
tvuùs c;ui ont naturel kment de l’orei le, trouver d’ell s-
niêmes la baffe d’un ohant qu’el es enre.'c'ent, & accompagner
ce chant fans préparation : i.-’eft-ce pas
une preuve que le fondement de ce client eft dai-s
Ja balle, & qu’une oreille ferfib'e l’y démêlé ( r ) ?
*La troifième observation confiftera à demander aux
m ulic ien s fi un chant eft fufce{ tib'e de p^fieurs
baffes éga'etnent bonnes. S’il y en a plufieurs, il
eft difficile de fou tenir que la mélodie eft toujours
fuggérée far l’harmonie, du moins dans le cas oîi
la baffe ne fera pas urique. Mais s’il n’y a qu’une
feule de toutes les baffes poH blés qui convienne
parfaitement ?u chant, comme on peut avoir d’affez
bonnes raifons de le croire , ne peut-on pas penfer
que cette baffe eft la bas e fondai entais qui a fuggéré
le chant ( s ) ? Ï1 me Semble que cette queftion ,
fur laquelle je n’ofe pronôr cer abfolument, mais
que tout mufi.ien habfe ÔC impartial doit être en
état de décider, pétât conduire à la folution^ex^ébe
de la queftion propofée.
Peut être quelques muliciens prêrendronr-ils que
ces deux queitions font fort différentes, & qu’il pour-
roit n’y avoir qu’une borne baffe j onib e à un chant,
fans que. le ch. nt fut fuggéré par c:tte baffe ; mais
pour leur répondre, je les prierai dVcoûter avec attention
un chant agréable dont la baffe eft bien faite,
tel que celui d’un grand nombre de beaux airs italiens ;
de remarquer en fècoutant, combien la baffe partît
favorable à ce chant, peur en faite fr.rtir toute la
beauté , & d’obferver qu’elle ne paraît faire avec le
chant qu’un même corps ; enlorte que l’oreille qui
écou e ce chant eft forcée d’écouter auffi la baffe,
même fans aucune connciffançe e t mufique, ni aucune
habitude d’en entendre : je les prierois enfin de
. faire attention que cette biffe paroit contenir tout
le fond & , pour ainfi dire, tout le vrai defîin du
chant, que le deffus ne fait que développer, & je
croîs qu’ils conviendront en conféquence, qu’on peut
regarder un chart qui n’a qu’une baffe comme étant
fuggéré par cette baffe. Jb dirai r lus : ft , comme je
le crois, il y a un grand non bre de chants qui n”ont
qu’une feule bonne basse fondamentale poffible, &
li, comme je le crois encore, ce font les plus agréables,
peut-être en devra-t on cohçlurre que tout chant qui
parcîtra également fufc-rptible de plufieurs baffes,
eft un chant de pure fantaifie, un chant mé.if, fi
l’on peut parler ainfi.
Mas dans la crainte d’avancer fur cette matière,
des opiniors qui pourroient paroître hafardées, je
m’en tiens à la fimple queftion que j’ai faite, & j’invite
nos célèbres artift.es à nous apprendre fi un même
chant peut avoir plufieurs baffes également bonnes.
S’i’s s’accordent fur la négative, il reftera encore à
expliquer pourquoi cette basse fondamentale (la feule
vraiment convenable au chants & qu’on peut rt garder
comme l’ayant fuggéré ) pourquoi, disr-je, cette baffe
échappe fouvent à tant de muficiens qui lui en fubfti-
tuent une mauvaife ? on pourra répondre que c’eft
faute d’attention à ce guide fecret, qui les a conduits,
lans cu’ils s en aporçuflent, dans la com .ofiiion de
la mélodie. Si. cette réponfe ne fatisfait pas entièrement,
la difficu!té fera à peu près la même pour ceux
qui nieroiem que l’harmoffe fu.'gère la mélodie. En
effu, dans la fuppofiticn préfente, qu’un chant donné
n’admet qu’une fèu’e bonne. baffe, i! faut nécefaire-
ment de deux chofes l’une, ou que le chant fuggère
la baffe , ou que la baffe'Suggère le chant ; & dans
les deux cas il fera également embarraffant d’expliquer
pourquoi un muficien ne rencontre pas toujours la
véritable baffe.
