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.ce qu’il n’eft pas poffible de découvrir ; mais fi
l’on demande lequel des deux mit dans fon harmonie
plus de pureté * de richefle & de grâce ;
lequel difpofa plus clairement, plus judicieufe-
ment, plus ingénieufement fes parties ; lequel fut
tirer de fon o.cheiire de plus grands & de plus
nobles effets , il ne fera pas difficile dt prononcer
en faveur des concertos de Corelli. Le ftyle inf-
trumental a trop changé peut-être pour que l’on
pût aujourd’hui les entendre avec plarfir , mais on
peut encore les étudier avec fruit.
Vivaldi qui vint enfuite, rechercha moins dans
les fiens le chant & l’harmonie que d»s traits
brillans, difficiles 8c quelquefois bizarres; ce fut
lui qui mit à la mode les concertos imitatifs , tels
que ceux qui font connus fous le titré des fa'tfons.
Son concerto du coucou fut long-temps exécuté avec
admiration dans tous les concerts. Il y . a auffi
parmi fes oeuvres des pièces intitulées Stravaganre ,
extravagances, qui firent les ^délices de tous ceux
qui préferoient la multitude 8c la rapidité des notes
à la beauté des fons.
On en peut dire autant de Locatelli, fameux
par les caprices. Dans fes autres concertos , comme
dans ceux où il inféra ces épifodes finguliers,
il chercha plutôt à exercer la main qu’à flatter
l ’oreille ; & il femble avoir eu pour h ut d’exciter
la furprife plus que ie plaifir.
Gïufeppe Tartinï , à qui l’on peut avec juflice
donner le titre de grand , fit une révolut on dans
Ieftyle*du concerto , comme dans !e jeu du violon.
Des chants nobles & expreflifs , des traits favans,
ma s naturels , & defîinés fur une harmonie mé-
lodieufe , des motifs fui vis avec un art infini,
fans l’air de l’efclavage & du pédantifme , que'
Corelli lui-même , plus occupé du contre-point
que. du chant, n’avoit pas toujours évité ; rien
de négligé , rien d’affeété., rien de bas ; une pompe
fans enflure dans fes premiers allegro , dans fes
adagio une expreffion touchante 8c pathétique ;
des chants auxquels il eft impofîlble de ne pas
attacher un fens, 8c où l’on s’apperçoit à peine
que la parole manque ; enfin des prefo brillans
èc variés , lçgers fans petiteffe, & gais fans extravagance;
tels font en général le cara&ère & la
forme qu’il fut donner à fes concertos. 11 n’en
compofa pas moins de deux cents , qui ont été
recueillis 8c gravés à différentes époques, & dans
les diverfes parties de l’Europe. Ils ont v ie illi,
fans doute , parce qu’il n’y a rien de moins longtemps
jeune que la mufique ; 'mais il n’y a pas •
encore beaucoup d’années que les vrais çonnoif- .
leurs aimoient à les entendre exécuter par M. Pagin,
l’un de fes plus favans élèves, & le feul François
qui ait rendu'la mufique de Tartiqi comme elle
demande à l’ être ; il n?y a peut-être aucun pro-
feffeur, quelque habile qu’il puiffe être , qui pe
gagnât infiniment à s’exercer fur ces compofitions
fôlides , pleines de force & d’^pe grâce u<n peu
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féverS j maïs suffi qui ne dégénère jamais en aft
féterie.
Les concertos de Leclerc eurent vers le meme
temps , en France , une grande réputation, 8c la
méritèrent à beaucoup d’égards. Le tour frà.nçois
de la plupart des phrafes de chant n’empêche
pas qu’il n’y en ait de fort agréables. L’harmonie
en en pure & même affez favante ; mais les
tra.ts ne font ni légers, ni brillans ; ils ont un
peu de fecherefîe 8c d’unifo'miré.-Les morceaux
vifs n ont pas allez d’éclat ; & les morceaux lents
ont prefque tous moins, d’expreffion que de-
trifteffe.
Stamitz fut celui de tous les compofiteurs
Allemands q u i, fans fe régler tout-à-fait fur le
flyîe de Tartint , donna comme lui le plus de
grandeur 8c de nobletfe au fiyle de fes concertos.
