
& d’un^ama eur, elle étoit écrite à plu fleurs parties
Si en contrepoint régulier. Il en pub'ia deux recueils,
l’un de douze hymnes ou chanfons fpirituelles, &
l ’autre de chanfons dont les paroles & la mufique
étoient de lui. il les fit fouvent exécuter dans un
concert ou académie de mufique qu’il avoit établi
chez lui, à Paris, dàr?s le fauhourg S. Marcel, &
oh affilièrent fouvent Charles IX , Henri 1IL & les
principaux feigneurs de leur cour.
Charles IX , dont le nom & le règne font jugement
en horreur à tous les François, fut paffionne
pour la mufique, comme Pto'émée Auletes, Néron,
Henri VIII & d’autres princes dont elle ne put
adoucir & humanifer le coeur. Il protégea un grand
nombre de muficiens, principalement François Cor-
teley , fon organise & fcn valet de chambre; Adrien
le Roi. joueur de luth, & le chanteur Etienne,
beaux-frères, l’un & l’autre de Ballard , premier
imprimeur de mufique en France. Antoine Subi e t,
furnommé Car dot, fut tellement en faveur auprès
de ce roi, que de fimplé chanteur il le fit évêque
de Montpellier. Il favorifa airfii Granier, qui compofa
des hymnes, des profes, des cantiques & des ’
chanfons, dont il dédia quelques recueils à la reine
Marguerite, fceur de Charles IX.
Le P. Merfenne, dans fon harmonie univerfelle,
donne une defcription curleufe d’une viole affiz
grande pour contenir de jeunes pages, qui chantoient
le defïus d’un air, tandis que celui qui jouoit là
partie de baffe fur la viole , chantoit celle de ténor
ou tai l l , ce qui formoit un concert complet à tro:s
parties, tel que Granier & d’autres en- exécutoient
fouvent en préfence de la reine Marguerite.
Le plus célèbre des muficiens françois fous ce règne
à jamais odieux-, fut le malheureux Claude Goudimel,
maffacré à Lyon en 1572 avec les autres-proteflans.
A proprement parler, il ~n’étoit pas François, puif-
qu’il étoit hé en Franche-Comté, & que cette -province
ne fut réunie à la France que près de cent
ans après fa mort-; mais c’eft en France qu’il refta
prefque route fa v ie , & qu’il publia la plus grande
' partie de les ouvrages.
C'a' din, eu Claude le Jeune, du même temps
& de la même religion, c:oit auffi né à Vaenciennes,
& n’eft placé qu’aux mêmes titres parmi les muficiens-
françois. Son n< m de famille étoit le Jeune, ce qui
n'a pas empêché qu il re fut fouvent confondu avec
Goudimel, à caufe du nom de baptême qui leur
étoit commun. Il fut en grande faveur à la cour de
Henri III & de H . nri IV. Il compofa en 1581,
pour le* noces du duc de Joyeufe, une mulique qui
produlfit des effets mervei'leux, fi l’on en croit p!u-
fieurs écrivains du temps, Thomas d’Embry , qui
étoit intime ami de Claudin, rapporte, dans fon
commentaire fur la vie d’Apollonius, que ce grand
muficien fit jouer dans une de ces fêtes un air animé,
qui enflamma tellement un gentilhomme de l’affem-
blée, qu’il mit l’épée à la main, & qu il voulut à
toute force fe battre avec le premier venu; alors
Cîaucl.n fit -exécuter un autre air d’un genre plus
plus doux, qui replaça l’efprit de ce gentilhomme
dans fa pofition naturelle.
Il publia plufieurs livres de mélanges, de chanfons
& de pfeaumes. Ses mélanges confiaient en chanfons
& en motets françois, italiens,& latins; fes chanfons
étoient prefque toutes françoifes & à plufieurs
parties, comme les madrigaux dItalie. On trouve de
fes produirions détachées, dans les recueils du temps,
publiés en Italie & dans les Pays-Bas. En les "comparant
à celles des maîtres de ces deux pays, à la
même époque , 011 y reconnoît plus d etude & de travail
que de génie £k de facilité.
