
qu'on voudroit bien lui procurer. En effet, ayant
emprunté celui d'une perfonne de la compagnie,
il s'en donna trois ou quatre coups dans l’eftomac,
& bientôt l'on vit le fang rejaillir fur les voifins
& ruiffeler fur les planches.
Confolez-vous , dit alors l’ opérateur, je vais
paffer dans mon cabinet, & me mettre un emplâtre
de poudre anti-hémorrhagique qui m’aura
bientôt guéri.
Se planter des épingles & des aiguilles dans les
jambes.
Quand le charlatan fut derrière la toile , quelqu'un
de la compagnie croyant qu'il y avoit dans
fon opération un peu de fupercherie * obferva
qu’ il n'auroit pas pu fe donner de pareils coups
furies jambes ou fur quelqu autre partie du corps,
qui n'auroit pas été couverte d'avance d'un plaf-
tron de fe r , & enveloppée d'un fac de peau un
peu appîati & rempli d’eau rougie avec au bois
de Brénl. Quand on perce le fac , dit-il, l’eau s'écou
le, & par fa rougeur elle femble du fang,
tandis que le plaftron, qui eft deffous, empêche le
couteau d’offenfer l'euomac. Cette explication
parut très-vraifemblable, mais l'efcamoteur, à
fon retour fur le théâtre, la détruifit en faifant voir
qu'il s'étoit planté dans la jambe un clou long
d'un pouce. Il pria quelqu'un de l'arracher, &
quand ce fut fait , on vit bien que c'étoit un clou
réel qui ne rentroit pas en lui-même, comme le
poignard & l'alêne, dont nous parlerons dans la
.fuite. On vit aufli que l’opérateur n'avoit pas une
jambe de bois par la manière dont il remuoit les
pieds en battant des entrechats ; d'ailleurs, comme
le clou étoit un peu long & la jambe mince, il
n’étoit pas poflible de fuppofer que la jambe étoit
enveloppée, comme l'eftomac, d'un plaftron &
d’ un fac de peau.
De cette opération , toute la compagnie conclut
que le charlatan pouvoit fe donner impunément
des coups de couteau, tant fur les jambes
que dans l’eftomac; cependant ce raifonnement
n'étoit pas jufte, car , vers le milieu de la jambe,
entre le tibia & le péroné, eft une efpèce de petite
fente couverte de l'épiderme, dans laquelle
on peut inférer , fans douleur bien fenfible , des
épingles, des aiguilles, & même de petits doux.
Je ne fais lï c'eft l'abfence des chairs, des nerfs
& des mufcles qui rend cette partie aufli infenfi-
ble que les ongles & les cheveux ,-mais les anato-
iniftes peuvent rendre raifon de cette expérience,
& je ne leur demande pas ici l'explication d’ un
fait chimérique ; car, j'ai vu plufieurs jeunes gens
fe planter ainfi une aiguille dans la jambe , & la
Angularité du fait m'a engagé à faire l’expérience
fur moi-même , quoique je la regardaffe d’abord
comme un peu dangereufe 3 fig- 8. ibid, pl. V I I I .
' de magie blanche. D êGREMPS )
Faire revivre un oie ou un dindon apres leur avoir
coupé la tête.
Nous vîmes fur ce même théâtre une autre
opération également amufante. On coupa la tête
à un dindon, après quoi on la remit à fa place, &
le dindôn courut comme auparavant ; ce qu'il y
a de remarquable dans ce tour, c'eft qu’ on coupa
réellement une' tête vivante , & non une tête pof-
tiche ; voici par quel moyen :
On fait voir un dindon fur une table, & dans
le même inftant où on pofe fa tête fous l’aile
pour la cacher , on fait paffer par un trou qui eft
au milieu de la table , la fête d'un autre dindon
caché dans îe tiroir. La tête que l'on montre en-
fuite aux fpe&ateurs , appartient donc au dindon
caché , & femble appartenir à celuvqui eft fur la
table , & comme cette tête fe remue en criant,
.tout le monde s’ imagine qu'il eft impoflible de
couper cette tête fans tuer le dindon qu'on a
fous les yeux , 8c l'on eft bien étonné de le voir
marcher un inftant après, quand la tête du dindon
caché eft efcamotée. ( Voye% fig. 9 *, pl. 8 , de magie
blanche , tom. V I I I , des gravures.,
Çovper les bras a uJi homme fans le rendre manchot,
& lui crever les yeux fans le rendre aveugle.
