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traits d’humeur & de prévention (Jui, en donnant à
fes écrits un effet plus piquant, leur ôtent trop fou-
vent le premier mérite des ouvrages dé fcience &
de philofophîe, celui de l’exa&itude & de la fin-
cérité.
Nous allons parler plus férieufèment des A c a démies
DE MUSIQUE.
Le mot Y académie a eu des dèftinées bien di-
verfes. C ’étoit chez les Grecs le jardin d’un philo-
fophe où Fon raifonnoit fur les principes & la nature
des chofes. Chez les modernes , c’en le nom qu’on
donne à des fôciétés favantes ou littéraires ; mais en
Italie une académie efï auffi un concert de mufique.
En France un jeime homme va à Y'académie pour
apprendre à monter à' cheval, & il fait une académie
lorfqu’iî delîine une figure humaine d’àprès le
modele. Ce font là des exemples dé fa bizarrerie
qui apréfidé à la formation dés langues modernes.
C ’eft aux.Italiens que l’Europe doit la renaiflarce
de la mufique comme de tous les arts. Il eft naturel
de* chercher à relever & à anoblir les titres de fa
gloire. Le nom que leurs ancêtres dbnnoient au dévouement
patriotique de Curtius , à, l'inflexible
équité de Caton , ils l’ont donné au talent dupeintre
& du chanteur. Virtu dêfigne proprement un des
beaux arts , & Caffarielli eu un virtu ofe par excellence.
Il ne leur a pas fallu faire une fi grande violence
à leur langue pour donner le nom académie
à des aflemblées formées uniquement pour exécuter
des cantates & des madrigaux.
Mais ces aflemblées étant devenues en quelques
villes d’Italie des afibciatîons permanentes , munies
de la fanétion du gouvernementméritèrent alors
un peu mieux- le titre d*académies de mufique.
En 1543 , Y académie des philarmoniques fut inf-
tâtuée à Vicence , d’où elle pafla depuis à Vérone.
En 156 /, une autre- académie, fous le nom de
gli incatenatï (d e s enchaînés') fut incorporée avec
la.première , &. leurs membres-réunis s’étant adref-
fés aux magiftrats de Vérone, obtinrent la concef-
fion d’un terrein fur lequel ils firent bâtir un grand
& bel édifice où l’on dbnnoit un concert public
toutes les femaànes. Vers Fan 1732 , ou y 'a ajouté
un théâtre pour y exécuter des opéra.
En 1662 , il le forma à Bologne une fociété du
même genre, fous le titre (Yacadémie des philomufes ,.
laquelle prit pour fymbole une colline couverte de
rofeaux, avec cette devife : vocis dulcedine captant.
En 1663 , il S’établit par émulation dans la même
ville , une autre fociété qui s’appella Y académie des
muficiens philachifis { de' mufici *Filachifi ) , ayant
pour fymbole deux tambours de bafque, & pour
devife : o. bem demultet attattu. Celle-ci férnble n’â-
voir voulu faire que là parodie de la première. Nous
croyons que ni l’une ny l’autre n’exffte aujourd’hui.
On croit aflez généralement que Y académie royale
de mufique à Paris eft un établiflement à-peu-près
du même genre que nos académies royales de peinture
ou d’architeéhire. Nous avons été nous-mêmes-
A C A
dans cette erreur ; mais en remontant à l’origine cfe
fon établiflement, nous avons vu qu’on ne lui avoit
donné le titre d'academie, que dans le fens qli’on
prend ce mot en Italie. On peut s’en convaincre
en lifant le privilège que Perrin obtint en 1669. En
voici le difpofitif. L o u i s , par la grâce de D ieu , & c .
