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C ’eft à ces établiffemens que nous devons entre
autres Mefdames Agujari & S irm en , dont les
talens prodigieux fe lont fait admirer en F ran c e,
& dans toute l’Europe.
Nous avons donné quelque étendue à ces détails
fur les confcrvatoires, non-feulement pour remplir
notre but relativement à la partie h iftorique, mais
encore pour qu’on puiife profiter de ce qu’ils ont
de bon pour un établiffement du même genre ,
fondé à Paris depuis quelques années , & qui
feroit fufceptible de beaucoup d'améliorations.
L ’ Ecole royale pour le Chant &• la Déclamation
a été établie au mois d’avril 1784. Elle eft com-
pofée d’un dire&eur , de quatre maîtres de ch an t ,
trois maîtres de fo lfe g e s , un maître pour la déclamation
p a rlée, deux maîtres pour la déclamation
ch an té e , un pour la compofition , deux pour le
Clavec in, un pour le violon , un pour la baffe ,
un pour les armes , un pour la danfe , un pour
la langue fran ço ife , l’hiftoire , la géograp hie, & c. ;
en outre plufieurs jeunes gens qu'on appelle
maîtres de fipplément. Il n’y en a point pour la
flûte , le haut-bois , le b a ffen , le c o r , la clarinette
, & c . Qu o iq u e ces inflrumens foient fort
emp loyé s dans les orche ftres , & qu’il y en ait
très-peu à Paris. La plupart de nos joueurs d’inf-
trumeris à vent nous viennent d’Allemagne.
C e tte fou le de maîtres n’a pourtant à former
qu’ une trentaine d’élèves , & encore a r r i v e - t - i l
que , faute d’un ordre bien établi dans la diftri-
bution des études , ou parce que l ’attention des
maîtres fe porte naturellement fur ceu x qui font
le plus avancés , les autres demeurent quelquefois
dans l’oubli & vont plufieurs jours de fu it e , matin
& f o i r , à l’é c o le , fans pouvoir y trouver une
leçon . Mais ce qu’il y a de plus d angereu x, c’eft la
différence qui fe trouve néceflairement dans la
manière de donner des leçons , quelque unanimité
q u ’on v eu ille fuppofer aux maîtres dans leurs prin.
cipes. Ce tte différence ne fert qu’à brouiller les
Idées des élèves & à retarder leurs progrès.
C ’efl un des grands inconvéniens de cette fondation.
de ne pas y loger les élèves , & fuivre leur
inflruélion depuis le matin jufqu’au foir. A v e c une
jeuneffe naturellement drffipée , ces perpétuelles
allées & venues fufnfent pour détruire l ’effet.des
meilleures leçons.
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lequent s y vouer à l’imitation avant d’être affez
forts par eux-memes pour favoir s’en défendre. Ils
cham!?nent les défauts de nos
hanteurs , car c efl toujours ce qu’on faifit le plus
facilement. Eh ! comment, en e ffet, évireroiem-ik
d.miter des défimts qui n’empêchent pas ies a -
K i f f e m ’ q“ même ?Uel<Iuefois •« exciten ,
I M Paï e“ -e consacrés? A in fij loin de
régénérer 1 art du chant en France , comme il étoit
defirer, cet eiabhffement n e fert qu’à perpétuer
les vices de l’ecole françoife. 4 F F
à l’Onétf1 k t ; r ai S C0Tr",f on veut 1u’ils entre»«
a lUpera e plutôt poffibie, ils n’étudient oue
des rôles d’opéra déjà au théâtre , & Pu Z e ce!
le s^ h fm J T 1CUr aPPa.rtenir. UfeutPbien qu’ils
comme W m a toujours chantés On
lent combien cette méthode , qui ne permet aux
eleves aucune dée propre c
tionnement de l’a« .P P ’ PP° fe aU perfec-
Ils n’ont point d’exercices publics ; ainfi leurs
maîtres font les feuls juges de leurs progrès. De-là
peu d émulation. Le feul but des élèves ell dé
favoir bien vrte quelques rôles J pour être en é w
de débuter au premier befoin.
