
fa vie de So’qh . que ce célèbre légiflateur, en chantant
une élégie d’une centaine de vers qu’il a vo itcom-
pofés lui-même, excitales Athéniens, fes compatriotes,
à renouveler la guerre contre les Mégariens , & les
enflamma de telle forte qu’ils ne prirent de repos
qu’après la prife de Sala min e , qui étoit l’objet de
la guerre. Diogène-Laerce, Paufanias & Polyen ,
atteflent. le même fait.
Pythagore, fl l’on en croit B oë ce, voyant un-jeune
étranger pris de vin , & dans une rage fl violente qu’il
étoit fur le point de mettre le feu à la maifon de fa
maître (Te * qui lui avoit préféré fon rival ; voyant
fur-tout qu’il étoit encore animé par le fon d’une flûte,
qui jouoit fur le mode Phrygien , ordonna à la jouetfe
de flûte, de changer de mode, & de jouer fur un
ton grave & d eu x , & fui van t la mefure qu’on donnoit
.ordinairement au f r ondée; auffi-tôt le jeune homme
repi i f fa tranquillité & fa raifon. On attribue un trait
du même genre à D am on , maître de muflque de Socrate;
& Empédocle pafloit pour avoir suffi prévenu
un meurtre, par le fon de fa lyre.
Plutarque rapporte d’Antigenide, ce que d’autres
difent de Timothée, qu’en jouant devant Alexandre
un air très-animé, il enflamma tellement le courage'
de ce prince, qu’il fe le va fur le champ de table, &
faiflt fes armts.
L e peintre T h é o n , qui connciffoit la vertu de cette
muflque martiale, eut i’adrefle de s’en prévaloir , en
expo fan t un tableau ou il avoit repréfenté un foldat
prêt à fondre fur i’ennemi ; il prit, dit Elien , la précaution
de faire fonner la charge, par un joueur de
flûte ; & dès qu’il vit les fpeéfcrteurs fuffifummenr
animés par cette muflque, il découvrit fon tableau,
qui excita une admiration univerf.lle.
Th u cyd ide, cité par A u ’ugeîle, dit que lorfque lés
Lacédémoniens marchoient au combat , un flûteur,
Tibicen, les précédoit en jouant une muflque douce ,
pour tempérer leur courage, de crainte que par trop
d’ardeur & de témérité, ils ne fe précipitaient avec
une impétuofité aveugle: car en général, leur courage
avoit *plutôt befoin d’être reprimé qu’excité. Cependant
dans un engagement avec les _ Méfiés iens, ils
étoient prèsjd’être vaincus, quand le célébréTyrthée,
qui ce jour la jouoit de la flûte à la tête des fo u p e s ,
les voyant prendre la fuite, quitta fur le champ le
mode Lydien, & joua fur le mode Phrygien, qui
ranima fl bien leur courage, amolli par le mode précédent
, qu’ils remportèrent une v i&o’re complttte.
Ne disputons point fur la vérité de tous ces faits ,
mais recherchons fl dans ces premiers âg e s, il étoit
néceffaire que l’ait fût parvenu à ure grande perfection
, pour opérer avec tant de pu'.fiance.
La lyre de Terpandre , lorfqu’il appaifa cette
fédition à Sparte, ne falfoit qu’accompagner fa voix.
Il étoit excellent poète, & il eft probable q ue , dans
cette occafion, -fes vers furent plus perfuaflfs que fa
muflque On a déjà remarqué combien la mélodie
& la modulation étoient alojs bornées par le peu
d’étendue de la ly r e ; quelque defir qu’eût Terpsndre
d en étendre les limites, il ne fut p:-s fans doute àffez
imprudent pour s’expofer une fécondé, fois à la pe ne
que le > Ephores lui avoient déjà fait -fubir pour y
avoir ajouté une feule coide.
La diffrofition guerrière ou Solon trouva la jeunefle
Athénienne, & les accens perfuaflfs de fon é lég ie ,
qui tiroit un nouvel intérêt & un nouveau.pathétique
des circonftances, contribuèrent fa :s doute autant
que la mufique à la prife de Salamine. La mélodie
bornée alors à un petit nombre de n otes, étoit peu
fufceptible de variété, & le rhythme du ve; s élé-
gtaque, réglé feulement par le d a& yle, le fpondée ,
& quelquefois l’anapefle, le rendent moins propre aux
grands effets que le vers lyrique.
