
diurne eux, & qui rend encore cette fingularitéplus
frappante.
Le dernier muficicn célébré par Homère eft Phé-
mius. C étoit,-félon Euftathe, un poète de fes amis,
& qui avoit été fon maître : il l’immortalifa en le
plaçant dans fon Odylfée. Il lui donne un talent
admirable, & un cara&ère plein de noblelfe. On peut
en général, comme Pope l’a remarqué , fe figurer
quel genre de poète* & de mufîcicns Homère avoit
vus de fon temps, par les defcriptions qu’il a lailfées,
de Demodocus & de Pbémius : on voit aulli que le
talent de la poéfie & du chant étoit alors regardé
comme une iufpiration immédiate des dieux, & que
les poetes chantoient en impromptu, foit fur un fujet
donné, foit fur une matière de leur choix. Il ne
paroît, dans aucun endroit de fes poèmes, que les
poetes dont il parle chantafient des vers écrits ou
compofes d avance. On a donc eu raifon de croire
que l’emploi des premiers poètes. & muficiens de la
Grèce n-ffembloit beaucoup à celui des Bardes chez
les Celtes , & des Scaldes chez les Scandinaves. Ils
alloient chantant leurs ouvrages dans les grandes
villes, dans les palais des princes, où ils éteient
'traités avec beaucoup de refpeét, & regardés comme
des hommes infpirés.
Hyagnis & Olympus étoient encore deux muficiens
célèbres qui vécurent avant Homère. Le premier, né
dans la capitale de la Phrygie, florifioit, félon les
marbres d’Oxford , i $06 ans avant J. C . Il inventa
la flûte phrygienne & le mode phrygien j les airs ou
nomes qu’on chantoir à la Mère des dieux . à Bac-
chus, à Pan, & .à d’autres divinités de ce pays,
étoient auffi de fa compofition. Le fécond eft fouvent
nommé avec refpeéfc par les plus grands écrivains de la
Grèce, & par les meilleurs juges en mufique.
Il y eut dans l’antiquité deux grands muficiens qui
portèrent le nom d’Olympus. Le plus ancien fut le
plus célèbre ; il étoit de Myfie , & fut difciple de
Marfyas. Il ajouta be .ucoup aux connoiflances mu-
ficales de fon temps, par l’invention de l’ancien genre
enharmonique. Platon , Ariftote & Plutarque célèbrent
fon talent mufical & poétique, & difent que
plufieurs de fes airs fubfiftoient encore de leur temps.
M. Burney remarque, avec raifon, que la religion
peut feule donner de la permanence à la mufique.
Ën effet, les airs d’Olympus, que l’on chantoic dans,
les temples du temps de Plutarque , n’étoient pas ;
alors plus anciens que les chants ou le plain-chant '■
de quelques hymnes de l’Eglife ne le font pour nous. !
Platon dit que la mufique d’Olympus étoit particuliérement
propre à affréter & à animer ceux qui
l’écoutoient : Ariftote , qu’elle rcmpliflbit l ame
d enthqufiafme : Plutarque , qu’elle furpaflbit en
fimplicité & en effets toure,mufique alors connue.
Selon ce dernier, Olympus étoit l’auteur de cet air
des chars qui tranfporta tellement Alexandre, lorf-
qu’il l’entendit chanter par Antigénide, qu il fe faifit
fes armes. A fon talent pour la mufique, il joi^noic
celui de la poéfie. Il compofa des élégies & d’autres
vers plaintifs qu’on chantoit au fon de la flûte j & les
chants de ces poèmes étoient fi célèbres dans l'antiquité
I par leur expreflion plaintive & pathétique ,
qu’Ariftôphane, au commencement de fa comédie
des Chevaliers, pu il introduit les deux généraux,
Démofthènes & Nicias traveftis en valets., & fe
plaignant de leur maître, leur fait dire ; ce Pleurons,
& plaignons-nous comme deux flûtes qui jouent un
air d’Olympus. »>
Thaletas de Crète eft le premiér poète-muficien
connu après Héfiode & Homère : il étoit de plus
philofophe & politique, au point'que Lycurgue alla
le chercher en Crète, pour s’aider de fes confeils
dans l’établiflement de fon nouveau gouvernement.
