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temps, îl parut les violer ; auffi eut-il un grand
nombre de contradiéleurs qui le traitèrent comme
un ignorant corrupteur de l’art. Il eut aelfi des
fe&ateurs Les muficiens fe réparèrent en deux
partis , & la guerre devint générale. Monteverde
îe défendit dans des préfaces & des' lettres mifes
à la tête de- fes ouvrages. Mais' fa meilleure
défenfe fut dans les progrès qu’il fit faire au
contre-point. Ses licences fiuttaftt l'oreille , loin de
la bleffer, furent bientôt adoptées ,_.non-feulement
par les amateurs , mais par les profefièurs eux-
mêmes j qui en usèrent d’abord & finirent par en
abufer.
La p^filon pour les canons, les fugues & les
autres inventions , plus difficiles qu’agréables , du
contre - point, ne fe rallentit point dans- le fiècle
fuivant , quoique leur auftèrité commençât à
s’adoucir. La çompofition des fugues perpétuelles,
ou des canons , exigeant plus de méditation Sc
de fcience que celle de toute autre/efpèce de
mufique, il y eut dans le dix - feptième fiecle ,
comme dans les précédens, plufieurs muficiens
q u i, pofledés de l ’ambition d’exceller dans ces
pénibles entreprifes, femblent y avoir confumé
une aulfi grande portion de leur vie , que de faints
r fonnages en ont confacré à des. scies de piété
de dévotion, pour être canonifés après.leur
mort. L’un des plus intrépides fut , fans doute,
Francefco So r îa n o qui publia cent dix canons
& quatre, cinq , fix , fept & huit voix , fur le feul
chant de Y Ave Maris Jlella; mais Pietro Va l e n -
t i n i le furpafia encore , 8c découragea même
les plus déterminés canoniftes par des tours de
t force tels qu’un canon fur les mots lllos tuos
mifericordes oculos,9 8cç. réfoju de plus de deux
cents différentes manières ; pour deux , trois ,
quatre & cinq voix ; un autre, appelle le noeud
de S alÿrr on, à quatre - vingt -feize v o ix ; un troi-
fieme , à vingt voix feulement, mais à quatre
différens fujcts à la fois, Sec.
D ’autres maîtres , dans le même-temps , fans fe
renfermer exclufi vëment.dans ces favantes entraves
, confervoient cependant au contre-point ec-
ciéfiafiique fa, fimple & noble auftériré. Francefco
Fozgià , Suffano B-ernardï , & fur-tour Grcrorio
' Allegr.i & Orcirfp Benevoli pafsèrenr, avec raifon
p ôiif les plus fayans çontrepointiftes de ce fiècle.
Le fiyle de i’égîifé commençait cependant à s’altérer,
par limitation-de .la mufique dramatique,
encore dans fon enfance , mais qui ateiroit déjà
r 3a faveur publique par l’inti oduétion des in fini -
mens' ( i ) qui panàgeoient l ’attenrion. , &
, plus encore par* oeiic des tons tranfpofés &
(i) Ils furent avisais dans l ’églife dès îê fiècle précédent,
mais on n’en abufa que dans le dïx-feptièine. i l cû dit
dans le voyage de Montaigne en Italie i en fÿSc, que la
meffe fut accompagnée, dans la grande égîife de Vérone,
par l’orgue & par des violons. Ce fû t , félon QUadrio , ma
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des notes ajoutées pour fuppléer ce qui manquait
aux échelles , dans l’ancien fyfiêine des efpèces
de loétave & des modes du chant eccléfiafiiquc.
En e ffet, il n’y avoit auparavant , dans la
fixation du ton, rien quireffemblâtà notre maniéré
de commencer & de finir fur telle ou telle note déterminée
de l’échelle. Les- accords & les mouve-
mens prohibés étoient en fi grand nombre dans
les écrits des premiers théoriciens , que fi l’on
jugeoit des morceaux, de mufique moderne les
plus réguliers par les règles qui fubiiftôient au commencement
du dernier fiècle , ils paroitroient
tous remplis de licence.«. Les parties ne pouVoient
s’étendre au - défias' ni au'- defibùs de la portée ,
c eft-à dire . des cinq lignes où elles étoieni écrites.
