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BASSE FONDAMENTALE efi celle qui nteft
formée que des fous fondamentaux de l’harmonie ;
de forte qu’au-deffous de chaque accord elle fait
entendre le vrai fon fondamental de cet accord,
c eft-à-dire-, celui duquel il dérive par ies, règles de.
l’harmonie» Par où l’on voit que la bafe fondamentale
ne peut avoir d’autre contexture que celle
dune fucccfîïon régulière & fondamentale, fans
quoi la marche des parties fupéffeures feroit mau-
Yaiféi
Pour bien entendre ceci, il fkutdavoîr que , felcn
le fyftême de M. Rameau que j’ai fuivi dans cet
ouvrage, tout accord, quoique formé de plufieijrs
tons, n’en a qu’un qui lui foit fondamental ; favoity
eelui qui a produit cet accord & qui lui fert de
bajj'e. dans l’ordre direft 8c naturel. O r , la baffe
qui règne fous toutes les autres parties n’exprime
pas toujours; lès ions fondamentaux des accords :
çac entre tous les fons qui forment un accord ,
le composteur peut porter à. la bafe celui qu’il j
croit préférable y eu égard à la marche de- cette
btiße , au beau chant, & fur-tout à l’exprefïicn ,
comme je l’expliquerai dans la fuite. Alors le vrai
fon fondamental ,au lieu d’être à fa placé naturelle,
qui la baffe , fe. tranfportedans les autres parties,
eu meine ne s’exprime point du tout, & un tel
accord s’appelle accord renverfé. Dans le fond un
accord renverfé ne diffefe point de l’accord dire61
qui l’a produit ; car ce font.toujours les mèmès fons
mais ees fons formant des. combinaifons différentes,
en a long-temps pris toutes ces combinaifons pour-
autant, d’accords fondamentaux, §c on leur a donné
différens noms qu’on peut- voir au mot accord, , 8c
qui. ont achevé de les diftinguer, comme fi la
différence des noms en produifoit réellement dans
î’efpece* -, ~v ' , - ' - -
M. Rameau a montré , dans fon traité deFhar-
monte, 8c M. d’Alembert, dans fes élémens de
muff que;, a fait voir encore plus,clairement que
plufieurs de ces prétendus accords n’étotent que
des renverfemens d’un feul. Air.fi l’accord de Sixte
n’e ffqu’un accord parfait dont la tiercé eft tranf-
portée à la baffe$ en y portant la quinte on aura
raccord de fixte-quarte. Voilà donc trois combinai-
fons d’un 'accorepqui n’a que trois fons; ceux qui
en ont quatre font fiifceptible-s'de quatre combinaifons
, chaque fon pouvant être porté à la baffe. Mais
en; portant au-deffous de celle-ci une autre baffe
■ qui , fous toutes l'es combinaifons d’un même ac-*
eord, préfente toujours le Ton fondamental, il. eft •
évident qu’on réduit au tiers le nombre de,s accords
confonnàns., & au quart le nombre des diffonnans. _
A joutez à cela tous les accords par fuppofition qui
fè réduifent encore aux mêmes- fondamentaux,
vous trouverez, l’harmonie fimplifiée à un point
qnon n’eût jamais efpérè dans l’état de confufion
©ù-étoient fes .réglés avant M. Rameau. C ’eft certainement,
comme l’obferve cet auteur, une choie
étonnante qu’on ..ait pu pouffer la . pratique de cet
P I au pqintou elle eft parvenue fans en connaître.le »
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I fondement, & qu’on ait exactement trouvé toutes
les réglés fans, avoir découvert le principe qui les
donne.
| Apres avoir dit ce qu’eft la baffe-fondamentale
fous les accords , parlons maintenant de fà marche;
6c de la maniéré dont elle lie-ces accords entre eux.
| Les préceptes de l ’art fur ce point peuvent fe réduire
aux .fix réglés Suivantes.
I. La baffe-fondamentale ne doit jamais fonner
d autres notes qiie celles de la gamme du ton: où
l’on e ft , ou de celui où l’on veut paffer. C ’eft la
première 8c la plus indifpenfablè de toutes fes,
règles.
IL Par la fécondé, fa marche doit .être tellement
foumife aux loix de la modulation , qu’elle ne laiff©
jamais perdre l’idée d’un ton qu’en prenant celle,
d un autre | c.eft-à-dire que la baffe-fondamentale
ne doit jamais être errante ni laiffer oublier un moment
dans quel ton l’on eft.