c< P. Perrin nous a très-humblement fait remontrer
« que dèpuis quelques années , lès Italiens1 ont éta-
» bli diverfes academies dans lefquelles il fè fait dès
îj repréféntations en mufique qu’on nomme opéra ;
»J que ces académies étant compofées des plus ex-
js cellens muficiens du Pape 8c autres princes ,
» même de perfonnes d’honnêtes familles , nobles
îs & gentilshommes de naiflance , très-favans & ex-
33 périmentés en Fart de mufique , qui y vont chan-
33 te r , font à préfentl'es plus Beaux fpe&acles & lès
»5 plus agréables divertiflèmens , non-feulément des
»s villes de Rome , Vènife & autres cours d’Italie ,
îj maiseneore ceux des villes & cours d’Allemagne
J? & d’Angleterre , où lefdites académies ont été
sî pareillèment établies à l’imitation des Italiens >
îj que ceux qui font les frais néceflaires pour îèfdites
» repréfentations , fe rembourfènt de leurs avances
33 fur ce qui fe reprend du public a la porte des lieux
s» où elles fe font.........A ces causes , nous avons
33' audit* Perrin accordé & o&royé, accordons &
33 oétioyons, par ces préfèntes lignées de notre
53 main, la permifiion d’établir en notre Bonne ville
33 de Paris & autres de notre royaume , une aca*
»s démie , compofée de tel nombre & qualité de
33 perfonnes qu’il avifera, pour y repréfenter 8c
33 chanter en public des opéra & repréfentations ea
33 mufique & en vers françpis,,pareils &femblable$
33'à celles d’ Italie, & e . . . .-
Nous remarquerons , en paflant, que dans ce
même privilège du R o i , on trouve cette claufer
33 & attendu que lefdits opéra & repréfentations
33 font des ouvrages de mufique tout différens des
33-comédies récitées, & que nous les érigeons par lef-
33 dites préfentes, für le pied dè celles dès académies
>r d’Italie', où les gentilshommes chantent fans dé-
33 roger ; voulons & nous plaît que tous gentils**
sr hommes ^demoifelles & autres perfonnespuiflent
33 chanter audit opéra, fans que pour ce ils dérogent
33-auxtitres de nobleffe, niàfteurs privilèges, droits
33 & immunités , &e. 33.
La diftinétion qu’on met dans cette plirafe entre
l’opéra & la; comédie fembleroit indiquer que les
comédiens qui étoient noblès ne conlervoient pas
alors leurs droits aux privilèges de la noblefle. Cependant
on a cité & 'rapporté plufieurs fois un arrêt
du confeil, rendu en faveur du comédien Fkmdor*,.
qui étoit gentilhomme , & qui étoit inquiété par les
traitans , a raifon du titre d’écuyer qu’if prenoit. Cet
arrêt eft dta 10 novembre 1668 , huit mois avant
l’expédition du privilège de Perrin ; mais ce n’eft
pas. ici” le lieu de difeuter ce. point de'fitit.
Le privilège accordé à Perrin fut févôqué en rtiyz
& tranfporté à.Lully , en donnant au mïqsYacadémie
de mufique les mêmes motifs & la même accepà
à A
lion ': «c Nous permettons au fieur de Lully d’établir
s? une académie de mufique dans notre bonne ville
33 de Paris, qui fera compofée de tel nombre &
»3 qualité de perfonnes qu’il avifera, bon être , pour
33 faire des repréfentations devant nous des pièces
33 dé mufique, qui feront compofées , tant en vers
>3 françois qu’autres langues étrangères, pareilles
33 & femblables aux academies d’Italie , & c . 33
Notre académie royale de mufique n’a pas eu depuis
d’autres titres conftitutifs. Ne teroit-il pas tems de
former un établiflement qtii fût une véritable académie
; c’eft-à-dire , qui fut compofé de profe fleurs
& d’amateurs inftruits dans la théorie de la mufique,
& qui réuniroient leurs lumières & leurs travaux
pour la fixer & la perfectionner ?
Aucun des beaux arts n’auroit autant de befoin
de ce fecours que la mufique. Les peintres, les
fculpteurs, les archite&es font guidés par des règles
jprifes dans la nature , ou par des méthodes certaines
& convenues. Les muficiens feuls font prefqrie
abandonnés à la routine & à leur inftinô. La langue
même de Fart eft vague & incertaine jufques dans
fes notions les phrs élémentaires : elle eft fi imparfaite
, que, même dans la partie technique, elle
fourmille de fauflfes dénominations , comme on le
Verra fouvent en parcourant ce diâionnaîre. Des
parties eflentielles de cet art ; celles mêmes d’où
réfùi'tent fouvent les plus grands effets , manquent
de lignes pour être notées , & la langue n’a point
de mots pour les exprimer. Il faudroit donc, tout à
fa fois , faire le vocabulaire de la mufique en re-
1 voir toutes les règles , en obferver tous les phénomènes
, & tâcher, en écartant tout efprit fyftéma-
tique , de eompofeix enfin, une méthode générale
qui pût eu abréger l’étude & en éclairer la pratique,.
Les italiens ont la gloire d’avoir fourni des exemÔ
refque tous les genres de beautés dont la mu-
peut-être fufceptible, Sc d’en avoir répandu
le goût dans toute l’Europe. Les françois devront
au célébré Gluck d’avoir le premier conçu le fyf*
tême d’une mufique vraiment dramatique , & notre
théâtre en offrira les modèles aux autres nations &
à la poftérité. Hâtons-nOus de dérober aux Italien^
& aux allemands la gloire de pofer les véritables
baies du fyftême mufical, & de transformer le plus
aimable & le plus tonchant des arts en une feienee
aiîfli iiîtéreflante que féconde.