On trouve dans les catalogues les noms Si les
ouvrages de quelques muficiens françois d’un moindre
mérite, à la fin du X V Ie. fiècle, tels que Jean
d é c a d ré , Louis B.ffon, Nicolas Duchemin, François
Rouffel, Jean Pervin, Nicolas de la Grotte,
Jean Chardavoine, qui tous publièrent des madrigaux
, des fonnets & des chanfons à plufieurs parties1;
& Jean Servert qui, outre des recueils du même
genre , fin auffi imprimer à Lyon la verfion latine
des pfeaumes de Buchanan, mife en mufique à quatre,
cinq, fi:; & huit parties. Mais aucun d’eux n’étoit
fait pour donner à la France une grande réputation
muficale.
Le luth y étoit alors l’inftrument à la mode comme
dans le rifle deJ’europe. Henri IV s’attacha Jacques
Sc Charles Hedington, deux écôffois, qui en jouoient
parfaitement; mais, il leur préféroit encore Julien
Perichon ,^qui peut-être à talent égal, avoit de plus
à fes yeux le mérite d'être François.
I e violon paroît avoir été mis en faveur à la
cour de France, avant de jouir ailleurs de quelque
diftin&ion, par l’arrivée de Balta^arin], qui fut envoyé
de Piémor-t à Catherine de Médicis, par le
maréchal c'e Brîffac, à la tête d’une troupe de violons,
& que cette princeffe fit fon' valet de chambre
& furinte flant de fa mufique. Baltazarini ayant beaucoup
contribué à l’amufement de la famille royale
& de toute la cour, par la fertilité de fon imagintion
à inventer des plans magnifiques, des machines &.
des décorations pour les ballets, les diveniffemens
Si les -autres repréfentations dramatiques, il en reçut
le joli nom de Beaux-Joyeux, qui lui fut toujours
confervé depuis.
Henri Ifl ayant marié en 1581 , fon favori le
duc de Joyeufe avec inademoifelle de Vau déni ont,
foeur de la reine, acheva pour ainfi dire de ruiner
fon royaume en fêtes, en bals, en tournois, en
divertiffemens & dépenfes de toute efpèce. La reine
donna auffi pour célébrer les noces de fa foeur, une
fête au louvre. C ’eft-là que fut donné le ballet dont
j’ai parlé ci-deffus, dont Claude le Jeüfie avoit fait la
musqué , & qui avoit p-.-ur litre, Cér. s & fesnymphes.
Dans ce lpëttade nouveau pou* la France, Be-.ux-
Joyeax compofa les entrées de ballets; il:en publia
lui-mêm.. la defcription & e programme, avec les
vers qui y «voient été chantés, bi. une -préface ou
il faifoit l’apologie de ce m lange de poëfie, de mufique
& de danie ; cette fêt, femble avoir été en
France l’origine du ballet hé inique, ou hfiorique. ( V oy.
Ballet. ) Ce n’éton pas la mufique des entrées que
Beaux-Joyeux avoit compofée; il ne fit en cette occa-
fion que les fondions de maître des ballets. La mufique
étoit de Beaulieu & de Salmon, muficiens du roi,
qui fe furpafsèrent eux-mêmes, comme dit Beaux-
Joyeux. Les chants étoient accompagnés d’orgues-
douces. Dans la voûte de la falle étoient placés dix
concerts de mufique de différens genres, qui fervoient
quelquefois comme d’échos aux chanteurs, c’eft-à-
dire| qui jouoient des efpèces 'de ritournelles ou de
fymphonies; c’étoient des hautbois, des cornets, des
lacbuttes, des violoncelles, des luths, des lyres, des
harpes, des flûtes, & un flageolet joué par le fleur
Juvigny, fon inventeur.
Tous les chants, tous les récits imprimés dans ce
recueil font détcftables. On n’y entrevoit aucune
idée d’expreffion, de mélodie, ni de rhythme ; les
airs de danfe font moins mauvais; ils ont quèlquefois
Un accent affez v if & une mefure marquée. Bien
dan fer & chanter mal, femble avoir été dès ce premier
effai, la devife des François.
François Eujlache du Caurroy, né en ï 549, fut
le plus célébré muficien de fon temps. Ses contemporains
l’appelèrent le prince desprofejfeurs de mufique.
