appareil, & regagna auffi-tôt fa place
pour que M. Hill ne le foupçonnât point d’a-
yroir eu tant de ciirioftté. Cependant M. Hill
etoit dans l'appartement voifin où il obfervoit
tous les mouvement de Pilferer à l'aide d'un
polémofcope. ( Les polémofcopes font des .miroirs
cachés, & difpofés de maniéré , que par leur
fecours on peut voir differens objets fans être
foupçonné de les regarder. ) M. Hill fut bien
fatisfait de voir que Pilferer regârdoit dans Par-
moire : il étoit même forti exprès pour lui en
donner le temps & l'occafion, afin qu'il achevât
de fe perfuader à lui-même que la machine
f éleétrique avoit influé fur le dernier tour.
Pilferer, au retour de M. H ill, lui dit : Vous
ns voulez donc pas avouer , moniteur , que vous
avsz employé la machine éleCtrique ? Je ne peux .,
dit M. Hill , toujours en héfit.ant, faire un aveu
contraire à la vérité , dans la feule vue de vous
faire plaifir j mais je parie cinquante ducats ,
aj,outa M. Hill, que je n-ài pas employé ce moyen.
On vous atiraperoit bien , dit Pilferer ,, fi on
açceptoit le pari. Je ferois fi peu attrapé , dit
M. Hill , qu'il n'y a.rien dans cette chambre
qui puiffe mettre en aCtion le fluide éleCtrique-.—
Vous comptez donc pour rien la machine qui
eft dans l’armoire. — Je vous ai dit qu’il n’y en
avoit aucune!? :—; Je ne l'ai pas v u e , dit Pilferer
en mettant cinquante ducats fur la table , mais
je perds tout cet argent, s'il eft vrai qu'il n'y en
ait pas une. Je fuis bien fur que vous n'avez pas
regardé dans l’armoire , dit M. H ill, quifavoit
bi^ le contraire ; car fi vous y aviez regardé-],
vous fauriez qu'il n'y a rien. Pilferer crut;qu'on
prononçoit ces dernières ; paroles pour l'empêcher.
de parier î mais c'étoit bien le contraire ,
car. M. Hill neffeignoit de craindre le pari que
pour donner plus de courageà fon adverfaire.
I s r ywllYCIltlor,s ae ra gageure rurent écrites
I lignées de part & d'autre 5 & Pilferer pour
I nueujc s affurer de gagner, y ajouta une feule
| condition : c’étoit que le pari-feroit n u l, dans
I Je cas où .il y auroit dans l’armoire quelque paf-
[ alp caché pour efcaftioter la machine & la faire
paji-r dans le cabinet voifin. M.. Hill ayant,'fouf-
I cqt a cette condition , ouvrit l’armoire, & fit
I y.°ir âl y avoit tout Amplement au fond d'une
I wte obfcure , à demi-ouverte , un miroir con-
I raVe ar ,ette® 3 qui réfléchiffoit l'image d'un
r rton^ tué horifontalement fur une tablette voi-
, e ^ ^ :flld ’tepréfenfoithen peinture découpée
imf ^achme éleétrique dont le plateau verdâtre
la couleur du.,verre commun*.
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» L ’ illufion d’optique qui avoit fait voir aux yeux
de Pilferer une machine éleétrique , là où ii n’y
en avoit point, furent autant de circonftancesi
qui le conduifirent dans le panneau qu'on lui ten-
dqit j & pour cacher fon mécontentement, il.
prit familièrement la main de M. Hill , enfuite
la ferrant & la fecouant à la manière anglaife ,,
comme pour lui démancher le bras , il lui dit
ayecun fourire forcé :
Voqs êtes un bon Sorcier.-
Pour vous témoigner ma reconnoiffance d'un
fi beau compliment , dit M. Hill , en mettant
dans fâ poche les yo ducats qu’il venoit de gagn
e r , je veux vous montrer l'agent que j'ai employé
pour faire le tour $ j'ai cru , dit Pilferer
en l'interrompant , que vous alliez me rend.re
les yo ducats. Vous les rendre, dit M. HilH
ce feroit vous faire un don , & vous ne l’accepteriez
pas dé ma part 5 ce feroit , dit Pilferer ,
me donner feulement, une partie de ce qui m'appartient.
Comment donc c e la , dit M. Hill ?—~
C 'e f t , répondit Pilferer, parce que j ’ai gagné
le pari , puifqu’ il y avoit réellement dans l'armoire
une machine éleéhique en peinture , &
que vous ne devez avoir gagne que dans le cas *
où l'armoire n'auroit comenu de machine électrique
en aucune manière. — Dans ce cas , dit
M. H ill, qui avoit prévu toutes les- rufes de la
chicane la plus aguerrie, j'aurois encore gagné,
parce que le carton peint que vous avez vu dans
le miroir, n’eft pas dans cette armoire j il eft
dans d'armoire voifine , & l'image en eft portée-
fur le .miroir par un.trou de communication. Le
bohémien ne pouvant prouver qu'il avoit gagnée
le. pari , auroit au moins voulu le rendre n u l,
en y trouvant des équivoques j c'eft pourquoi
il répliqua; de* cette manière : mais à caufe de cette •
-communication dont vous venez de parler, le s .
deux armoires doivent être confédérées comme
n'en- faifant. qu'une- & fous ce point de vue ,
je peux prétendre avec raifon , qu'il y avoit;
une machine éleétrique en peinture dans cette
armoire. Je paffe encore condamnation là-deffus ,
dit M. Hill : prenez , fi vous voulez deux armoires
pour une ou pour la moitié d'une, peu-
m’importe ,• mais vous conviendrez au moins que -
vous-avez-perdu lè p a r i , fi on ne trouve ni ;
dans l'une ni dans l'autre aucune machine éieétrr-
que même en peinture.
M. Hill fit,voir dans ce moment un carton
fur lequel on avoit peint une infinité d'objets en-
taffés fans aucun ordre , favoir : dans- le milieu
une pendule , un groupe d'enfans, un chat avec,
un morceau de la rd , un mouchoir & un paquet
de - linge- $ dans- les- quatre coins c'étoit une
bouteille , des livres , des jumelles de bois , du>
fil d'aichaf , une lunette g-opéra-, des- tuyaux-'