Un homme de lettres très^diftingué , qui joint la
pratique de la mufique à l’étude de la théorie , &
qui a publié fur cet art un ouvrage plein de goût,
de finefle & de vues utiles,.avoit déjà énoncé lè vcèu
que nous formons. Voici ce que dit M. de Chaba-
noiï au commencement de l’ouvrage dont nous par*
' Ions. Peut-être feroit-ce concourir à l’accompliffe-
33 ment des vues que je propofe que d’ajouter quel-
33 que chofe encore au mge éfâblifièment- que l’on
33 vient de faire en faveur de la mufique. Pourquoi
■ 33ne pas Fériger complettementen académie,-en
33 lui aflignant des jours d’aflemblée où on liroit des
» mémoires, des ouvrages relatifs à cet art ? Au
A c c 5
>3 moyen de ces fèances , les muficiens fe trouve-
33 roient plus naturellement rapprochés des gens de
33 lettres , en qui ils doivent chercher des lumières ,
33 qu’ils reverleront fur eux toutes les fois qu’il
33 s’agira des myftères propres de la mufique. Puifle
y> cette affociation s’effeéhier, & produire les heu-
33 ceux effets que j ’en prévois 133 Oe la mufique con-
fidérée en elle-même , & dans fes rapports avec la parole
, les langues , la poéfie 6* le théâtre. Page 23^
Le P. Sacchi, religieux italien , auteur de plufieurs
bons livres fur la mufique, regrettoif aufïi
dans un de fes ouvrages que la théorie de Fart ne
fut pas mieux Connue & plus répandue, ce Je vois
33 avec peine , dit-il, que dansùirt fi grand nombre
i >3 d’écoles , de chaires publiques , d’académies de
\ »3 fciences & d’arts , que l’on compte en Europe ,
! 33 il n’y en ait pas une où la partie fpéculative de la
33 mufique foit enfeign'ée. {Delta divifione del tempo t
» p . 2 3 4 ) ,..
Il y a eu autrefois , én différent endroits , dès
profefleurs de théorie muficale. Bârrhelemy Ramo
Fétoit à Salamanque'. Il y en a encore en Allemagne.
Dans les lïniyemtés d’Oxford & de Cambridge
en Angleterre , on ne profeffe plus la mu-
fîq.ue publiquement ; mais on y conrere encore
le bonnet de doéteur en mufique. Ces anciennes
inftitutions font tombées , & quand elles feroient
rétablies , elles ne rempliroient pas aujourd’hui le
but d’utilité générale qu’on deVroit fe propofer, &
qu’on pourroit attendre d’une fociété bien compofée
, où dès hommes de lettres & des muficiens',
inftruits fes uns & les autres dans la théorie de l’art,
feroient occupés à recueillir des obfervatiotfs, à ana-
/ îÿfer les prodziétions muficales, à rédiger leurs vues
dans des mémoires,. & à folKcitër, par des prix
propofes aux amateurs & adjugés en public , la
difcuflîon des queftions les plus intéreflantes & les-
plus obfcures de la mufique.
Un miniftre aéiif & zélé qui préfide aux académies
favantes & qui a fu y porter de nouveaux
motifs d’émulation par des encouragements également
utiles au public & aux gens de lettres *
préfide en même ternis à l’adminiftration du; théâtre
lyrique , & a fonde' dés écoles pour y perfectionner
l’enfeîgnement & diriger les talents des
êleves J e’éft dans ce moment , fans doute, qu’i l
convient de propofer FétablifTement dont nous v e nons
dè tracer le plan ^ §4 qu’il eft permis d’en e s pérer
le fuccès.
Quant à Fhïftoire & à l’état aâuel de Y academie
royale de mufique , confidérée fimplement comme;
établiflement de fpeélaele , ce n’eft pas ici le lieiï
d’en parler. Voyez Opéra* ( M. Saard.X
ACCENT. On appelle ainfi , félon l’acception;
la plus générale , toute modification de là voix,
parlante ,-dkns la ( 1} d u r é e o u dans le ton dès fy l-
'I) Ce chiffre & ceux qu’on trouvera dans-le courant de
cet article, indiquent les endroits auxquels oh répond, en fuûf
vant l’ordre des renvois, dans les observations qpi fuiveïK»-