Cette fondation eft aux frais du gouvernement '
ce qui n eft pas jufte , car les revelus d ™ “ !
nement font lerefultatde la contribution de fous les
ordres de citoyens, & tous les ordres de citoyens
ne simereflentpas également à la conferoatiln de
M É i B É H en refulte d’ailleurs que les fonds
de 1 etabliffement font bornés & ne lui permettent
?oaL Une eXK I P U aUr0it fluelq«efois b“
■ reUfont les vices principaux d’une inftitution
formée dans des vues excellentes, & ce n’eft pas
la faute des chefs fi l’effet ne répond pas à leurs
bonnes intentions Nous allons expofeï quelque!
idées lur les améliorations dont nous la ç r o y o ü
fufceptible. Elles font tirées d’un mémoire qid f„
publie en 1 7 8 4 , lors de fa création. 4
■ “ »Pique doit être fous la proteffion
mmediate du ro i; ma,s aux frais des riches amateurs
de 1 a r t, & non a ceux du gouvernement.
1 Elle m S i dans wne ‘"dépendance abfolue
le tout fpeflacle ; car elle doit fervir à créer l’a«
du chant en France , avant de fonger à former des
acteurs pour l’Opéra.
Pour les dédommager de l’entretien , on a imaginé
de leur donner des appointemens, payés en
partie par l ’école , en partie par l’adminiftration de
P O p é r à , auquel la plupart de ces fujets font def-
tinés ; mais il eft prefque impoflible d'éviter que
ces appointemens ne foient proportionnés plutôt à
la protection dent jouiffent les jeunes gens qu’à
leurs véritables befoins , ou à leurs véritables ralens.
D è s le moment qu’ils font appointés par l ’O p é ra ,
Üs y ont leurs entrées ; ils viennent par con-
» n , J «wiiiDreux ; car ce
n ,eft fl1' 6 dans un g rand "Ombre qu’on peut ef-
perer de trouver qudques fujets vraiment capables
de fe diftmguer. L e mémoire les porte à c e n t , dont
trois quarts de garçons & le relie de filles.
Il faut qu’ ils foient entretenus de tout au con-
W Ê Ê m ’ & f ‘uvre en ce point la forme de ceux
d Italie que nous avons rapportée plus haut, tant
ftude Tes l admi!T r H P°»r la forme des
e tu d e s .L e s garçons & les filles doivent être dans
deux battmens feparés , 6? il faut veiller fur leurs
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moeurs avec la févéritê la plus rigoureufe. Sans
les moeurs , la jeuneffe ne fauroit acquérir de
véritable talent.
Les études qui leur conviennent fo n t: i ° . l’art
de lire , c’eft-à-dire, d’accentuer leur le&ure pour
fervir de préliminaire à l’art de déclamer. 2, . D ’écrire
lifiblement & de copier la mufique. 30. La danfe ,
ou plutôt l’art de marcher 8c de fe préfenter avec
grâce. 40. D e lire la mufique & de s’accompagner
au clavecin. 50. Les clémens de la comp ofition,
étude que lés élèves poufferont plijs loin , fi on
leur trouve des difpofitions. 6°. Les inftrumens
d’orcheftre. Le goût des dilciples & la fagacité des
maîtres déterminera celui des inftrumens qui conviendra
le mieux à chacun d’eux. On ne peut
s’occuper de l’artdu ch ant, proprement d it, qu’après
l’âge de la m u e , quand la beauté de leur organe ,
jointe aux autres qualités néceffa ires, permettra
de les deftiner au théâtre.
O n ne peut pas efpérer que cent élèves foient
tous propres au théâtre, & quand cela feroit poffibie
on en feroit fort embarraffé. Nous n ’avons pas
affez de théâtres fixes en France , pour les regarder
comme une reffou rce, & il faut cependant s’occuper
du fort de ceux qui ne pourront pas y être
deftinés , 8c q u i , ayant paffé leur jeuneffe au con-
Jervatoire , ne font plus capables d’embraffer un
autre état. Les garçons deviendront des muficiens
d orcheftre, & les filles graveront de la mufique.
Ce tte derniere idée en amène une autre. Le
confervatoire, par fes propres reffoures, peut élever
un commerce de mufique très-confidérable , & tel
même qu’il envahiroit bientôt celui de toute la
France. I l en réfulteroit un avantage’ d o u b le ,
favoir que ce commerce , très-lucratif quand il eft
fait en grand & bien entendu , pourroit fuffire au
foutien du confervatoire & faciliter fon ex ten fion ,
& qu’en même-temps il oftriroit un état hoifnête
& agréable aux fujets qui ne pourraient convenir
aux théâtres.