On ne pouvoir jamais, paffer d’une harmonie que
dans une harmonie relative. Les intervalles de
feptiéme majeure de triton ou de quarte majeure
, de fairfe quinte, de fécondé majeure, &
même de fixte majeure étoient défendus; enforte
que l’on pourront aujourd’hui former une excellente
harmonie des feiils intervalles qui étoient' alors
proferits.
La licence qui s’introduifit tout d’un coup fut
peut-être portée jufqu'à l’excès, mais parmi les
novateurs il y en eut à qui l'on dut des inventions
heureufes, qui contribuèrent à enrichir le
contre-point. On peut citer entr’autres Domenico
Ma^jocchï, qui le premier employa le demi-ton
enharmonique & les, lignes du crefcendo, dadirni-
nuendo , du piano 8c du forte dans l’exécution de
fes madrigaux , d’où ils pafsèrent bientôt dans-
l’églife.
Les idées extravagantes du chevalier Tarquinie
Merula , doivent auffl trouver place dans l’hiftoire
du contre-point. Ce compofiteur, très grave dans
la ntufique d’églife , eft de la fingularitê la plus
capricieufe 8c quelquefois la plus bouffonne dans
fa mufique- profane. Il aimoit beaucoup à écrire
lur une baffe contrainte : on trouve dans l’un de
fes recueils une chanfon à trois parties , avec dés
ritournelles , pour deux violons 8l une baffe , fur
| un feul trait, alors connu fous le nom de la
Ciecona ( voyez Chaconne. ) ■ une autre intitulée :
Can^onettafpirituale, eft faite fur ces deux feules
notes de baffe,
répétées depuis le commencement jufqu’à la 'fin.
certain Agofllno Agu-p^iri, élève de y indan a , & m titre de
chapelle a ffo.nc , q iî hafarcla le premier cette nouveauté,
dans des pieaymes qu’il appelià concertâtpar.ee.
qu’ils étoient accompagnés d’un concert d’inftrumens.
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Il avo’ t auffi compofé une fugue très-favante , a 1
quatre partie*?, fur la clcçliiiaifon de hic , h&c 9>
hcc ; une autre fur Quis' vd qui : riomïnativo
qui y quee, quod, &c. Cette dernière confiée en
plufieurs mouvemens , foutenus avec vivacité ,
qui imirent lç chant & les bredouillemens des
ehfiins , répétant à l’école. leur leçon- de grammaire.'
. . .>•£' { f ‘ * ’ ’ '*
L’art du contre-point eût ainfi dégénéré ; il fut
devenu , foit par une excefîive négligence , foit
par des plaifanteries burlefques, un objet de mépris
& de ri fé e , fi quelques hommes de génie ne lui
avoient confervé ou rendu tout fon éclat, & ne
lui euffent fait faire un pas i:nmenfe vers la per-
feô ion , dans le temps même où il paroiflbit
près de fa ruine. Cari (ferai & Stradelia opérèrent
cette efpèce de miracle. Parmi les licences qu’on
avoit, prîtes , ils diftinguèrent celles qui pouvoient
contribuer au pathétique & à l ’expreffion , partie
jufqu’âlors entièrement inconnue ; ils les naturalisèrent,
pour ainfi dire , avec le contre - point ;
rejet;èrent toutes les autres , & jo gnirent les
premieis , dans leurs oratorios & leurs - cantates ,
les grâces d’une mélodie expreffive , à la pureté
de ï ’iiarmonie , & aux deffins ingénieux, des
imitations'& des fugues.
De tous les maîtres qui leur fuccédèrent,
Alexandre Scarlatti fut celui qui contribua, le plus
à fixer 8c à perfeélionner clans le contre-point la
clarié, l’expreffion 8c les grâces qu’ils y avoient
introduites , en lui confervant tou;ours la nobltsffe
& la fimplidté convenable. Son difclple le plus
célèbre, Francefco D ur a n t e^ regardé avec raifon
comme le plus grand harmonifte & le meilleur
maître de fon temps , acheva de porter le fiyle
du contre-point eccléfiafiique à un point d’où^l ne
pouvoit plus que décroître Quelque gloire que
le foient acquifè fes immortels élèves , Pergoleii ,
Terradellas , Traëtta, Piccinni , Sacchini , Gu-
gliehni, & c . , ils n’ont pu , dans ce genre , fur-
pafler leur maître. Il étoit parvenu à ce; jufte
degré avant lequel il reftoit encore un peu trop de
la féchereffe & de la févérité du plain-chant, &
au-delà duquel la mufique d’églife fe confond
abfolument avec la mufique de théâtre.