Cet excellent fymph»n fte mil dans tous fes débuts
oc dans fes tutti une force & une majefté dignes
de Tartini ; peut-être même dans cette partie lui
Supérieur. Ses lolo.» ont du feu , de l’originalité;
ils font bien conduits , modulés hardiment,
pleins de traits piquans , & qui fe fo n t mutuellement
valoir ; ma» on y voit peut-être plus d’art
que de naturel. Si l’on ne peut les jouer fans effort,
on croit s’appercevoir qu’ils ont été compofés dé-
même. Les chants n’en font pas toujours heureux
ni faciles à falfir ; en un mot, pour l'affance, la
grâce 8c la mélodie , on diltingue fouvent entre
Tartini & Stamitz , dans leurs concertos , la mêmp
différence qui exifte entre la plupart des autres
maîtres Italiens 8c Allemands , dans leurs corft-,
polirions vocales.
.La forme du grand concerto , qu’on appellà
d abord Concerto grojjo , ( Voyez ce mot. ) „étoit
fixée par ces deux derniers maîtres , & par quelques
autres dont l’énumération feroit inutile- ici. Un
grand allegro d’un mouvement noble & modéré,
compofé pour l’ordinaire de trois folos , féparés
par des tutti, & précédés d’une aflez' longue
iatroduéhon qui annonce le principal motif, ' le
caractère general de la pièce, & même quelques
traits de mélodie qui doivent le faire entendre
dans les folos : enfin te un adagio ou largo , qui n’a
quelquefois qu’un folo , 8c tout au plus deux ,
où la beauté du chant doit fuccéder à l ’éclat des
traits & des paffages qui rempli fient le premier
morceau ; enfin un preflo g a i, brillant , animé,
dont les traits piquans & rapides biffent l’auditeur
furpris de la fertile imagination du cpmpofiteur,
& de l’égalité , de 1a sûreté , de la fupé iotité de
l’exécutant ; c’eft fur ce plan que, depuis Tartini
& les profeffeurs célèbres de fon école , étoient
conftruits prefque tous les concertos ; aucuns des
grands artiftes qui fe font fait entendre depuis , foit à
Paris, foit dans les autres grandes villes de l’Europe
, ne s’étoient confidérablejnent éloignés de '
cette forme,
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Lolli, qui avôit des raiforts pour ne pas aimer les
^adagios | les abrégea beaucoup dans fes concertos ,
& y mit encore fi peu d’exprelîion & de mélodie ,
qu’on fut rarement tenté de fe plaindre de leur
peu de durée , 6c qu’on s’habitua peu à peu à ne
les regarder, que comiiu une forte de repos 8c
de tranfition d’un allégro à l’autre.
Jafnowick , dont le jeu fpirituel, aimable 8c
facile , a fait pendant plufieurs années le charme
de nos concerts , eut, par la même raifon que
L o lli, la même indifférence pour les adagios , 8c
comme fon efprit indépendant s’arrangeoit mal
de tout, joug incommode , il alla même très-fou-
vent jufqu’à les fupprimer tout-à-fait. Ce ne fut
pas la feule nouveauté qu’il introduifit dans le
concerto11 en rendit en général le ftyle moins
noble peut-être 8c moins magnifique.; mais plus
coûtant, 4>lus gracieux , plus à la portée du commun
des auditeurs ; 8c femant toujours adroitement
dans fes plus grandes difficultés des traits
d’un chant fimple 8c populaire , il fe fit un genre
à lui qu’l eut bientôt mis à la mode. La compo-
lition des morceaux de ce genre exigeant moins
de force de tête * moins de génie 8c de Icience ;
8c ‘leur éxecution étant auffi moins favante 8c
plus facile , on n’entendit plus , on n’aima plus que
fes concertos, ou ceux de fes imitateurs. Quoiqu’il
ne foit pas lé premier qui ait, pour dernier mouvement
, employé les rondeaux . c’eft lui qui en a
fait un plus fréquent 8c plus agréable ufage, 8c
c ’eft à lui , fur-tout, que nous devons ce troifième
changement dans la forme du concerto. Quel-
qu’agrément qu’on y ait trouvé d’abord , i l . faut
convenir que 1 abus qu’on en a fait donne prefque
Je droit de regretter qu’un maître fi capable d’entraîner
le goût du public l’ait habitué à ce genre
futile 8c borné , dont la répétition éiernelle eft
pour tout véritable amateur une fource de dégoût
8c d’ennui. Se faire une loi de terminer deux
premières parties d’un caractère noble 8c fublime ,
comme doivent l’être les premiers morceaux du
concerto , par un petit rondeau dont le chant,
prefque toujours , tient plutôt du caractère de la
chanfon que de celui de la mufique , c’eft comme
f i l’on finiffoit nos grands opéras par un vaud
e v ille , & fi l’on faifoit entendre un air des rues
à la fin de Didon ou d’Iphigénie.
