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d’Alembert donne, d’après M. Rameau, de leflrs
dénominations.
La cadence parfaite confiée dans une marche de
quinte en defcendant; & a u contraire, 1*imparfaite
confifte dans une marche de quinte en montant :
en voici la raifon. Quand je dis , ut f o l , fo l eft
déjà renfermé dans l’ut, puifque tout Son, comme
u t , porte avec lui fa douzième, dont fa quinte fol
eft Foâave : ainfi, quand on va d’ut à. f i l , c’eft le
Son générateur qui paffe à fon produit, de manière
pourtant que l’oreille defire toujours de revenir à
ce premier générateur; au contraire, quand on dit
fo l u t , c’eft le produit qui retourne au générateur;
l’oreille eft fatisfai e & ne defire plus rien.
D e plus, dans cette marche fo l u t, le fo l fe fait
encore en rendre dans ut: ainfi, l’oreille entend à
la fois le générateur & fon produit ; au lieu que
(dans la marche ut f o l , l’oreille q u i, dans le premier
Son, avoit entendu ut & fo l, n’entend plus ,
dans le fécond, que fo l fans ùt. Ainfi le repos ou
la cadence de fo l à ut a plus de perfe&ion que la
cadence ou le repos d’ut à fol,
7. Il me femble, continue M. d’Alembert, que
dans les principes de M. Rameau on peut encore
expliquer l’effet de la cadence rompue & de la cadence
interrompue. Imaginons , pour cet effet, qu’a-
près un accord de feptiême ,fo l Jîre f a , on monte
diatoniquement par une cadence rompue à l’accord
la ut mi fol ; il ,eft vifible que cet accord eft ren-
verfé de l’accord de fous-dominante ut mi fol la :
ainfi la marche de cadence rompue équivaut à cette
fucceffion fo l f i re fa , ut mi fo l la. , qui n’eft
autre chofe qu’une cadence parfaite, dans laquelle
ut, au lieu d’être traitée comme tonique, eft rendue
fous-dominante. Or, toute tonique, dit M. d’Alembert,
peut toujours être rendue fous - dominante,
en changeant de mode ; j’ajouterai qu’elle peut
même porter l’accord de fixte - ajoutée , fans en
changer.
i A l’égard de la cadence interrompue, qui confifte à
defcendre d’une dominante fur une autre par l ’intervalle
de tierce en certe forte ,fo l f i re fa ; mi fo l
f i re , il femble qu’on peut encore l’expliquer.
En effet , le fécond accord mi fo l f i re eft ren-
verfé de l’accord de fous-dominante fo l f i re mi :
ainfi la cadence interrompue équivaut à-cette■ fucceffion
, fo l f i re fa , fol f i re mi , où la nore f o l ,
après avoir été traitée comme dominante, eft rendue
fous-dominante en changeant de mode ; ce
qui eft permis & dépend du compofiteur.
8. Ces explications font ingénieufes & montrent
<j[uel ufage on peut faire du double emploi dans
les paffages qui femblenc s’y rapporter le moins.
Cependant l’intention de M. d’Alembert n’eft fiire-
mént pas qu’on s’en ferve réellemeiît dans ceux-ci
pour la pratique , mais feulement pour l’intelligence
du renverfemenr. Par exemple, le double
dmploi de la cadence interrompue fauveroirla dif-
fonance fa par la diffonnance mi, ce qui eft con- :
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traire aux règles , à l’efprit des règles , & fur-tôht
au jugement de l’oreille : car dans la fenfation du
fécond accord, f l fi re mi, à la fuite du premier fol fi
re fa , l’orêille s’obftine plutôt à rejetter le re du nom»
bre des confonnances, que d’admettre le mi pour
diffonant. En général , les commençans doivent
favoir que le double emploi peut être admis fur un
accord de. feptiême à la fuite d’un accord confon-
nant ; mais que fitôt qu’un accord de feptiême en
fuit lin femblable , le double emploi ne peut avoir
lieu. Il eft bon qu’ils fâchent encore qu’on ne doit
changer de ton par nul autre accord diffonant que
le fenfible ; d’où il fuit que dans la cadence rompue
on ne peut fuppofer aucun changement de ton.