Chaque élèv e , pour être admis à l’école de
mufique , feroit préfenté par un proteâeur qui
paieroit une fomme annuelle pour lui. Mais comme
cette reffource feroit fort incertaine, fi on ne
l’attendoit que de la bienfa ifance, il faudroit y
joindre un motif plus intéreffé. O n établiroit donc
dans cette école un fpeélacle m u fic a l, exécuté ;
par les feuls é lè v e s , tant pour la partie v o c a le , que '
pour ce lle des inftrumens. Ils y feroient des exer- ,
cices trois fois la femaine, fous les y e u x de leurs I
proteâeurs , intéreffés à leur avancement. Affu* j
rém en t, fi foible que pût être ce f p e â a d e , il I
vaudroit bien ceux des boulevards , où l’on fe
porte e ri foule , & il auroit de plus un grand
attrait d’amour - propre pour ceux qui fauroient
fondé.
Q u ant aux ouvrages qu’on y repréfenteroit, le
mémoire que nous extrayons propofe une idée
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qui nous paroît infiniment a v an tag eu fe , & que
nous allons cijer.
« O n fe plaint tous les jours de la manière dont
» les ouvrages préfentés à nos théâtres font jujés;
» on convient qu’une fimple leéïure eft un m o y en
” bien infuffifant pour apprécier une -pièce dont
>5 le mérite confifte fouvent dans le mouvement
« Sc les fîtuatiens, C ’eft bien pis pour les pièces
» en mufique : il faut abfolument les entendre.
» Eh l comment les juger à une répétition q u i,
” malgré les peines , les foins , l ’argent qu’elle
” c o û te , eft toujours mai faite ? L e confervatoire
» offre un remède à ces inconvéniens qui jufqu’ici
53 n’en avoient pas paru fufceptibles. On apportera
” au maître la partition d’un opéra férieux 011
” comique. S'il en juge la mufique affez correcte
» pour être entendue , les élèves en copieront eux-
n memes les rôles & les parties d ’orcheftre. Ils les
» apprendront par coeur , 8c les répéteront entre
” e u x , fous les y e u x de l ’auteur & du maître
»5 jufqu’à ce qu’il y ait affez d’enfemble pour en
>3 donner une jufte idée. A lo r s ils en feront une ré-
>3 pétition réelle devant les in t ‘ reffés , c’eft à-dire ,
v les aéteurs du théâtre auquel l ’ouvrage eft def-
3» tiné , & les prote&eurs de l’école qui en feront
33 les véritables juges. C e tte repréfentarion, faite
33 a vec tout l’appareil néceffa ire, par des jeunes
j> gens d’un talent foible encore , à, la v é r i t é ,
33 mais exercé a vec jufteffe & avec g o û t , doit
33 faire juger avec certitude du mérite des paroles
-13 de la mu fiqu e, 8c de l’ad ion théâtrale.
>3 Si l’o u v ra g e , ainfi e x écu té, paroît trop foible
33 pour un grand fp e& a c le , il reftera au cenfer-
33 vatoite, en dédommagement de fes frais. Si
>3 au contraire , ce fp e â a c le l’a c cep te , il paiera au
33 confervatoire une certaine fom m e , pour les dé-
33 penfes de cop ie & de reprèfentation ; a in fi,
33 outre les avantages que nos théâtres en tireront,
39 cette école fervira encore à former de jeunes
33 auteurs , & à leur faire entendre l ’effet de leurs
>3 ouvrages , en leur épargnant , ainfi qu’aux
33 aâeùrs , le défagrément- des chûtes publiques ,
J3 & les dégoûts des répétitions. »
T e ls font les ouvrages qui formeroiem le répertoire
de l ’école. Mais ce ne fero ien t, dira t on
que de mauvaifes pièces , puifqu’on. n’aura que le
rebut des autres théâtres. O n n’a de même au x
Variétés & aux autres petits fpe&acles , que le
rebut des autres théâtres , 8c cependant on s’en
contente ; on y vo it môme quelques ouvrages
eftimés. Ceux qui relieront au confervatoire feront
foib le s', fans doute , mais ils feront proportionnés
à la force des é lè v e s , à qui l’on ne demandera pas
d’auffî grands talens qu’à des aéleurs formés.
Nous avons dit que les repréfentations fe feroient
devant les proteéleurs- de l’école. C ’eft à eu x , félon
le p ro je t , qu’appartiendroient les loges. Chacun
d’eux auroit la jouiffance d’une lo ge de quatre
places , du m oment où leur protégé feroit admis.