III. Par la troifieme ,.elte eft affwjsttieà la liaifort
des accords & à la préparation des diffonnances
préparation qui n’eft, comme je le ferai voir, qu’un,
des cas de la liaifon, & qui, par conféquent, n’eft;
jamais néceffaire quand la liaifon peut exifter fans-
elle. Voyez liaifon, préparer, ■
IV. Par la quatrième, elle doit, après toute dif-
fonnance, fuivre le progrès qui lui eft preferit patt
lanéceflité de la fauver. Voyez fauver,
V. Par la. cinquième , qui n’eft qu’une fuite des
precedentes, la baffe fondamentale ne doit marcher
que par intervalles, confonnàns , fi ce n’eft feulement
dans un a&e dé cadence rompue ou après un
accord de feptieme diminuée, qu’elle monte diatoniquement.
Toute autre marche de la baffe-fonda*
mentale eft mauVaife.
VI. Enfin, par la ftxieme, la baffe- fondamentale
ou l’harmonie ne doit pas fyncoper, mais mat>-
quer la mefijre & les te.ms par des changemens,
d’accords bien cadencés; en forte, par exemple *
que les diffbnnances qui doivent être préparées le,
foient fur le temps foible, mais fur-tout que tous,
tes repos fe trouvent fur le , temps' fort./ Cette
fixieme réglé, fouffre une infinité .d’exceptions ::
mais le compoffteur* doit pourtant *y Tonger ,'8s’il
veut faire une mufique où le mouvement foit
bien marqué , 8c ^gjniBN!*’mefure tombe avec
grâce.
Par-teut où ees réglés feront obfervées l’harmonie
fera régulière 8c fans faute ; ce qui ^empêchera
pas que la mufique n’en puiffe être déteftable.
Voyez Compofitum.
Vn mot d é.clairciffement fur la cinquième réglé
ne fera peut-être pas inutile. Q u ’on retourne
comme on voudra une baffe-fondamentale, fi elle
eft bien faite , on n’y trouvera jamais que ces deux
chofes :-ou des accords parfaits fur des mouvemens
confonnàns, fans lefquels ces accords n’auroierit
point de liaifon , ou des accords diftonnans dans
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Bes aôes de Cadence ; en tout -atitre- cas la clif-r
fonnance ne fauroit être ni:bien placée, ni bien
Tauvée.
Il fu t de là que la baf-.-fondamentale ne petit
marcher régulièrement que d’une de ces trois maniérés.
ï° . Monter ou defeendre de tierce ou de
-ifixte. a °. de quarte ou de quinte. 3°. Monter dia-
toniquenieiït au moyen de:la diffonnance qui forme-
la l i ai f onou par licence fur un accord parfait.
Quant à la defeente diatonique., c ’eft une marche
abfo’l Liment? interdite .à Jà b||(Je-fond amentale , ou
tout au plus tolérée dans le cas de deux accords
parfaits conf cutifs , fêparés par un repos exprimé
=ou fous-entendu ?fcette regie nia point d’autre ex-
fçeption , & c’eft: pour n’avoir pas démêlé le vrai
■ fondement de certains paffages , que M. Rameau a
fiait defeendre diatoniquement la -bafe-fond,amentale
fous des accords de feptieme ; ce qui ne fe peut.
<en bonne harmonie. Voyez Cadence y Dïffonmance.
La baffe-fondamentale qu’on tf a jouté que pour
ffervir de preuve à l’harmonie , fe retranche dans
■ l'exécution , & vfouvent elle y feroit un fort mauvais
effet; car elle eft , comme dit.très-bien M.
Rameau, pour 1e jugement & non pour l’oreille.
Elle preduiroit tout au moins une monotonie très-
•enmiyeufe par les retours fréquens dû .même accord
qu’on déguife 6c qu’on varie plus agréablement en
le combinant en différentes (.maniérés fur la bafTe-
■ çpntinue;fans compter que les divers renverfemens
‘d’harmonie founiiflent mille moyens de prêter de
-nouvelles beautés au chant, & une nouvelle^ éner-
^ie à l’expreflion. Voyez Accord, Rcnverfentent.