Ses odes, dit Plutarque, éteient autant d’exhortations
à l’obéifiance & à la concorde, auxquelles il donnôit
une nouvelle force par la douceur de fa voix & de
fes chants. Platon , Porphyre, Athénée , le feho-
liafte dePindare*, parlent auffi de fes talens, & citent
plufieurs airs qu’il avoir compofes.
Il y eut un autre Thaletas, auffi de Crète, qui
florifioit long-temps après l’ami de Lycurgue. Plutarque
le fait contemporain dje Solon : c’eft lui qui
pafioit pour avoir délivré les LacéJémoniens de la
pefte , par la douceur dé fa lyre.
Archiloque fut regardé comme l’inventeur de la
mélodie dramatique ou du chant appliqué à la
déclamation. Selon Plutarque, il adaptoit de deur
mauières différentes la mufique à fes vers ïambes.
Il èn recitoit quelques-uns avec un accompagnement
•qui fuccédoit au chant, & il en chantoit d’autres au
fon des. inftrumens , qui fuivoient fervilemcnt les
mêmes notes que la voix : c’eft cette méthode que
les poètes tragiques adoptèrent' dans la fuite. Si l’on
en croit le même Plutarque , il n’ y a point de poètes
dans l’antiquité qui aient autant contribué .qu’Archi-
loqiie aux progrès de la poéfie & de la mufique.
Hérodote le fait contemporain de Candaule & de
Gygès, roi de Lydie, 7x4 ans avant J. C . ; mais des
chronologiftes modernes le font vivre beaucoup plus
tard (1). Il étoit né à Paros, l’une des Cyclades.
Son père étoit d’une naifiance très-diftinguée, mais
il n’avoit époufé qu’une efclave.
Ce n’eft pas ici le lieu de rafTembler les événemens
aflez bizarres de la vie d’Arehiloquej ne le confidé-
rons que relativement à la mufique. Plutarque lui
attribue la Rhythmopée des ïambes trimètres , la
tranfition fubire d’un rhythme à un autre rhythme
d’un genre différent, & la manière d’accompagner
fur la lyre ces mefures irrégulières, &c. Sans enrrer
dans une explication minutieufe de ces inventions ,
il fuffira de dire que la mélodie, étant alors ri^ou-
reufement conduite par la mefifre du vers , de nouveaux
nombres en poéfie dévoient engendrer de
(1) Blair 686$ Prieftley 660 ans avant J. C.
nouveaux airs en mufique. Le vers héroïque , ou
hexamètre, paroît avoir été feul en ufage parmi les
plus anciens poètes & muficiens $ ils ne connoifloient
pas la tranfition d’un rhythme à l’autre , qu’exigeoit
la poéfie lyrique. Si donc Archiloque fut le premier
inventeur de ce mélange , on pouvoir avec raifon lui
donner le titre d’inventeur de la poéfie lyrique, qui
devint après lui une efpèce de verfification abfolu-
menc diftinéle de l’héroïque.
Ce poète-muficien eft mis généralement au nombre
des premiers vainqueurs des jeux pythiques. Sa
rage (1) fatyrique ne le poffédoit pas toujours j &
fon génie, devenu plus tranquille, lui di&oit quelquefois
des hymnes en l’honneur des dieux & des héros.
Il en compofa un particulièrement pour Hercule, qui
lui attira les applaudifiemcns de toute la Grèce. Il le
chanta dans une aflemblée très-nombreufe, aux jeux
olympiques : il reçut des juges la couronne confacree
au vrai mérite poétique. Cet hymne ou cette ode fut
chantée dans ia fuite pour tous les vainqueurs de
ces jeux, qui n’avoient point trouvé de poètes capables
de célébrer leur vidoire.
Tyrtée, général athénien, & muficien, eft célèbre
dans toute l’antiquité par la compofition & l’exécution
de fes airs & de fes chants militaires. Les Lacédémoniens
, malgré l’auftérité de leurs moeurs, recon-
noifloient fi bien le pouvoir de la mufique, & fon
influence.fur le courage, qu’ils appelèrent Tyrtée à
leur fecours j & l’ancien fcholïafte d’Horace dit qu’ils
dûrent la viéfoire aux fons belliqueux d’une flûte
militaire , ou d’un clairon qu’il avoit inventé , &
dont il jouoic à la tête de l'armée. Ils lui donnèrent
pour récompenfe les droits de citoyen : fes airs fe
confervèrent parmi les troupes, & l’on continua de
les jouer & de les chanter jufqu’aux derniers momens
de la république. C ’eft de lui qu’étoit cette chanfon
célèbre que chantoient en danfant, à certains jours
de fêtes, trois choeurs , l’un de vieillards , l ’autre
d’hommes faits, & le troifième d’enfans $ & qu’A-
myot rend ainfi, avec plus de naïveté que d’exactitude
:
k Nous avons été jadis
Jeunes , vaillans & hardis.
