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L ’influence des grands harmonises flamands fur les
progrès du contrepoint a été fl grande, que ce feroit
être injufle pour eux & pour le pays qui les vit
naître, de ne pas confacrer ici que'ques lignes a
chacun d’eux.
Jean T ir é lc r , né en Flandre, étoit chapelain &
maître de chapelle de Ferdinand d’Arragon, roi de
Sic;le & de Naples. C’eft le plus ancien compofiteur
_& théoricien flam;:nd dont le nom fe le it conferve.
C ’elt aufli le premier auteur qui ait fait imprimer en
Italie un Traité de Contrepoint. HfloriiToit vers l’an 1474.
Jean Okénheim eft le premier compofiteur de mu-
ftque en parties dont en ait confervé autre chofe que
le nom, & dont quelques productions aient échappé
à l’oubli. Tout ce qu’on fait de fa vie c’eft qu’il
étoit né dars les Pays-Bas, & qu’il floriffoit dans le
X V e fiècle. Il compofa pour l’églife beaucoup de
mufique très-Savante, & eut un grand nombre de dif-
ciples, dont les talens & les hommages contribuèrent
à augmenter fa répu*at;or. Il en fut chéri & refpeCte
pendant fa vie ; & plufieurs d’entr’eux composèrent
après fa mort des chants funèbres en fon honneur.
Tous les auteurs qui ont écrit fur la mufique dans
le fiècle fuivant ont parlé d’un motet d’Okenheim a
3 6 'parties, mais fans aucun détail, & comme ne
l’ayart connu que- par tradition. Glareanus nous a
confervé dans fon Decachordon beaucoup de fragmens
de ce maître. Ce font pour la plupart des canons
très-recherchés & très-favans, mais qui Semblent
prefque tous avoir plutôt été faits pour le plaifir des
yèux- qüe pour celui des oreilles,
Jofquin, nommé par les italiens Jofquino dtl Prato,
par les François Jofquin Defprez, Ôt en latin Jodocus
Pratenfis, fut le plus lavant & le plus célèbre des
élèves d’Olcenheim. Les loix & les difficultés du canon,
de la fugue, de l’augmentation, de la diminution ,
du renverfement & de toutes les autres favantes
inventions, regardées alors comme convenables a la
mufique voca e d’églifè, ne furent jamais mieux
cbfervées ou plus heureufement vaincues, que par lui.
On peut dire qu’il fut le père de l’harmonie moderne,
& l'inventeur de prefque toutes les contextures ingé-
nieufes des différentes parties, près de cent ans avant
Paleftrina, Orlande Lafius , & les autres fameux
maîtres du X V Ie fiècle.
Giùcçiàrdini le compte parmi les rouficiens flamands.
Cependant l’addition confiante de Pratenfis
eu del Prato , mife à fon nom , fembleroit plutôt
indiquer qu’il étoit natif de Prato en Toscane ; la
mention fréquente qu’en ont faite les auteurs italiens
prouve au moins que s’il n étoit pas né en Italie, il
y a beaucoup vécu, & que fes ouvrages leur étaient
très-familiers. 11 avoit été dans fa jeunefTe l’un des
chanteurs de la chapelle du pape Sixte IV. Raifon
de plus pour croire qu’il étoit italien, qu’il apprit fon
ar t, ou du moins qu’il s y perfectionna en Italie,
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Après l’avoir quittée, il fut maître de chapelle dé
notre bon roi Louis X I I , honneur qu’il ne reçut
vraisemblablement qu’aprè; s’êtrè déjà fait une grande
réputation. La première fois qu’il vint faire fon fer-
vice à la cour, le roi lui promit un bénéfice, ce qui
fait croire que Jofquin étoit eccléfiaftique. Ce prince,
contre fa coutume, oub'ia fa promette. Jofquin fouf-
frit quelque tems de cet oubli ; mais enfin il savi'a
d’un fingulier expédient pour rappeler à Louis XII
ce qu’il lui avoit promis. Ayant reçu ord'e de com-
pofer un morceau pour la chapelle , il choifit ce
verfet du pfeaume CXIX : Mentor efo verbi tui fervo
tuo. Il exprima ces mots d’une manière fi fuppîiante
& fi parfaite , que le roi pafla du plaifir que lui
faifoit la mufique au fouvenir de ce que lui rappe-
loient ces paroles, & qu’il lui accorda fur le, champ
le bénéfice qu’il lui avoit promis. Jofquin l’en remercia
à fa manière, par un motet fur cet autre verfet du
même pfeaume : Bonitatem fecifli cum- fervo tuo 9
Domine,
Il avoit autant d’efprit & d’originalité que de génie
pour la mufique : mais toutes fes facultés étoient en
quelque forte devenues mufica’ es , & c’étoit le plus,
fouvent en mufique qu’il exprimoit k s fail ies de fon
efprit. Pendant le long retardement de ce bénéfice
qu’il attendent de Louis X I I , il pria un homme de
la cour, très en faveur auprès du roi, de l’appuyer
de fon crédit, & d’intercéder pour lui. Cet homme
eneourageoit fes efpéra*c,s par des proteftations
confiantes de zèle & de fervice, & finifioit toujours
en lui difant en ’angage du'tems : LaiJJ'e faire moi.