La queftion que nous venons de propofer fur la
multiplicité des baffes, n’eft pas décidée, parce que
nous avons dit plus lu u t , d’après M. R rneau , que
le chant fol ut peut avoir vingt bisses fondamentales
différentes; car ceux qui croiroient qu’un chant-ne
peut avoir qu’une feule basse fondamentale qui foit
bonne, pourro ent dire que de ces vingt baffes fon-
damenta'es il n’y en a qu’une qui convienne au chant,
fol ut y relativement à ce qui précède & à ie qui fuit ;
mais, pourroit-on ajouter, li l’on n’a voit qu’un fenl
ch. nt f l ut, quelle feroit la vraie bajfe fondant ntale
parmi ces vingt? e’eft ercore un problème que je
laiffe à décider aux muficiens, & dont la folution
ne me parcît pas ai fée. La vraie basse fondamentale
eft-eîle toujours la plus fimple de toutes les baffes
poffibles, & quelle eft cette baffe la plus fimple?
quelles font les règles par lesquelles on peut la déterminer
( car ce mot fimple eft vague) ? En conféquence
, n’eft-ce pas s’écarter d.“ la nature, que de
joindre à un chant une baffe: différente de celle qu’il
préfente naturellement, p ur donner à ce chant,
par le moyen de la nouvelle baffe, une expreffion
fiegulière & détournée? Voilà des queftions dignes
d’exercer les habiles ar iftes. Nous nous contenterons
encore de les propofer, fans entreprendre de les
réfoudre.
Au refie, foit que l’harmcn-e fuggère ou non la
mélodie, il eft certain au moins quelle eft le fondement
de la mélodie dans ce Cens , quM n y a point
de bonne mélodie lorfqu’elle n\ ft pas îufceptible d’une
harmonie régulière. (Voyez Harmonie Liaifons, Sic.)
M. Serre , dans fon Essai fur les principes de Vhar-
monicy Paris, 1753, nous affUf£ tenir du célèbre
Geminiaoi, lé fait lui vaut, que lorfque ce grand
muficien a quelque adagio touchant à compoftr, il
ne touche jamais fon violon ni aucun autre ïrftru-
m.nt; mais qu’il conçoit & écrit d’..bord une fuite
d’accords; qu’il ne commence jamais par une limple
fucceflion de fo?s, par une fimple mélodie, & que
s’il y a une partie qui dans l’ordre de fes c- nc.p-
tions ait le pas fur les autres, c’eft bien plutôt celle
filé la baffe que tout autre, & M. Rameau remarque
que l’on a dit fort à propos, c\uune basse bien chantante
nous annonce une belle mufique , on peut. ,remarquer
en paffant, par ce.cjue nous venons de rapporter
de M. Ggminiani, que non-feulçment il regarde la
mélod e
F O N
mélodie comme ayant fon principe dans une bonne
harmonie, mais qu’il paroît même la regarder comme
fuggérée,par cette harmonie. Une pareille autorité'
donneroit beaucoup de poids à cette opinion, fi en
matière de fcience l’autorité étoit un moyen de décider
(/ ) . D un autre côté, il me parcît diffici'e,
je 1 avoue, de produire une mufique de génie &
d’enthoufiafme, en commençant ainfi parla baffe.
I Mais parce que la mélodie a fon fondement dans
1 harmonie, faut-il, avec certains auteurs modernes,
donner tout a l’harmonie & 'préférer fon effet à
celui de la mélodie ? Il s’en faur bien que je le penfe :
pour une oreille que l’harmonie affeéte, il y en a
cent que la mélodie touche préférablement ; c’eft une
vérité d’expérience’ inconteftable. Ceux qui fouticn-
.droient le contraire s’expoferoient à tomber dans le
défaut qui n’eft que trop ordinaire à nos muficiens
françois , de tout facrifier à l’harmonie, de croire
relever un chant trivial par une baffe fort travaillée
& fort peu naturelle, & de s’imaginer, en entaffant
parties fur parties, avoir fait de l’harmonie, lorfqu’ils j
n ont fait que du bruit. Sans doute une baffe bien
bien faite foutient & nourrit agréablement un chant ;
alors, comme nous l’avons déjà dit, l’oreille I3 moins
exercee qui les entend en même 'temps , eft forcée
de faire une égale attention à l’un &. à l’autre, &
fon plaifir continue d’être un , parce que fçn attention,
quoique portée fur différens objets, eft toujours
une : c eft ce qui fait fur-tout le charme de la bonne
mufique italienne ; & c’eft là cette unité de mélodie
dont M. Rouffeau a fi bien établi la néceffité dans
fa lettré fur la mufique françoife. C ’eft avec la même
raifon qu il a dit au mot Accompagnement : Les Italiens
ne veulent pas qu’on entende rien dans l’accompagnement
, dans la basse, qui puisse difiraire
l oreille de l’objet principal& ils font dans l ’opinion
que l attention s’évanouit en fepartageant : il en conclut
très-bien., qu’il y a beaucoup de choix à faire dans
les fons qui forment l’accompagnement, précifémenr
par cette raifon , que (’attention ne doit pas s y
porter : en effet, parmi les différens fens que l’ac-
compagnemenj: doit fournir, en fuppofant la baffe'
bien faite, il faut du choix pour déterminer ceux
qui s’incorporent tellement avec le chant, que l’oreille
en fente l’effet fans erre pour cela diftraite du ~
chant, & qu’au contraire l’agrément du chant en
augmente. L harmonie fert donc à nourrir un 'beau
chant ; mais il ne s’enfuit pas que tout l’agrément
de ce chant foit dans l’harmonie. Pour fe convaincre
bien évidemment du contraire, il n’y a qu’à jouer
fur un clavecin la baffe du chant bien chiffré?, mais
dénuée de fon deffus : on verra combien le plaifir
fera diminue, quoique le deffus foit réellement contenu
dans cette baffe. Concluons donc contre lopinion que
nous combattons, que l’expérfence lui eft abfolument
contraire ; & en convenant d ailleurs des grands effets
^ l ’harmonie dans certains cas, reconnoiffons la
mélodie dans la plupart comme l’objet principal qui
t atti L°reille' Préférer les effets ^ l’harmonie à ceux
Musique. Tome I.