I l y a une autre efpèce de cadence que les mufi-
ciens ne regardent point comme telle , & qui,
félon la définition , en eft pourtant une véritable :
c’eft le paffage de l’accord de feptiême diminuée
fur la note fenfible à l’accord de la tonique. Dans
ce paffage, il ne fe trouve aucune liaifon harmonique
, & c’eft le fécond exemple de ce défaut dans
ce qu’on appelle cadence. On pourroit regarder les
.tranfitions enharmoniques comme des manières
d’éviter cette même cadence , de même qu’on évite
la cadence parfaite d’une dominante à fa tonique
par une tranfition chromatique : mais je me borne
à expliquer ici les dénominations établies. (/../•
Rouffeau. }
1 et Toute phrafe harmonique, dit Rouffeau, eft
»5 nécejfairement liée par des diffonances exprimées
n ou fous-entendues ; i l s’enfuit que toute l’harmo-
» nie n’eft proprement qu’une fuite de cadences »,
Nous avons déjà demandé fouyent, & nous
demandons encore ce que e’eft qu’une diffonance
fous-entendue. Dans les arts' ou l’on plaît par les
opérations de l’efprit, comme la poéfie , l’éloquence,
&c. nous concevons que l’imagination,
le raifonnement peuvent fuppléer à ce que l’auteur
a eu quelqu’interêt à ne pas exprimer. Des que
vous préfentez clairement une idée, les confcquen-
ces de cette idée frappent fubitement l’efprit d un
leéleur ou d’un auditeur intelligent, & fi vous
voulez être rapide,- il eft beaucoup de ces confé-
quences que vous pouvez fupprimer ; on fait
qu’une idée fous-entendue par une réticence adroite
fait fouvent un effet beaucoup plus grand que fi on
l’exprimoit. Nous concevons encore qu’en peinture,
où l’artifte eft obligé de faire une illulion continuelle
, de fimulerfiir une toile plate & fans profondeur
des formes rondes & faillantes & des plans
enfoncés en perfpeélive, cet artifte qui vous fait
croire fans ceffe que vous voyez ce que réellement
vous ne voyez pas , peut employer des idées fous-
entendues; encore font-elles au moins indiquées,
mais la mufique, qu’on doit confidérer ici indépendamment
de toure expreflion poétique; la mufique,
ou plutôt l’harmonie, quin’eft que l’art de produire
une fuite de fans fimultanésqui plaifent à l’oreille, ne
fauroit y parvenir avec, des Sons qui ne font pas
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.menai«: Si dans le ton S u t , vous employez 1 ac-
A fol f i re fa , l’oreille délire d’entendre a fa fu.te
un autre accord qui contienne le fon mi; mais fi vous
® retranchez le Son fa , elle ne défire pas plus un
accord qu un autre. , ,
N’eft-il pas vrai que chacun des Sons d un accord
'«joit concourir à l’effet général ou produire un effet
partiel'? Or quel fera l’effet d un Son que 1 ° n
n’entend pas? Dira-t-on qu’en retranchant la difio-
nance l’effet n’eft véritablement plus le meme,
mais que la marche fucceflive des accords n en
doit point être changée pour cela; que 1 accord dont
on a par exemple, retranché la feptieme doit-etre
fuccédé de la même manière que fi cette feptieme
étoit exprimée, & qu’ainfi l’on a raifon de dire que
l’harmonie eft une fuite de diffonances exprimées
ou fous-entendues ?, Cela n?eft pas encore vrai.
Dès le moment que la diffonance n’eft plus dans
un accord , fa marche devient libre ; ainfi dans
l’accord fol fi refafie fa doit ordinairement defcendre
fur un mi. Il ne peut pas fur-tout monter fur un fol.
Mais fi vous retranchez ce fol du premier accord,
il pourra très-bien monter, & vous aurez cette
lucceffibn très-ordinaire.