Jofqu n s’ennuya enfin de cette afiurance vaine 8c
infruélueufe, & dans fon ennui, trouvant du rapport
entre l’éternel la'Jfe faire moi, & les mots la, fo l, fa*
re, mi, il compofa fur ces cinq notes une méfié qui
ex fie encore dans le mivce’jm britannique, & qui
t ft , dit-on , une compofition admirable pour le tems.
Jofqu'n paroît comme un géant parmi les muficiens
de fon fiècle. 11 femble avoir exercé fur eux une forte
de monarchie & de domination univerfelle. Ses ou-»
vrages étoient auffi connus & aufïi fouvent exécutes
dans l’Europe au commencement du XVIe fiècle ,
que ceux de Rameau p mvoient l’être en France ,
ou ceux de Handel en Angleterre il y a quara-te
ans. Il fut le pMs fer ile comme !e plus favant compofiteur
de fon tems. Il a laifl'é un grand nombre de
méfiés, mais furtout des motets qu’on admire encore,
quoiqu’on ne les exécute plus, & qui méritent en
effet d’être attentivement étudiés par ceux qui défirent
de çonnoître quels ont été en '.mufique les véritables
inventeurs. Il mourut à Bruxelles'* où l’on voit fofl
tombeau dans leglifc de Sainte. Gudule.
Après Okenheim & Jofquin, le premier contre-*
pointillé du paëme fiècle fut Jacob Hobrccht pu
Obreit : il étoit flamand. Il initia Rrafme dans les
fecrets de fon art. Glareanus, dficiple d’Erafme, dit
l’avoir fouvent entendu citer Hç>breçht comme un
mu fie! en
inuficien qui n’avoit point eu de fupérieur, & dire
qu’il écrivoit avec une fadlitéü prodigieufe, qu’il
avoit compofé d.ms une feule nuit une méfié excellente
& admirée de tous les favans.
Un autre compofiteur des plus fertiles de ce tems
fut Pierre de la Rue , ou comme on l’appeloit en
latin Petrus Platenfis. Les uns le difent flamand, les
autres françois, d’autres efpagnpl. Ce qu’il y a de
certain, c’eft qu’ii fut en grande faveur dans les Pays-
Bas auprès du prince Albert & de la princeffe Ifabelle,
& qu’il publia à Anvers un recueil de mufique ,
avec ce titre efpagnol : el Parnafo Efpagnol de Madri-
gales y Vïllancicos a quatro, cinco y Jets voce s , ce
qui pourroit faire croire que l’efpagnol étoit fa langue
naturelle.
Jean Mouton eft appelé françois par Glareanus,
& flamand par Guicliardin. 11 pafla la plus grande
partie de fa vie au fervice de la cour de France,
P?n.<J?nt les règnes de Louis XII & de François I.
Il etoit difciple de Jofquin, & fut maître d’Adrien
Willaert $ fondateur de l’école vénitienne. Il excella
fur-tout dans les motets.
Voici quels furent après ces maîtres célèbres, les
plus fameux muficiens de Flandre & dès Pays-Bas,
fans y comprendre Claude Gôudimel ni Claude le
Jeune , tous deux cependant nés hors de France,
mais qui ayant pafie dans ce royaume la plus g ande
partie de leur v ie , & y étant morts, lui appartiennent
à jufte titre, & dont* pour ce.té caufe il fera
parlé dans l’article France.