Si la baffe-fondamentale ne fert pas à compofer de
«bonne ’mufique, me dira-t-on; fi même on doit la
retrancher dans'l’exécution , à quoi donc eft-elle
«utile? Je réponds qu’en premier lieu elle fert de réglé
taux écoliers pour apprendre à former une harmonie
'régulière & à donner à routes tes parties la marche
‘diatonique & élémentaire qui leur’ eft preferite par
>cette baffe-fondamentale. Elle fert, d¥ plus., comme
je l’ai déjà dit, à prouver fi une harmonie déjà
faite eft bonne & régulière car toute harmonie qui
ue peut^Ptre foumife à une baffe fondamentale eft
^régulièrement mauvaife. Elle fert enfin à trouver
Une baffe-continue fous un chant donné ; quoiqu’à
la vérité celui qui ne faura pas faire direftement
une baffe-continue ne fera gueres mieux une baffe-
fondajnen'ale ,«& bien moins encore faura-t-il transformer
cette bafe-fondamentale en une bonne baflè-
'continue. V.oici toutefois les principales réglés que
‘donne M.iRameau pour trouver la bafe-for.damen-
■ tale d’un chant-donné,
I. S’a (Titrer du ton & du mode par lefquels on
«commence , 8c de tous ceux par où l’on paffe. Il y
•a aufiî des réglés pour cette recherche des tons.,'
uiais fi longues , fi vagties, ffi incomplettes , que
1 oreille eft f0 rmée , à cet égard , long-temps avant j
«pte les regles foient ap.prifes., 8c que.le.ftupide qui
poudra tenter de les’ einployer n’y gagnera que *
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l’habitude d’aller toujours note a note , fans jamais
•favoir où il eft.
IL. EÏÏayer fuccéfiivement fous chaque note les
cordes principales chtton, commençant par les plus
analogues -, 8r pafiant jufqu’aux plus éloignées ,
lorfque l’on s’y voit forcé. ‘
lü . Confidèrer fi la corde cltoifr; peut cadrer
avec le dé (Tus dans ce. qui précédé 8c dans-ce qui
f-uit -par une bonne fuccciîîon fondamentale.; 8c
quand cela ne fe peut, revenir fur fes pas.
XV. Ne /changer la note de bafe for. dament die
que lorfqu’on-a épuifé toutes tes notes confécu-
tive-; du deffus qui peuvent cntrerdkns fon accord,
•ou e ue quejqué note ’fyncopant dans 1e chant peut
recevoir deux ou plufieurs notes de baffe pour
préparer des. «diftonnances fauvées enfùité régu«.
îierement.
V. Etudier l’entrelacement des phrafes , les fine-
cefiions poffibles de cadences , foit pleines", foit
évitées , 8c,fur-tout les repos qui viennent ordinairement
de quatre en quatre mefures eu de deux es
deux , afin de les faire tomber toujours fur les cadences
parfaites ou irrégulières.
VI. Enfin, obferver toutes les réglés 'données
ci-devant pour la compofition de la bafe fond 1 mentale.
Voilà les principales obfervarions à faire potir
en trouver une fous un chant donné ; car il y en a
quelquefois plufieurs de trouvables/: mais , quoiqu’on
en puiffe dire, fi 1e chant à de l’accent & du
earaélere, il n’y a qu’une bonne bafe fondamentale
qu’on lui puiffe adapter.
Après avoir expofé f© m m aireme n t la 'manière
de compofer une bafe-^fondamentale , il refteroit à
donner tes moyens de la transformer en baffe-continue
; 8c cela feroit facile , s’il ne falloit regarder
qu’à la marche diatonique & au beau chaut de éette
baffe : mais ns'croyons pas que la baffe qui eft le
guide 8c le foutien de l’harmoiiie, l’ame 8c, «pour
ainfi dire, Tinterprete du chant, Te borne à ites
réglés fi fimples ; il y en a d’autres qui naîffent
d’u-n principe plus -sûr •& plus radical; principe fé cond,
mais caché , qui a été fenti par tous -les ar-
fiftes de génie -,"fans avoir été développé par per-
fonne. Je perife en avoir jetté le ggme dans ma
lettre fur la mufique françoife. Ten ai dit affez
pour ceux qui m’entendent ; je n’en dirois jamais
affez /pour tes autres. Voyez toutefois dJ-nké de
Mélodie.
Je ne parle point ici du fyftême ingénieux de M
Serre de Geneve , ni de fa double bafefondamen-
tale-y parce que les principes qu’il avoit entrevus
avec une fagaeité digne d’éloges ont été' depuis
développés par M. Tartini dans un ouvrage dont je
rendrai compte avant la -fin -de celui-ci. Vo yez
Syfême. ( J. h R o u f eau. |
* La bafe foniamentale y conficlérêe'fous deux aî-
pecîs différens , fait naître en nous deux opinions
tout/à-fait contraires, que nous allons tâcher de
juftifier. Torique Rameau a trouvé que la faute