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Mais fi plufieurs accords confonnans pouvoientfe
fuccèder fans qu’ils ayent de diffonance fous-entendue
, il en rèfulteroit que le fyftême de fucceffion
de la baffe fondamentale feroit fujet à erreur:
«h ! pour cela nous l'avouerons fans peine.
Ajoutons que fi en effet, comme le dit Rouffeau,
l’harmonie n’étoit qu’une fuite d e cadences,
la cadence, d’après fa définition, étant un repos,
ou, d’après une définition plus jufte, étant une
divifion de la phrafe harmonique , chaque note
alors offriroit un repos, une divifion, donc il n y
auroit plus, en mufique, ni divifion ni repos, car
ce n’eu affurément pas fe repofer que de s arrêter
à chaque pas. I
a. et Comme il n’y a point de difionance fans ca-
dence, il n’y a point non plus de cadence fans dif-
» fonance exprimée ou fous -entendue. »
Comme une diffonance fous-entendue ceffe
d’être une diffonance ( nous croyons l’avoir prouvé
) , il y a donc des cadences fans diffonances^;
mais il s’agit de s’entendre ici & de bien définir
une fois pour toutes le mot cadence.
« C ’eft, dit Rouffeau, la terminaifon d une phrafe
»j harmonique fur lin repos ou fur un accord par-
» fait : ou pour parler plus généralement, c’eft tout
paffage d’un accord diffonant à un accord quel-
»» conque. >*
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Cette définition eft fauffe dans tous fes points.
Le premier membre ne pourroit convenir qu’à la
cadence parfaite & à Y imparfaite ; car affurément
la cadence appelée irrégulière , par exemple, ne
termine point une phrafe harmonique, ni fur un
repos, ni fur un accord parfait. Le fécond membre
de la définition feroit jufte , s’il étoit v ra i,
comme Rouffeau le prétend, que l’harmonie n’eft
qu’une fuite alternative’ d’accords diffonans & d’accords
confonnans. Mais c’eft ce qui eft en quef-
tion.
Je crois que la cadence doit être confidérée fous
deux points de vue différens. i° . Comme fucceft
fion harmonique ; a0, comme divifion de la phrafe
muficale. Dans le premier cas , j’appellerai cadence
tout paffage d’un accord à un autre accord qui
n’en eft point le renVerfement, foit que lé premier
contienne ou non une diffonance. Dans le
fécond, je donnerai ce nom à tout repos ; plus
ou moins complet , équivalent à la pon&uation
grammaticale.
Or , fi vous voulez arrête!' un moment votre
phrafe muficale fans la terminer tout-à-fait, fi vous
voulez produire l’eftèt grammatical du point &
virgule, comparé au point feu l, vous pourrez monter
de quinte par deux accords parfaits fans être
obligé d’exprimer ni de fous-entendre aucune dif-
fonauce ; comme dans l’exemple fuivant :
l % l| | g I 3 3 8 . 3
Cefl: ce qu’on appelle cadence imparfaite. Nous
allons y revenir. 11 n’eft point du tout néceflaire
que ce l’oit la diffonance, ni le prétendu fentiment
implicite de la diffonance qui faflè fentir & defi-
rer le repos. La divifion de la mefure fuffit, &
quoique l’exemple ci-deffqs prèfente deux accords
parfaits de fuite A B , on fent très-bien, qu’on ne
pourroit fe repofer fur le premier.
, . « Celle-ci ne peut jamais être pleine, ( la ca-
,, dence interrompue ) mais il finit nèceffairement
« que la fécondé note de cette cadence porte un
33 autre accord diffonant. *t
Cefte rè«le eft la conféquence de celle qui veut
que dms toute la gamme il n’y ait que la tonique
qui porte l’accord parfait. Or, fi après un accord de
feptiême fimple , vous deicendiez par tierce fur
une tonique véritable , vous n auriez pas une fucceffion
harmonique. La note portant cet accord vous
prèfenteroitune modulation nouvel'eque riénri’au-
roit annoncée ni foutenue. Mais s’il n’eft pas v ra i,
comme nous l’avons piouvé ailleurs, qu’une note ,
parce qu elle porte l’accord parfait, l’oit une véfitabie