Virdelot paroît avoir été très-connu en Italie. Rabelais
en pafie, à la vérité, parmi les muficiens de
fa connoiflance en France, mais il eft plus fouvent
queftion de lui dans les livres & les catalogues italiens
de ce temps, que dans ceux de France. Zarïino, Pietro
Pontiô & d’autres, le citent fouvent parmi les rneil-
l urs compofitéurs du XVIe fiècle. P ufieurs de fes
ouvragés fe font confervés. L’harmonie en eft pure,
mais ils n’ont rien d’ailleurs qui s’élève au-deflùs de
la médiocrité, ni qui femble jüftifier jufqu’à un certain
point la réputation de l’auteur. Il en faut dire
autant de Giachus Dewert, de Lepus Lu p i, de Philip
de Monte, de Pcverinage, de JVaelrdnt & de
Verdonk, qui floriflbient à la même époque.
Nicolas Gombert rie doit point être mis dans la
même clafle; il fut élève de Jofquin, & fii profonde
.connoiftance de l’harmonie le fendit digne de ce grand
maure. Il fut long-temps maître de chapelle de l'empereur
Charles V , & il fournit une partie confidé-
rable de prefque. toutes les nombreufes collections
de chanfons & de motets, imprimés a Anvers & à
Louvain, vers le milieu du X V Ie fiècle, Il publia
en outre dès recueils de méfiés, de motets, de chantons
à quatre, cinq & fix parti.s.
Jacques Ârkadelt, autre difciple de Jofquin, paroît
Mu sique. Tome 1 .
avoir pafie la phis grande partie de fa vie en Italie;
le premières édifions de fes oeuvres, depuis 1 539
juftju’en 1575, furent tomes imprimées à Venife. Il
en faut excepter un recueil publié à Lyon en 1572,
faus le titre de T Excellence des chanfons mufcales.
Ses madrigaux furent reçus en Italie avec tant d’a vidité
qu’on en publia à Venife quatre livres dans une
feule année 1541 : fa réputation dans ce genre y étoit
fi grande que, félon Adami, l’on metfoit fouvent
ft*n nom aux prcduélions des autres, pour en accélérer
la vente.
Du Verdier & d’autres ont prétendu qu’il étoit
françois, mais fonmaîtie St fon nom femblent prouver
le contraire. Ce qu’il y a de certain, c’eft qu’il fut
lin excellent compofiteur, & que pour le temps où
il vécut, fes chan s e rentun naturel, une douceur
& une grâce au-deflùs du commun.
Les ouvrages de Jàcket Berchem, ou comme l’âppë-
loîer.t les Italiens ,'chez qui il fut en grande faveur, de
Jachetto ow Giachetto fe trouvent principalement dans
des coîleélions de,motets & de madrigaux publiés à
Ytn.fe en 1539, 1543,44 &c. L ’une de fes productions
les plus remarquâmes fur des paroles Italiennes
eft une fuite dé 93 fiances, choTies du Roland
Furieux de l’Ariofte, mi fes en mufique à quatre
parties, divifées entrois livres, & .publiées à Venife
vingt-huit ans après la mort ce Ce grand poëte. En
voici le titre : prirnô , fecondo , e tertio i.bro di càpriccio
di Jachetto Berchem, con la mufica da lui compofa fopra
le fiance del furiofo, novameute fiampati e dati in luce.
In yenefia, apprejfo di Antonio Gardano , 1561.
Jean Richefort, & félon lés Italiens Riccia-forte,
étoit connu de G'aieanus qui en fait fé ogédans fon
Dodecachordon. On trouve fon nom dans des recueils
de motets, imprimés dès 1519.
Thomas Crcquïllon étoit au fervice de l’empereur
Charles V , quelque tems après Gombert. Il publia
un grand nombre d’ouvrages , tant féparés , que recueillis
dans les nombreufes coîleélions qui parurent
dans les Pays-Bas fous le règne de cet empereur. Parmi
ces coîleélions, il y en a un grand nombre de chanfons
fançoifes,
Prefque toute la mufique prefane à plufieurs part'es,
publiée en Italie dans le Seizième fiècle, po. teit le
nom de madrigaux ; Celle qu’on publioit en Flandre &
dans les Pays-Bas fur de-, paroles f arçoifes , n’avoit
que celui de chanfons. Il y eut plus de vin-Tt recueils
de cette efpèce, publiés à A nvers & à Louvain depuis
*v44- ju%u’én i/555' par Tyiman Sufato & Pierre
Phaîafie. Ces éditeurs étoient eux mêmes très bons
compofitéurs, comme l’étoLnt dans le même fiècle
Rhaw à Wittemberg Gài dano & Scotto .à Venife
Ballard en France , Tallis & Bird en Angleterre. *
Jean Je Coick ou' le Coq, & Jea-i Cortoisou Cour-*
toi«' compofèrçnt a'ufli plufieurs des morceaux oui i'e B b b b