Le pouvoir attribué à la flûte dóns l’aventure de
Pythagore, perd beaucoup de fon m erveilleux , quand
on confidère que ce pouvoir s’exerçoit feulement fur.
des gens t'oublés par les fumées du vin. Aujourd’hui
m è n e , il feroit peu difficile de rendre furieux par le
fon d’un tambour & ci’un mauvais hau'-bois, une
troupe de jeunes g ns ivres : mais après ce premier
accès de rrge., fl le haut-bois jouoit fur un ton plus
grave , & retardent la mefure par degrés, nous verrions
bien ôt nos braves fe ràllentir, s .floupir m ême,
fans être tentés d’en avoir une plus haute'idée-dé la
muflque ni de l’exécution.
Quant au pouvoir particulier de la flûte de T i mothée
ou d’Àntigenides' fur Alexandre, efl-il donc
étonna-.t qu’un prince jeure & guerrier, extrêmement
fenfible aux charmes de la mufique , entendant: jouer
une charge ou une marche militaire, fe fait aullîtôt
levé de tab le , a t faifi fes armes, &. danfé la p y r -
rh’que? Falloit-il que fe talent du mufleien fût extraordinaire
& la muflque merveilleufe, pour produire un
effet fi naturel? Un prince de T h ra c e ,• dont parle
Xénophon , liv. V I I , fut animé de la même manière
par le fon de flûtes & de trompettes, faites d’une peau
de boeuf fans apprêt. Il da r loi t avec autant diimpetuo-
fité & de vîteffe, que s’.l eût tâché d’éviter un trait
lancé contre lui. Doit-on croire pour cela que dans la
v il e de Cérafonte, .c,ù l’on dit, que le fait arriva, la
muflque fût parvenue à un plus haut degré de per-
fedion qu’ailleurs ?
O n ne doit non plus rien conclure en faveur de la
mufique & des mufiriens, qui fous le ;-èg e d’Eric I I ,
roi de Danemarck, ayoient, fl l’on en croit Saxon le
grammairien, le pouvoir de mett-e en furçur ceux
qui les écoutoient : c : r c’étoit da s un fiècle & dans
un pays barbare, cù .la muflque letoit autant que les
moeurs. Toute imparfaite qu’elle é o î t , fon pouvoir
fur les pallions étoit pourtant le même qu’au fiècle
d’Alexandre. On prétend que la muflque produifit
l.’ s me.nés effets à la cour de Léon X ; il eft v r i
qu’elle commehçoit à fortir de la barbarie, quoique
bien éloignée de l’état de perfection où elle eft aujourd’hui.
T o u t cela prouve, que .la meilleure muflque de
chaque fiècle, quelque greffiè-e & imparfaite.quelle
fo it , a toujours un grand pouvoir fur les aff étions
humaines, & qu’elle pâlie dans ce même fiècl.- pour
être dêlicieufe , parfaite, inimitable. D e là le-- éloges
hyperboliques qu’on a faits dans tous les temps &
dans tous les pays , d’une muflque q u i, dans les âges
fuivans, devient infupportab e aux gens de goût; &
peut- être que plus le fiècle & la mufique font barba,
es , plus fes effets font pu i flans. .
Voici un ti ait qui pourroir aùtorifer cette opinion.
Un voyageur.célèbre ( M. le Vaillan t) au milieu
des déferts de l’Afrique , donnant à toute fa fuite, com-
pofée de Hottemo-s , une petite fê te , s’aperçoit qu’il
leur a diftribué tt\op de tabac, qu’ils vont tous s’enivrer.