Comme l’efcamoteur finiffoitle tour précédent,
fon domeftique , en habit d'arlequin , vint lui
appliquer , furies é p a u le sd e u x ou trois coups
de plats de fabre. Le maître fâché de cette infulte,
ou feignant de l'ê tre , pourfuivit arléquin avec m
couteau de chaffe, en le menaçant de lui coupei
la tête comme à un dindon. Arlequin fuyoitde
toutes fes forces ; mâis il fut bientôt pris. Voilà
les deux champions qui fe prennent au collet, qui
fe pouffent & fe repouffent à forces égalés 5 un
inftant après, arlequin femble avoir l’avantage,
& en tâchant de s’échapper, il entraîne fon maître
dans la couliffe ; enfuite fon maître le ramène
fur le théâtre ; arlequin, pour mieux réfifter à
celui qui le tiraille ainfi , embraffe une colonne,
& fe tient ferme à ce point d’appui. Le maître
qui ne peut lui faire lâcher prife, prend une corde
& attache les bras 8c les jambes d'arlequin a la
colonne. Arlequin l’infulte ; le maître perdant
patience , le frappe de fon couteau de chaffe, lui
coupe les poings 8c jette fes deux mains i terre;
{fig. 10 , pl- 8 , de magie blanche') : en même-tenis
il lui crève les deux yeux , en difant : Je te cou-
feille de vendre tes lunettes 8c de ne pas accepter
de lettres-de-change payables à vue. Je peux au»!,
répondit arlequin, vendre ma paire de gands,
8c ne pas m'obliger , envers qui que ce fcit,®
lui prêter main forte ; cependant, continua-t-u,
je fuis fâché que vous ayez fait main-bajfe en tofl*
J bant fur moi à bras racourci3 parce que je ne polir
1 rai plus jouer à la m'aiti chaude ; «)ais ce qui
confole, c'eft qu'on ne m’accufcfa paà d'avoir'
les doigts crochus.
Tu te repentiras, dit le maître, d’ avoir été fi
«dolent.
Je pourrai bien m’en repentir, répond arlequin,
mais, à coup fu r , je ne m'en mordrai point les
doigts t au refis , continua-t-il, vous m'avez rogné
les ongles Après du poignet, que je ne peux
plus me gratter. Je te gratterai moi-même, répond
fe maître, s'il arrive que la main te démange ;
mais, quoi que je faffe pour t o i , ce ne fera pas
pour tes beaux yeux.
Ce dialogue prouvoit fuffifamment qu'arlequin
n’étoit pas bien malade ; aufli le maître s'avança
fur,le bord du théâtre., en difant: Ne [croyez
pas, meflieurs, que j ’aie voulu rendre manchot
un homme qui gagne pour moi de l'argent à pleines
mains ; mon but étoit feulement de vous faire
foudre,-je penfe qu'il eft inutile de vousdire que
je n'ai creve que des yeux d'émail enehâffés dans
une tête de bois, 8c qu'en coupant des bras de
carton , je n'ai perdu , tout au phrs, que deux
mains de papier. Cependant arlequin , qui s'étoit
détaché de fa colonne, vint fur le bord du théâtre
avec une_ emplâtre fur les yeux 8c Tes deux
bras racourcis (c'étoit deux bras poftiches, car
les deux autres étoient cachés fous fon habit ) ,•
après avoir pouffé un profond foupir, comme un
homme qu'on vient de mutiler, il d it: Ne l'écoutez
pas, meflieurs, car il voudroit vous faire
croire qu'il n'eft pas forcier; cependant, il eft
certain que par le fortilège de fon maîtré , arlequin,
que voilà, fera bientôt guéri.