2. Nous le fommes maintenant.,
A Uépreuve à tout venant.
3 . Et nous, un jour le ferons,
Qui tous vous furpafferons.
Tous les anciens auteurs qui ont parlé de l’état
progreffif de la mufique en Grèce, célèbrent unanimement
les talens de Terpandre; mais ils ne s’accordent
ni fur le temps ni fur le lieu de fa naifiance.
Suivant les marbres d’Oxford, il vivoit environ 671
ans avant J. C . Plufieurs Anciens lui ont attribué
l’addition de trois cordes à celles de la lyre, qui
n’étoient avant lui qu’au nombre de quatre. Si les
(ï) Archilochum proprio rabics armavit iambo.
• Horàcx.
fept cordes étoient déjà connues de fon temps dans
les autres parties de la G rè c e ,- il femble au moins
que Tcrpandre fut le premier qui s en fervit a Lacédémone.
Le peuple s’offenfa de cette innovation. La
difeipline des Spartiates les avoit privés de tous les
fentimeos naturels, & les avoit loumis a des habitudes
fixes que l’on ne pouvoit combattre impunément,
foit que Terpandre derangeat les principes
fur lefquels ils s'étoient réglés jufqu’alors, foie
qu’il voulût leur en propofer de nouveaux , les
nouvelles cordes , ou les nouveaux chants, ou les
nouveaux rhythmes fur les anciennes cordes, dûrent
être également infupportables à un auditoire lacé-
démonien, & l’une ou l’autre de ces trois innovations
dut paroître une offenfe publique. Plutarque nous
apprend qu’ il fut mis à l’amende par les Ephores ,
pour prix de fon invention. L e même auteur die
pourtant, dans fon dialogue fut la mufique , que
Terpandre appaifa une fédition parmi ce même peuple
, par les fons perfuafifs de fa voix & de fa lyre.
Le feul moyen d’accorder ces deux paflages, qui
fcmblent contradictoires , c ’eft de fuppofer qu’il
avoit, par degrés, perfectionné le goût public , ou
dégradé le fien.
Terpandre ne fe rendit pas moins illuftre par fon
talent pour jouer de la flûte & de la lyre ou cithare ,
que par fes compofitions. Cela paroît par les marbres
d’O x fo rd , par un paflage d’Athénée, où l’on voie
qu’il obtint le premier prix dans les combats de mufî-
que , aux jeux Carniens, inftitués à Sparte pour
détourner la colère d’ Apollon , excitée par la mort
de Ca rn us, l’un de fes prêtres, que les Doriena
avoient mafiacré j enfin, par le témoignage de Plutarque
, qui dit qu’il n’eft pas befoin d’autre preuve
de l ’excellence de Terpandre dans l’art de jouer de
la lyre , que celle qui étoit confignée fur les regiftres
des jeux pythiques. On y voyoit qu’ il avoit gagné
fucceffivement quatre prix dans ces folemnités.
La mufique avoit une grande part dans ces jeux.
Outre que les combats gymniques y étoient accompagnés
du fon des inftrumens ; outre le concours
des pièces dramatiques , dont la déclamation chantée
étoit auffi foutenue par l’orcheftre , il y avoit encore
des prix particuliers de mufique. Jetons un coup d’oe il
rapide fur ces fêtes célèbres, confédérées feulement
fous le rapport de cet art.
Jeux Olympiques. Ils étoient particuliérement con-
facrés à Jupiter Olympien j & ils prirent leur nom ,
foit de cette circonftance, foit du temple d’Olympie,
auprès duquel on les célébroit. Il paroît qu’ils
eurent lieu, d’abord à des époques irrégulières, &
fans doute pour foleranifer quelques grands événemens.
C ’eft feulement depuis l’an 776 avant J. C .
qu’ils revinrent régulièrement tous les cinquante
mois, ou le fécond mois après l'expiration de la
quatrième année. Ils formèrent depuis ce temps l ’époque
la plus intéreflante pour la Grèce.
L a mufique y joua long-temps un rôle très-fubor