L’art de contenir les voix dans leurs véritables
limites , de tirer des chants de l’églife des motifs
heureux , de les traiter favamment, fans recherche
& fans pédanterie.; l'emploi fage & modéré des
inftrumens, toujours dirigés , comme les parties
de. chant, au plus grand effet de l’harmonie 8c
à la plus jufte expreflion des paroles; enfin ,
l’attention qu’il eut plus que perfonne , & dont
il fit un des principes fondamentaux de fon école,
c}e faire chanter chacune des parties avec autant
de grâce , d’aifance , &'par intervalles aufii commodes
8c auffi agréables que fi elle étoit feule,
toutes ces qualités 8c beaucoup d’autres qui frappent
l’oeil connoificur dans l’étude de fes parti-
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tions, le placent à la tête des confrepointiftes de
ce fiècle ; & comme jufqu’à lui le contre - peint
alla toujours en fe perfectionnant , qu’il égala
tous fes prédéceffeurs en fcience, 8c qu’il les
furpafia par une plus parfaite alliance de l ’harmonie
8c du chant, il eft aifé de conclure que
pour trouver le vrai type de ce que doit être le
contre-point dans la mufique d’égliie , il faut- remonter
jufqu’à lui , & peut-être ne pas remonter
plus haut, fi ce n’eft pour connoître par foi-même
les différentes révolutions qu’a éprouvées cette,
partie importante de l’art ; je n’ai pu que les indiquer
dans cet article ; mais j’ai tâché qu^ ce
fût de manière à fervir de guide dans cette recherche,
ou même àffépargner.
Il refte à décider fi depuis les. premiers com-
pofiteurs qui altérèrent crans le. contre - point l.a
fimplicité primitive du plain-chant, qhi voulurent
!ajoûter aux grâces févèreî du fiyle de Palefirina 8c
de fon école: des grâces plus attrayantes , plus
inoncl unes , & qui donnèrent à l’expreffion des
fentimens ce qu’ils ôtoient aux combinaifons de
l ’harmonie figurée , jufques à Durante lui-même ,
la mufique facrée, en fe relâchant de fon aufte-
rité , n’avoit point perdu de fa perfeâion ; ou au
contraire, fi Durante , fes élèves 8c les niaLres
étrangers à fon école tels qu’un Jomelli , un
Buranéllo , 8c lés difciples qu’ils, ont laifies ,
& tous les autres compofiteurs modernes , n’ont
p3S eu trop de condescendance pour l’ancienne
méthode , en conservant dans 1 e contre-point de
l’églife quelques canons , quelques fugues , quelques
reftes du premier fiy le ’, & en laiffant
fubfifter> quant à la manière de traiter ^harmonie
, quelque différence entre la mufique de chapelle
& celle du théâtre.
Le père Martini s’eft ouvertement déclaré
pour la première opinion. Il s’èft efforcé dans
tous fes ouvrages de «animer le goût du contrepoint
eccléfiaftiqiie , dans toute fa première rigueur,
avec toùtés fés formes fcholaftîques 8c fon affer-
viffement aux divifiotis diatoniques de l’échelje ,
dans les modes & les tons du plain-chant. Par-tout.
il profefie, il recommande l’admiration & l’étude de
ce qu’on pourroit nommer les tours de force & les
futilités harmoniques du feizième & du dix-
feptième fiécles. îl faut cependant avouer que les
canons énigmatiques , le cancriçans ou rétrograde,
les doubles & triples canons, 8c antres pédanteries
de cette efpèce étoient auffi pufriles que pénibles,
8c qu’on a fort bien fait de les mettre en oubli:
mais peut-être y auroit-il de l’excès à ranger dans
la meme claffe. tous les efforts ingénieux 8c toutes
les inventions des premiers mai res.
M. Burney prend là - deffùs la défenfe des
partifans du vieux contre - point, u Vaincre les diff
ic u lté sd it - i l , a toujours été regardé comme
un certain mérite dans tous les arts. Michel-
Ange en deffinant les attitudes difficiles dans lef-
quelles il a placé plufieurs de fes figures , 8c que