F ON Syy
1 de la mélodie, fous ce prétexte que l’une eft le
. fondement de l’autre, c’eft à peu près comme fi l’on
vouloit foutenir que les foi demens d’une mfffon font
1 endroit le plus agréable à habiter, parcé que tout
l'édifice porte deffus:
Nous prions le lefteur de regarder ce que nous
venons de dire fur l’harmonie & fur la mélodie %
comme un fupplément au dernier chapitre du premier
livre de nos élémens de mufique , supplément
qui nous a paru néceffaire pour démêler ce qu’il
peut y avoir de problématique dans la queftion, Si
la mélodie ejl fuggérée par l ’harmonie ?
Que dirons-nous de ce qu’on a avancé dans ces
derniers temps, que la géométrie eft fondée fur la
réfonnance du corps fonore; parce que la géométrie
eft, dit-on, fondée fur les proportions, & que le
corps fonore les engendre toutes; les géomètres nous
fauroient mauvais gré de réfuter férieu'fement de pa-
reilles affertions : nous nous permettrons feulement de
dire ici, que la confidération des proportions & des
progreftions eft entièrement inutile à la théorie de l’art
mufical. je penfe l’avoir fuffifamment prouvé par
mes elemens meme de mufique, ou j’ai donné, ce
me femble, une théorie de l’harmonie affez bien
déduite , fuivant les principes de M. Rame/.u, fans
y avoir fait aucun ufage des proportiçns ni des pro-
greflions. En effet, quand les rapports de l’oélave,
de la quinte , de la tierce, &c. feroient tout autres
quils ne font; quand ces rapports ne formeroient
aucunes p'rogrefiîons ; quand on n’y remarqueroit
aucune (o.i ; quand ils feroient incommenfurables,
foit en eux7mêmes, foit entre eux, la réfonnance
du corps fonore, qui produit la douzième & la dix- '
feptième majeure, & qui fait frémir la douzième &
la dix-feptieme majeures au-deffous de lui, fuffiroit
pour fonder tout le fyftême de l’harmonie. M. Rouffeau
a tres-bien prouve, au mot Confonnance, que
la confidération des rapports eft tout à fait illufoire
pour rendre raifon du plaifir que nous font les
accords confonnans ; la confidération des proportions
n’eft pas moins inutile dans la théofie de la
mufique. Les géomètres qui ont voulu introduire le
calcul dans cette dernière -fcience, ont eu grand tort
de chercher dans une fource tout-à-fait étrangère ,
la caufe du plaifir que la mufique nous procure ; le
calcul petit à la vérité faciliter l’intelligence de certains
points de la théorie, comme des rapports entre
les tons dè la gamme & du tempérament; mais ce
qu’il faut-de calcul pour traiter ces deux points eft
fi fimple, & pour tout dire, fi peu dé chofe, que
rien ne mérite moins d’étalage. Combien donc.doit-
on défapprouver quelques muficiens qui entaffenc
dans leurs écrits chiffres fur chiffres, & croient tout
cét appareil néceffaire à l’art ? La fureur de donner
à leurs produirions un faux air fcientifîque, qui n’en
impofe qu’aux ignorans, les a fait tomb er dans ce
defaut., qui ne fert qu’a rendre leurs traités beaucoup
moins bons & beaucoup p’us obfcurs. Je crois qu’en
D d d d