Dans'le fort de notre engouement pour cette
mufique légère , 8c, comme on difoit, à la portée
de tout le monde, M. Viotti vint nous faire
entendre un autre jeu , 8c des concertos d’un autre
ftyle. Elève du célèbre Pugnani, ayant, pour ainfi
dire , fuee des l’enfance les grands principes de
1 école de Tartini , fon jeu 8c fes compofitions
parurent également extraordinaires. Ce n’eft pas ici
le lieu de parler de ce jeu favant, large 8c fublime ,
qui fera mieux apprécié à l’article violon. Quant à
fes concertos, ou brilloit une imagination féconde,
une hardieffe heureufe, 8c toute la fougue de la
Mufique. Tome /.
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jeuneffe , modérée par un grand /avoir 8c par un
goût pur, mais noble, 8c “qui n’avoit rit n de
petit‘8c de mefquin, ils furent loin d’être goûtés
d’abord comme ils le méritoient ; mais îorfqu’il
eut enfin vaincu ces préventions 8c ces réfiftances
que les partifans d’un artifte oppofent toujours au
fuccès d’un autre, en raifon de fa fupério-ité , on
reconnut que ce qui avoit paru bizarrerie n’étoit
qu’invention 8c nouveauté ; qu’il y avoit de la
mélodie où l’on avoit refufé d’en voir , parce qu’elle
n’étoit pas-vulgaire 8c triviale ; que toutes les richef-
fes de l’harmonie y étoient jointes à la beauté de
l’ordonnance 8c du deffin , 8c la connoiflarice la
plus approfondie de l ’inftrument principal à celle
des effets de l ’orcheftre. On fut fur-tout enchanté
de ces beaux adagios , que leur auteur exécutoit
avec une perfeéfion dont on avoit depuis longtemps
perdu l’idée , 8c qui rendoit au concerto
toute fa dignité. S’il céda quelquefois au goût du
public pour les rondeaux , ce ne fut ni toujours,
ni fans donner meme à ce petit genre une forte
d’élévation 8c de nobleffe.
Telles font les révolutions qu’a éprouvées la plus
grande 8c. la plus noble des compofitions inftru-
mentales. Son caractère paroit fixé déformais , 8c
ne pourroit peut-être plus changer fans y perdre.
Je n’ai parlé que des concertos pour le violon.,
parce qu’ils ont été les premiers , long-temps les
feuls , 8c que, ceux qu’on a faits enfuite pour d’autres
inftrumens ont été deffinés entièrement fur le
même modèle. Le jeu des inftrumens s’eft tellement
perfeétionné , qu’il n’en eft aucun maintenant
qui n’ait la prétention de briller dans un concerto.
Le clavecin eut de bonne heure ce privilège ,
qu’il a confervé avec juftice, ou plutôt qu’il a
tranfmis au piano-forte. La flûte, le haut-bois,
la clarinette , ont depuis long-temps leurs concertos.
Le cor même a les fiens ; 8c le trifte baffon n’a
pas voulu céder cet avantage. J’ai entendu le
neveu du grand Stamitz jouer fupérieurement des
concertos d’alto-viola ; ceux de violoncelle ont fait
la réputation de plus d’un artifte célèbre ; 8c l’on
en a enfin compofé pour la contre-baffe, -
(_ M. Ginguené. )
CONCERTO-GROSSO. C ’eft le titre que l’on
donnoit dans le fiècle dernier,8c au commencement
de celui-ci, à des fymphonies avec un violon principal
8c d’autres parties , foit obligées , foit Amplement
ripiene. Ces pièces ont été les premiers modèles
de ce que nous appelions aujourd’hui concerto.
Dans les concerti-grojji le violon principal fe nom-
moit violino di concertino ; on diftinguoit par la même
dénomination l’inftrumen*ifte qur jouoit le folo,
du fimple fymphonifte que l’on nommoit violino di
grojfo. Les concertt grojji de C ore lli, de Geininiani
de Vivaldi ont fait dans leur temps les délices des
amateurs, 8c l’ai vu des artifles modernes rendre
juftice au mérite de ces compofitions.
( M. Framery. \
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