Et tout manchot qu’il eft, fi vous venez demain.
il peut vous faire voir quelqu’autré tour de main.
( D e c r e m p s . )
SoufiraBion merveilleufe. -r .
B o en tournant la main & en faifant un peu
tourner le couteau avec le pouce , pour préfenter
le meme cote de la lame.
Lorfque, par ce moyen, on a ôté fucceffive-
mentles trois morceaux de papier d'un côté de
Ja lame , & qu on a fait, voir qu'ils fe'font éva-
noms de 1 autre côté , en montrant toujours le
meme, ri eft facile puifqu'il en refte réellement
trois ci un cote d employer le même moyen pour
taire croire d'abord qu'il y en a trois deffus &
trois délions, & pour les ôter enfuite l'un après
I autre comme auparavant, en faifant voir à chaque
rois qii il y en a deux de moins.
L'Entonnoir.
Faites faire un double entonnoir de fer blanc
( fig. i i . p l . 1. Tours de Gibecière. ) dont la furfaeë
intérieure A & l'extérieure B , foïent foudées en-
femble de manière qüe l'eau contenue entre elles
ne puiffe s écouler que par une petite ouverture
faite vers C , où la furface iritérieure joint l'a-
juftage D. Ajuftez-y une anfe vers le haut de
laquelle vous ménagerez un très-petit trou E qui
doit communiquer au vuide intérieur de cet en-
tonnoir.
Lorfque vous emplirez d'eau cet entonnoir
en en bouchant avec le doigt l'extrémité de l'a-
juftage D , l'eau fe répandra aufli entre les deux
furfaces A & B , 8e fi ayant bouché enfuite le trou
E avec le d oigt, vous débouchez celui D , l'eau
contenue dans la partie A & B s'écoulera &
celle renfermée entre ces deux furfaces y reftera
iufqu'à ce qu'en éleyqnt le doigt pour déboucher
le trou E vous y laifliez introduire l ’air alors
1 eau contenue entrëles deux furfaces s'écoulera
jufqu a ce que vous l'arrêtiez en pofant de nou-
veau, le doigt fur ce même trou.
t On applique fur la lame d’un couteau lix petits
Morceaux de papier mouillés, l'avoir, trois d’un
' coté & trois de l'autre. Un inftant après, on en
ôte un feul, & il n'en refte que quatre ; enfuite
on fait la fouftraêtion d’un fécond, Si il n'en refte
•jue deux; enfin, on en retranche un troifième,
“ f* ne refte plus rien. Bientôt après, les fix
petits morceaux de papier reparoiffent tout-à-
.c°up fur la lame du couteau fans qu’on fe foit
« e la peine de les y appliquer une fécondé
Hgn on recommence 1 opération comme aurai
avant, La merveille, àe cette fouftraâïon vient
ma Ce V ,on montre toujours au fpeélateur le
■ L m? C°jte *a !ame 5 lorsqu'on femble lui mon-
c ''« d e u x côtés différehs. Par ce moyen, il i
ct J T01r morceaux de papier de chaque
Pou/ y en a de iix deflus & trois deffous.
^oin, il faut d’abord préfenter le coutesii
Vous emplirez cet entonnoir d’eau ou de vin
& le tenant par, l'anfe vous boucherez avec le'
pouce le t r o u E , & Iaifferez écouler la liqueur
dans un verre & la boirez; prenant une efpèce
d alene dont la pointe rentre dans le manche
vous feindrez de vous en percer le front, & y
pofant aufS-tôt l’ouverture de cet entonnoir,1 vous
déboucherez le trou E & il femblera que le vin
que vous venez de boire fort par la piquure que
vous vous êtes faite.
Autre explication fur T entonnoir.
, Dar>s le même inftant que l’efcamoteur ôte t'a-
lene du front , il porte vers ce même endroit un
peut entonnoir d’où on voit fortir du vin qui ceffe
ou continue de couler au commandement. Le fè-
cret confifte à avoir un entonnoir double, c’eft-
a-dire, deux entonnoirs foudés l’un da'n's l’autre.