Il fut maître de chapelle de Charles IX , de Henri III
& Henri IV. Le cardinal du Perron qui l’aimoit beaucoup,
fit fouvent des vers pour qu’il les mit en
mufique ; & après la mort de du Caurroy, il compofa
fon épitaphe, qui eft gravée fur fon tombeau ,
près le pupitre de l’églife des grands-Auguflins. On
dit que ce tombeau lui fut érigé par Nicolas Formé,
fon fuccefllur. Ce trait fi rare de générofité & de
bonté de coeur dit plus en faveur de celui qui en étoit
l’objet, que le peu qui refte de fes ouvrages. On ne
voit dans ceux-ci que de la féchereffe, une fcience
fouvent mal employée, point d’expreffion, point de
chant, nui moyen en un mot d’expliquer ce qui put
donner à du Caurroy le premier rang parmi les
compofiteurs françois, finon en feconnoiffant l’ex-
ceffive médiocrité de tous fes ^rivaux.
L’un d’eux paroît cependant avoir partagé fa réputation
, & comme on étoit alors très-libéral en
titres d’honneur, on lui en donna un préférable encore
à celui que portoit du Caurroy. C ’eft Jacques
Mauc.uk, furnommé père de la mufique. Il exçelloit
dans l’accompagnemei t du luth. On dit qu’il ajouta
une fixième corde à la viole, qui n’en avoit originairement
que cinq, & qu’il fut le premier en France
à introduire cet inftrument dans les concerts, au lieu
de la baffe de viole. Le P. Merftnne fait un grand '
eloge de ce muficien dans fon harmonie univerfelle.
11 nous apprend que Maudüit, né en 1 557, deften-
doit d’une famille noble, qu’il voyagea en Italie
dans fa jeuneffe, qu’il y apprit la langue du pays,
l’efpagnol & l’alemand,. &. qu’il fut bientôt en état
de cannoît're ce qu’avoir de meilleur la littérature
dans tous les genres. Il s’appliqua auffi aux fciences
& à la riîécanique, & il apprit la mulique fans
maures, avec le feul fecours des livres. Le premier
ouvrage oh il fe fit connoitre comme grand harmo-
nifte, fut une meffe de requiem qu’il compofa pour
le fervice funèbre de fon amiRonfard : e le fut dans
la fuite exécutée aux funérailles d’Henri IV , & enfin
aux fiennes même en 162.7, fous la direérion de
fon fils, Louis Mauduit. 11 laiffa un nombre prefque
innombrable de meffes , d’hymnes, de m >tets, de
fantaifies, de chanfons. A en juger par fon requ em
en cinq parties, imprimé par le P. Merfenne, dans
l’ouvrage où il fait Ion éloge, toutes ces productions
en contrepoint fimple & très-commun, attefte.it i’état
d’imperfeétion. où l’art devoit être dans un pays qui
donnoit à leur auteur lé titre faftueux de père de la
mufique. ,
La France eut trop de peine à fe rétablir de toutes
les horreurs des guerres civiles & rèligieufes, pendant
le règne trop court de Henri IV , pour faire
aucun progrès dans les arts de la paix. Son fils, qui
monta fur le trône à l’âge de fix ans, non-feulement
aima & encouragea la mufique pendant fa
jeuneffe, mais on dit qu’il compofa plu fieu s ars avec
le fecours de Beauchamp, fon premier violon, q .1
en faifoit la baffe. Les vingt- quatre violons .du oi
fubfiftoient dès le règne de Henri IV ; mais-ils pa-
roiffent n’ayoir fervi que pour les ballets & les bals
de la cour.
Le principal cqmpofiteur de mufique d’églife pendant
le règne de Louis XIII, paroît avoir été Arthur
aux Couteaux, qui publia plufieurs oeuvres tant en
latin qu’en françois; & le meilleur auteur de mufique
profane, c’eft-à-dire, de chanfons en parties, fut
Jean-Baptifle Boejfet; il jouoit parfait ment du luth,
qui étoit ïinftrument le plus à la mode, & fut le
compofiteur favori de la cour.
On trouve le compte le plus détaillé.& le plus
fatisfaifant de l’état de la mufique en France pendant
ce règne, dans les écrits du P. Me fenne, & -fur-
tout dans fon harmonie univerfelle, publiée à Paris
en 1636. Dans cet ouvrage, au travers d’une par-?
tiaiité exceffive pour la mufique françoife, & d’un
manque prefque abfolu dé goût & de méthode:, il
y a un grand nombre de, recherches cuiieufes &
d’expériences ingénieufes & philofophiques, dont les
auteurs qui ont écrit depuis ont beaucoup profité.
Vers le milieu du XVIIe fiècle, ce fut Michel
Lambert qui fut le .maître de chant à ia mode, &