Pour leur faire quitter leurs pipes , il a recours
à la muflque ; mais à quelle mufique? « Je me fis
apporter, dit-il, un..petit coffret, que je plaçai fur
mes genoux. Je l’ouvris ; jamais charlatan n’y eût
mis autant d’adreffe & de myftère. J ’en tirai ce noble
& mélodieux inftrument, a fiez commun dans quelques
provinces, & q a on voit dans les mains des écoliers
& du peuplé, en un mot une Guimbarde. »
« Je commençois à peine un a'r de pont-neuf,
que je vis tout mon nv>nde d-: fen d re filencieufement
les p pes 8c me confiée-er bouche béante, le bras à
demi tendu, les doigts écartés, dans l’attitude de ces
gens q»dune bonne vieille vient d’enforceler. Mais
leur extafe n’égaloit po nt encore leur, plaifir ; toutes
les oreilles dveiréës, & lès-têtes immobiles, penchées
de mon coté , ne perdoient .pas. le moindre fon de
l’inftrùmert; i’s ne purent tenir a leu- enthouflafme:
chacun infenfiblement quitte fa place pour s’approcher
& jouir de plus près; je crus voir le moment où
tc-us enfemblé alloient fe profterner devant le dieu
qui opéroit ces prodiges : ;e rioisen moi meme comme
un f©u,^& faifois mes efforis pour ne pas éc late r•
ce qui eût bientôt diffipé le preftige. »
de ce.mde mes gensqui fe trouvoit le p'us près d
moi ; & 1 a-mai de mon luth merveilleux. J’eus be- u
coup de peine à lui faire comprendre la manière d
9 en lervir : lorlqu'i: y fut- tant bien que mal arrv>
je le renvoyai à fa place. Je m’étois bi-.n douté qu
les an tes ne ferment contens-q.ne loTqu’ils auroier
auffi chacun le leur. Jediftribuat donc autant de guirr
bardes que , avois de Hottentots à ma fuite ; & ra
maffés enfemble, les uns faifam b ien , les antres fai
feint m a l, d’autres plus mal "encore , ils m« régalèrent
d’une mufique à épouvanter les furies. Jufqiïa
mes boeufs, inquiétés de ce bourdonnement affreux ,
& qui fe mirent--à beug’e r , tout mon camp fut le
théâtre d’un charivari dont- rien n’offie l ’exemple.
C’etoit, de toutes p a rts, l’image d’un vrai jour de
fabbat. >»
« A i ’air de ftupéfaCtion dont je les avois frappés ;
en ëflayant moi-même l’inftrliment ridicule, je m e-
to-s perfuade qu’on étonne de Amples efprits avec
de bien Amples moyens ; & ma1 gré tout ce que raconte
Thiftpire des grands talens d’O rp h é e , & d-s
miraces de fa mufique, je fuis toujours tenté de faire
honneur aux poètes de cette lyre-, harmonieufe , que
leur feule imagination a divinifée. » ( Voyage dé
M. U radiant, en j l f ique. ) v J oe ae
Re fti l’influence médica’e de la mufique, ou fon
pouvoir fur les maladies.
Martianus C apella,nous afiùreque le chant pouvoit
guérir de ) a fièvre., & qu’Afe'épiade guérifioit la
furdite par le fon de la trompette. Ainfi le même
bruit qui auroit pu occafionner cet accident à q u e l-
ques hommes en .étoit., pour, d’au trè s,-le meilleur
fpecihque. C ’eft la vipère qui guérit fes propres mor-
lures. Plufieurs modernes ont affûté que les fourds
entendent mieux dans un grand bruit; & le dofteur
Willis en particulier, parle d’une femme qui ne p o i -
vo ,t rien entendre que lorfq-u’on battoit du tambour,
bon mari avoit pris un tambour à fon fervice , pour
jouir du plàifir de caufér avec elle.
livra es Lacedemoniens de la peffe par la douceur
de fa lyre. O n trou ve dans d’autres auteurs une foule
de traits femblables.:, * 1 1 Xénocra e qui employa
* s ‘"ft'Hmens pour guérir les maniaques; c’eft
Théophrafte qui sffure que la muflque eft un fouve-
ra,n remeJe pour l’affoibliffement & le dérangement
m r P‘ *V ^ ^Ue H ^on 'a ^ûte peut guérir l’épi
ep.ie & la goutte feiatique. Gai:en ordonne férieufe-
ment de jouer de la flûte fur la pa-tie (ouffrante,
a-peu-pres comme on y applique les bains * v a -
peun Le Ion-du même inftrument droit encore un
fpecmque pour la morfure des vipères félon T h éo phrafte
& Démoc-ite. Arifto.-e accorde à la mufique
le pouvoir d adoucir lis châtimens. Les Tyrrhénie«*
dn -'l ne fouet eçit jamais leurs efclav.es qu’au fon
de la flûte : i.s regardent comme une preuve d'hu-
manue de dor net ce contre-p .ids à la peine qu’ils leur
font futur ; & pc-nfent que ce te d iv .r io n leur fait
perdre toute idee de fcppüce. Ajoutons à cela ce que
dit Julien Pollu x, que dans les vaiffeaut à trois rangs
de rames, il y avoit unfiiteur, non-feulement peur
marquer le te nps & la cadence pour ,'chaque coup de
rames ; mais pour ami, fer & fl „ter" les rameurs par
la douceur de la-mélodie. C ’eft cet ufags qui a fait